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La Stratégie maritime du Québec, dévoilée l’an dernier et dans laquelle le gouvernement injectera 1,5 milliard de dollars pour des actions qui seront mises en place jusqu’à l’horizon de 2030, devra tenir compte des aspects environnementaux et scientifiques de l’important corridor fluvial que représente le fleuve Saint-Laurent.

« La stratégie maritime permettra de partager les actions de protection pour diminuer les impacts sur le fleuve. C’est donc une fantastique occasion de travailler ensemble et d’identifier la part de responsabilité de chacun », relève Richard St-Louis de l’Université du Québec à Rimouski, lors du colloque Stratégie maritime : concilier développement et protection , qui réunissait de nombreux chercheurs de Québec-Océan, présenté dans le cadre du récent congrès de l’Acfas.

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« Tout comme l’écocertification, une telle stratégie force l’industrie des pêcheries à se discipliner, à ne plus penser à court terme et à adopter une gestion transparente du risque », renchérit Martin Castonguay de Pêches et Océans Canada. Le « Plan Bleu » — en référence au Plan Nord — aura donc beaucoup à apprendre de l’historique des pêches commerciales et du principe de précaution actuellement encouragé.

Alors que les changements climatiques multiplient les épisodes de tempêtes extrêmes, le retrait précoce des glaces – formidables tampons des côtes – et la poursuite de l’érosion des côtes, le temps est venu de planifier une gestion responsable de nos richesses fluviales et maritimes, affirme le chercheur affilié également à l’Institut Maurice-Lamontagne.

Fragile autoroute maritime

Avec la stratégie maritime, le gouvernement désire investir dans les infrastructures portuaires et fluviales pour augmenter les échanges commerciaux soutenant le développement économique de la province. Au Canada, plus de 30 millions de tonnes de marchandises – 80 % des biens – seraient en effet livrées par navire et le fleuve Saint-Laurent en est la principale porte d’entrée.

« Le bilan environnemental du commerce maritime est plutôt positif, car un navire transporte l’équivalent en marchandises de 870 camions. Ce mode de transport compte pour 1,2 % des gaz à effet de serre du secteur des transports Québec », rassure de son côté Mélissa Laliberté, directrice des projets et affaires gouvernementales de la Société de développement économie du Saint-Laurent qui fait la promotion de l’Alliance Verte – la certification environnementale volontaire de l’industrie maritime.

La mesure environnementale la plus connue est la réduction de vitesse à l’embouchure du Saguenay afin de réduire les risques collisions avec les mammifères marins. « 75 % des navires respectent volontairement la limitation à 10 nœuds, entre mai à octobre, dans cette zone », précise Mme Laliberté.

Ports toxiques

D’où l’importance de multiplier les zones de protection pour que soient prises en compte les activités humaines, moins bruyantes que les navires et plus discrètes que les ports commerciaux, mais tout aussi dommageables. Les écosystèmes marins subissent déjà les attaques reliées à ces activités, en commençant celles ayant cours dans les ports.

Effluents urbains, lixiviats (liquide résiduel s’écoulant des déchets), eaux de ruissellement et poussières charrient dans le fleuve des composés métalliques et chimiques dangereux, tels que l’arsenic, le cobalt, le zinc, le manganèse ou le nickel.

Et même les peintures des navires s’avèrent toxiques pour la biodiversité. « L’antifouling, destiné à éliminer la croissance des organismes sur les coques, nuit aux espèces marines. Le biocide TBT, aujourd’hui interdit, a même induit une masculinisation des femelles des gastéropodes marins des Méchins », explique Richard St- Louis.

Des réglementations et des données

La scientifique des écosystèmes et experte des politiques marines chez Parc Canada, Suzan Dionne abonde dans le même sens sur le principe de précaution et juge important un plan stratégique avec des indicateurs fiables et à jour. « Le nerf de la guerre – et la principale difficulté – est d’obtenir des données sur la même échelle et la même temporalité. La modélisation reste le grand défi », indique-t-elle.

Après avoir détaillé toutes les règlementations de protection consenties aux milieux marins, de la Convention des Nations-Unies sur le droit de la mer à la Convention sur la diversité biologique du Sommet de la terre de 1992, en passant par celle sur les aires marines protégées, elle note le retard pris en matière de protection.

En effet, le Canada est encore loin des 10 % d’aires protégées planifiées. « Les zones vertes restent minimes à l’échelle de la planète – et pour nous, elles seraient plutôt de couleur « beige rose » puisqu’elles représentent moins de 3 % et encore, on ne sait pas trop comment elles sont protégées et si elles ne sont pas seulement des « aires de papier », avoue-t-elle.

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