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Il y a plusieurs raisons pour lesquelles l’histoire d’un insecticide fabriqué par Monsanto qui serait responsable du virus Zika, ne tient pas la route. La première raison est que Monsanto n’a jamais fabriqué l'insecticide en question.

Mais une autre des choses à signaler en arrière-plan de cette histoire est la façon dont l’information circule: bien que cette théorie soit née le 9 février et qu’il n’ait fallu que deux jours à des journalistes et des blogueurs pour démontrer qu’elle ne passait pas la rampe, on continue de voir, une semaine plus tard, sur le Web francophone et anglophone, des textes qui reprennent l’histoire sans faire état des remises en question.

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Qu’est-ce qui cause au Brésil plus de 4000 cas (présumés) de microcéphalie depuis octobre —soit des enfants nés avec des crânes plus petits que la normale? Le lien le plus solide veut qu’il s’agisse du virus Zika, mais comme la preuve scientifique reste à faire, et qu’il pourrait s’écouler des semaines avant qu’elle ne soit faite, Internet a vu fleurir les théories de toutes sortes. L’une d’elles surnage : le pyriproxyfène. Le 9 février en Argentine, le groupe militant Reduas, citant «des médecins argentins», a accusé cet insecticide.

En soi, l’idée qu’un polluant puisse être responsable de malformations ou de retards de développement chez le foetus n’a rien d’absurde: le mercure et les perturbateurs endocriniens ont fait les manchettes dans le passé. Mais dans ce cas-ci, l’hypothèse souffre de plusieurs failles :

  • Le pyriproxyfène agit en bloquant l’hormone de croissance de la larve, celle qui lui permet d’éclore pour se transformer en moustique —un processus de toute évidence absent chez l’humain.
  • Cet insecticide (plus exactement, un larvicide) est utilisé depuis des décennies. Il a donc fait l’objet de multiples études d’impact, au Brésil, en Europe et aux États-Unis, et une épidémie de microcéphalie ne serait jamais passé inaperçue.
  • Entre autres choses, des études ont constaté qu’il était rapidement absorbé par notre système gastro-intestinal et évacué par l’urine.
  • D'autres études sur des rats et des souris soumis à des doses supérieures à celles auxquelles un humain pourrait être exposé (100 milligrammes par kilo par jour) n’ont montré aucun impact sur le système reproducteur ou le développement de l’animal.
  • Même ainsi, la dose maximale qui aurait peut-être pu se retrouver dans l’eau potable de certaines régions du Brésil est 300 fois plus faible que la norme recommandée par l’Organisation mondiale de la santé.
  • Le ministère brésilien de la Santé a publié un communiqué cette semaine soulignant l’absence de corrélation entre les régions où l’insecticide a été répandu et celles où surviennent les cas de microcéphalie.
  • Avant le Brésil, les îles françaises de Polynésie, dans le Pacifique Sud, avaient été victimes d’une épidémie de microcéphalie en 2013-2014, sans pourtant avoir été le théâtre d’épandage de cet insecticide.
  • À l’inverse, la piste du virus se renforce : des scientifiques ont observé son empreinte dans le placenta de certaines mères au Brésil, et cette semaine, dans le New England Journal of Medicine, des chercheurs européens annoncent avoir identifié cette empreinte dans le cerveau d’un foetus avorté qui était atteint de microcéphalie. Il pourrait s’agir d’une coïncidence —mais l’hypothèse du lien entre Zika et microcéphalie devient de plus en plus solide.

Accessoirement, le groupe argentin Reduas s’est aussi fait connaître en 2015 pour avoir répandu l’idée que des tampons hygiéniques étaient imprégnés d’un herbicide, le glyphosate —produit de Monsanto.

Le pyriproxyfène est produit par la compagnie japonaise Sumitomo Chemical, une compagnie indépendante de l’américaine Monsanto, dont elle est le partenaire et distributeur au Japon et au Brésil.

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