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Le concept des races humaines est dépassé, tout le monde en convient. Pourtant, même la science traîne encore ce concept comme un boulet, notamment la recherche médicale, lorsqu’elle est obligée de distinguer différents groupes pour tester un médicament ou établir un diagnostic.

Les quatre auteurs d’une analyse parue le 5 février dans Science donnent comme exemple la fibrose kystique: sous-diagnostiquée chez les Afro-Américains, parce qu’encore considérée comme une maladie «de Blancs».

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Entre autres choses, les auteurs recommandent de prendre davantage en considération la géographie pour définir une «population» dans une perspective génétique. Rien que l’usage des mots «population» ou «ancestral» serait déjà un net progrès par rapport aux grandes catégories toujours en usage (Caucasien, Afro-Américain, Asiatique) disent ces quatre chercheurs, tous quatre Américains :

Nous croyons que l’usage des concepts biologiques de race dans la recherche en génétique humaine —si contestés et si riches en confusion— est au mieux problématique et au pire dommageable. Il est temps pour les biologistes de trouver une meilleure méthode.
(...)
Ancestral est un concept basé sur un processus, une déclaration sur la relation qu’entretient un individu avec d’autres individus dans son histoire généalogique. Du coup, il s’agit d’une compréhension très personnalisée de l’héritage génomique d’une personne. Alors que race est un concept général, qui a conduit des scientifiques et d’autres personnes à dresser des conclusions sur une organisation hiérarchique des humains...

Le fait que le concept ait tenu aussi longtemps n’est pas seulement un héritage du racisme. Avant l’explosion de la génétique dans les années 2000, un groupe de chercheurs désireux de comparer les effets d’un traitement ou l’évolution d’une maladie dans différentes populations, n’avait que deux choix: diviser ses cobayes humains par le sexe, ou par la «race». Mais l'usage demeure aujourd'hui encore. Alors que, comme la multiplication des décodages de génomes l’a démontré depuis 15 ans, un Européen «blanc» peut, génétiquement, avoir davantage en commun avec un Asiatique vivant à 5000 km, qu’avec son voisin. Comment tirer parti de ces nouvelles connaissances?

Un des premiers à applaudir cet appel à une réforme a été le spécialiste du décodage des génomes d’humains préhistoriques, Svante Pääbo :

Ce que l’étude de génomes complets de différentes parties du monde a démontré, c’est que même entre l’Afrique et l’Europe, il n’y a pas une seule différence génétique absolue, ce qui veut dire aucun [cas] où tous les Africains auraient un variant et tous les Européens en auraient un autre.

Des revues scientifiques et des associations ont déjà franchi le pas, et favorisent des concepts tels que «géographie ancestrale», qui permettraient de distinguer des situations où une variation génétique est plus souvent présente dans une population que dans une autre. Mais c’est toute la communauté des généticiens qui doit s’entendre sur un vocabulaire adapté au 21e siècle, insistent ces quatre auteurs. Ils en appellent à la création d’un comité d’experts de l’Académie nationale des sciences qui aura pour mission de trancher. Et le jour où les généticiens se seront entendus sur ce nouveau vocabulaire, ils auront peut-être un impact sur le grand public :

Certains ont démontré que de substituer de tels termes ne change rien si la pensée raciste sous-jacente reste la même. Mais le langage a une importance, et le vocabulaire scientifique sur la race pèse d’un poids considérable sur la façon dont le public (incluant les scientifiques) perçoit la diversité humaine.

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