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Jusqu'à l'an dernier, on connaissait deux types de cancers contagieux dans l'ensemble du monde animal, et ils étaient tous deux qualifiés d'anomalies. Un an plus tard, on en connaît huit – dont un peut se transmettre d'une espèce à l'autre.

Si l'humain n'a rien à craindre de ces cancers, la multiplication des découvertes laisse néanmoins croire qu'ils sont peut-être, en fin de compte, beaucoup plus répandus qu'on ne l'avait supposé, écrivent Michael Metzger et Stephen Goff, de l'Université Columbia à New York, dans une édition récente de la revue Nature.

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L'un des objets de leur étonnement est une leucémie contagieuse observée chez la palourde jaune (Venerupis aurea) et chez la coque, deux mollusques du nord-ouest de l'Espagne. Un type de cancer similaire chez un mollusque de la côte Atlantique, répandu de New York jusqu'à l'Île-du-Prince-Édouard, avait été porté à leur attention en 2015. Depuis, un appel à leurs collègues biologistes du monde entier a permis de trouver ces deux cas européens, ainsi qu'un quatrième, chez des moules de l'île de Vancouver. Entre-temps, la leucémie chez la coque s'est avérée être deux leucémies différentes chez deux espèces différentes de coques.

Et ce n'est pas tout : l'analyse génétique de la tumeur de la palourde jaune révèle qu'elle n'est même pas originaire de cette espèce, mais de sa cousine la palourde bleue – soit un sixième cas en un an, même si, étrangement, cette palourde bleue ne semble pas en souffrir. Si d'autres recherches devaient confirmer que ce cancer a sauté par-dessus la barrière des espèces, ce serait une première – et la porte ouverte à une longue série de spéculations sur ce qui attend les biologistes au tournant.

Rappel : un cancer, c'est généralement une seule cellule dysfonctionnelle qui se met à se diviser de manière incontrôlée. Quand la tumeur tue l'animal, elle meurt avec lui.

Mais dans les cas décrits par ces chercheurs dans Nature, ces cellules cancéreuses ont les attributs d'un parasite : elles peuvent se transmettre à une autre palourde et recommencer le cycle.

Les deux seuls autres cas connus jusqu'à l'an dernier étaient une tumeur vénérienne présente chez les chiens depuis 11 000 ans, qui resurgit de façon cyclique, et une tumeur faciale chez le diable de Tasmanie, qui s'est répandue si vite depuis les années 1990 qu'on a évoqué ces dernières années la disparition possible de l'espèce. Dans les deux cas, ces tumeurs se transmettent par morsure ou par contact sexuel. Sauf que des mollusques, ça ne se touche pas comme des mammifères. Le « virus », selon l'hypothèse émise par Stephen Goff, se transmettrait donc par l'eau, et par les crottes des uns et des autres.

La suite ? Le journaliste Carl Zimmer rappelle qu'un cancer transmissible n'est pas une totale impossibilité chez nous : on estimerait à 0,04 % la proportion des greffés qui ont hérité à leur insu d'un cancer avec l'organe qui leur a été transplanté. Sauf qu'il s'agit là de circonstances peu naturelles. En attendant de savoir si les mollusques sont les seules bestioles affligées de cette curieuse maladie...

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