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À l’ombre des prochains Jeux olympiques de Rio, de nombreux athlètes souffrent de troubles du comportement alimentaire (TCA). Certaines disciplines artistiques et sportives encouragent, à leur corps défendant, le contrôle de son image corporelle dans l’espoir que les performances suivront. Lorsque cela ne fonctionne plus, les sportifs professionnels – et cela touche aussi les amateurs – consultent, telle la joueuse de tennis Eugénie Bouchard.

« C’est encore très tabou de parler de ça dans le milieu sportif et le profil de la gymnaste amaigrie n’est que le pic de l’iceberg », annonce la directrice du Laboratoire de recherche interdisciplinaire sur les troubles du comportement alimentaire en lien avec la réalité virtuelle et l'exercice physique (LoriCorps) de l'Université du Québec à Trois-Rivières, Johana Monthuy-Blanc.

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Au LoriCorps, les chercheurs cliniciens utilisent de nouvelles technologies thérapeutiques de cybersanté dans le cadre de leur thérapie, tel le cybercorps. Il s’agit, pour le patient, d’enfiler un casque virtuel et de s’immerger dans un environnement fictif. Là, il devra déterminer la silhouette qui lui ressemble le plus – selon lui – et choisir également une autre silhouette jugée « idéale » à ses yeux.

« Cela nous donne tout de suite des indices sur le décalage perceptuel de la personne. En lui laissant le plein usage et sans contrôle de cet environnement — à l’utilisateur —, nous apprenons beaucoup et rapidement sur son insatisfaction corporelle », relève la Pre Monthuy-Blanc.

Ce serait particulièrement un très bon outil avec les adolescents, plus habitués à ces technologies, et avec les hommes. Ces derniers peuvent s’appuyer sur des éléments conceptuels pour parler de ce qu’ils vivent car, comme le rappelle la chercheuse, ils ne sont pas moins à risque de souffrir de TCA. Par exemple, l’hyperphagie boulimique – la « crise de compulsion alimentaire » — concernerait presque autant d’hommes que de femmes.

Sports et mâles

Tous les sports où la minceur prime — plongeon, courses hippiques, escalade – seraient dans la mire des comportements alimentaires déviants, tout comme, à l’autre bout du spectre, ceux plus culturistes où la prise de poids et le rapport poids/puissance importent, tels le lancer de poids, le judo et les sports de combat.

Le principal trouble identifié est la bigorexie, cette obsession de pratiquer un sport à outrance, un trouble mental où le sportif amateur ou professionnel se trouve trop maigre et pas assez musclé. Un trouble désigné aussi par « anorexie athlétique » ou « anorexie inversée », car la personne s’alimente peu et uniquement pour accroître ses performances.

Comme cela touche de très nombreux hommes, la chercheuse parle là d’une masculinisation des TCA, un autre tabou. « On associe minceur et troubles alimentaires aux jeunes filles, pourtant de nombreux hommes s’y retrouvent et des adolescents apprennent très tôt des stratégies pour dissimuler leurs troubles », soutient la Pre Monthuy-Blanc.

Au récent Symposium international sur les troubles alimentaires, la chercheuse a présenté le récent programme d'intervention sur les TCA. Il s’appuie sur une équipe multidisciplinaire — nutritionnistes, ergothérapeutes, médecins, infirmières, psychologues, etc. — maillant le milieu de la recherche et des cliniciens. Il sera testé en septembre prochain, en Mauricie, auprès de personnes souffrant de TCA légers à modérés, tels l’anorexie sportive ou encore l’hyperphagie boulimique.

Selon les données du LoriCorps, jusqu’à 300 000 Québécois seraient à risque de développer un TCA au Québec.

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