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Il n'est pas étonnant que des gens poursuivent des recherches sur la fusion froide. Mais que des millions de dollars continuent d’y pleuvoir peut laisser perplexe, étant donné la maigreur des résultats... et le climat de méfiance et d’acrimonie qui entoure certains gros joueurs.

La « fusion froide », c’est cette annonce faite à l’université d’Utah en 1989, selon laquelle les chimistes Stanley Pons et Martin Fleischman auraient réalisé une fusion nucléaire à température ambiante. Or, la fusion nucléaire, c’est ce qui fait briller notre Soleil depuis cinq milliards d’années. Si l’on était capable de reproduire le phénomène avec un équipement de bric et de broc, ce serait donc la solution à tous les problèmes énergétiques de la planète : une énergie propre, gratuite et inépuisable.

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L’expérience de 1989 a vite été discréditée — personne n’était capable de la reproduire, y compris les « découvreurs » — au point qu’aujourd’hui, ceux qui continuent de poursuivre ce rêve ont balayé sous le tapis les mots « fusion froide » pour les remplacer par « réactions nucléaires à basse énergie ».

Le New Scientist consacre dans sa dernière édition un long reportage à ce rêve, parce qu’il n’est pas seulement poursuivi par une poignée de marginaux : le Laboratoire de recherche navale des États-Unis et celui des hautes énergies de la compagnie Mitsubishi, au Japon, sont de ceux qui s'y investissent. Des philanthropes aussi : 5 millions et demi de dollars ont été donnés à un « Institut pour la renaissance nucléaire » établi en 2012 à l’université du Missouri. Et l’un des chasseurs de mécènes les plus efficaces de ces dernières années s’appelle Andrea Rossi, au sujet duquel la revue Popular Mechanics suggérait en mai qu’il avait peut-être roulé ses bailleurs de fonds dans la farine.

Rossi est un ingénieur italien qui fait depuis 2007 la promotion de son catalyseur d’énergie, ou E-Cat : un cylindre de la taille d’une bouteille de vin, rempli de nickel et d’hydrogène, qui générerait de grandes quantités d’énergie lorsqu’on le soumet à une réaction inconnue. Rossi est parvenu à une entente avec une compagnie américaine, Industrial Heat (IH), pour financer une expérience d’un an dans un lieu tenu secret. L’expérience devait prendre fin en mars dernier et l’on attendait les résultats lors d’un congrès spécial en juin. Au lieu de cela, IH a annoncé en avril la rupture du contrat avec Rossi, et celui-ci a déclenché une poursuite de 100 millions de dollars contre IH — la somme que, affirme-t-il, IH était censé lui payer. IH allègue avoir mis fin au contrat parce que l’expérience n’allait nulle part, et ce n’est que le dernier d’une longue série de partenaires ou d’observateurs qui ont, à mots plus ou moins couverts, traité Rossi d’arnaqueur.

Restent les expériences menées aux États-Unis, au Japon ou ailleurs, qui ont toujours le même maigre menu à offrir : au milieu de centaines de tentatives au cours desquelles il ne s’est rien passé, il s’en trouve tout à coup une pendant laquelle s’est produite une « anomalie », une « émission de chaleur ». Chaque fois, il est impossible de la reproduire ou d’en fournir des preuves solides, soulevant la crainte qu’il s’agisse d’une erreur des instruments ou d'une erreur du chercheur dans sa prise de données. Et peu sont enclins à faire entrer des observateurs extérieurs et indépendants dans leurs laboratoires parce que, comme le dit l’un des chercheurs impliqués, Graham Hubler, lui-même défenseur de la fusion froide : « la plupart des gens qui travaillent là-dessus ont des symboles de dollars dans les yeux ».

Chez Mitsubishi, plutôt que la production d’énergie, c’est sur la « transmutation » qu’on travaille — transformer des éléments radioactifs en quelque chose d’inoffensif. Les chercheurs ont affirmé en 2002 avoir observé une transmutation, puis à nouveau en 2015. Le gouvernement japonais, qui aimerait bien qu’on lui fournisse une solution miracle pour décontaminer le site de la centrale nucléaire de Fukushima, a versé une subvention. Mais une équipe du centre de recherche navale des États-Unis, qui s’était rendue sur place il y a plusieurs années, est revenue avec un rapport — obtenu par le New Scientist — peu concluant : erreur de manipulation des éléments ou, en langage savant, « contamination ».

C’est le risque inhérent à toute recherche privée menée derrière des portes closes. Et c’est la raison pour laquelle les défenseurs de la fusion froide aimeraient beaucoup que des gouvernements investissent : une recherche financée par des fonds publics oblige les chercheurs impliqués à davantage de transparence. Mais certains ne veulent justement pas être transparents, convaincus d’être à deux doigts de la découverte du siècle qui les rendra riches et célèbres.

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