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Un quart de siècle après les physiciens, les biologistes sont-ils en train de se convertir à la publication directement en ligne, sans le filtre des revues? Ils sont pour l’instant peu nombreux, mais ils se font plus bruyants.

 

Créé il y a trois ans, le serveur de pré-publication bioRxiv vient de passer le cap des 2000 recherches mises en ligne. Une misère, à côté du million que compte l’ancêtre, ArXiv, né en 1992, surtout en physique et en mathématiques. Mais l’ambition est la même : offrir aux chercheurs en sciences de la vie un lieu où déposer directement leurs recherches, avant qu’elles n’aient été formellement relues et approuvées. Dans son «à propos de nous», bioRxiv fait directement référence à ArXiv.

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Mais du même souffle, c’est aussi un appui au mouvement d’accès libre —c’est-à-dire l’accès ouvert aux recherches, sans le filtre d’un abonnement. C’était une des motivations derrière la rencontre ASAPBio (ASAP : acronyme anglais pour as soon as possible) tenue le mois dernier au Maryland. Et encore les organisateurs se sont-ils aperçus lors des phases préparatoires de cette rencontre qu’il leur fallait partir de plus loin: la plupart des inscrits, bien que se disant à 90% insatisfaits de l’état actuel du système de publication scientifique, n’avaient jamais envisagé la pré-publication et ne voyaient pas ce qu’elle pouvait leur apporter.

La rencontre leur a valu un gros coup de pouce du New York Times , qui a publié un article à leur sujet cette semaine: on y apprend que Carol Greider, de l’Université Johns Hopkins est devenue le troisième Nobel de biologie en seulement un mois à poster un article sur bioRxiv. «Un petit acte de défi de l’âge de l’information», résume la journaliste.

Mais son article pose la même question que les organisateurs d’ASAPBio: pourquoi a-t-il fallu autant de temps aux biologistes, comparativement à leurs collègues physiciens ou mathématiciens?

 

Bien que certains journaux influents, comme Science ou Nature, aient comme politique de traiter les pré-publications sur le même pied que les articles qui n’ont pas été publiés ailleurs, peu de biologistes ont fait ce choix, craignant que cela ne diminue leurs chances déjà faibles d’être publiés.

 

Le poids que la communauté scientifique accorde encore au système de révision par les pairs joue contre une pré-publication, a allégué le Nobel de biologie Randy Schekman pendant ASAPBio et dans un texte d'opinion publié par The Guardian —encore que cela ne semble pas avoir nui à la recherche en physique depuis 20 ans.

Au final, il faudra du temps aux biologistes pour rattraper les physiciens, mais ils sont plusieurs à applaudir cette petite secousse. Le biologiste Michael Eisen par exemple : en plus d’être un des plus bruyants défenseurs de l’accès libre (et cofondateur de l’éditeur PLOS), il en appelle aussi à une réforme en profondeur du système de révision par les pairs, qui en est trop venu avec les années à attribuer une valeur à une recherche sur la base de la revue qui l’a publiée, plutôt que sur son contenu.

Comme il l’écrivait sur Twitter le 22 février: «il est quand même étonnant qu’il ait fallu 20 ans pour que «les scientifiques devraient poster leurs travaux sur Internet» ne soit plus perçu comme une position radicale».

 

 

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