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Vu de l'étranger, l’antagonisme des politiciens de Washington sur les changements climatiques semble absolu : les démocrates veulent agir, les républicains en nient l’existence. Pourtant, au niveau local, la réalité est tout autre : sur la côte Atlantique par exemple, les deux camps tirent la sonnette d’alarme.

« Je suis républicain, mais je réalise aussi que, analysé objectivement, le niveau de la mer est en train de monter », déclarait récemment au New York Times le maire de Tybee Island, première communauté de Géorgie à avoir adopté un plan climatique.

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Et la Géorgie est située immédiatement au nord de la Floride, État désigné l’an dernier comme « le plus menacé » au plan financier par les inondations, les grandes marées et les tempêtes. Si l’océan monte, ne serait-ce que d’un mètre d’ici 2100, d’immenses portions de territoire, sur le rivage et à l’intérieur, seront régulièrement submergées.

Dans une fronde inédite, en mars dernier, 21 maires de Floride, démocrates et républicains confondus, ont réclamé des grands partis nationaux qu’ils insèrent des questions sur les changements climatiques dans les deux débats entre les candidats à la présidence qui devaient avoir lieu en Floride quelques jours plus tard.

C’est aussi du « Sunshine State » qu’est parvenue en 2014 rien de moins qu’une demande de déclaration d’indépendance du sud de la Floride. Par trois voix contre deux, le conseil municipal de South Miami a voulu montrer son exaspération devant l’indifférence du gouvernement de Floride, qui loge dans le nord de l’État. Il faut savoir que toutes les terres basses sont dans le sud, avec une altitude moyenne de seulement quatre mètres au-dessus du niveau de la mer, et comprennent le deuxième plus grand lac d’eau douce des États-Unis, le parc des Everglades... et deux centrales nucléaires.

À elle seule, la ville de Miami a dû dépenser des centaines de millions de dollars, ces dernières années, pour élever des murs contre les grandes marées et déplacer des routes. Elle s'est lancée dans une campagne de levée de taxes afin de récolter 400 millions de plus pour son « plan de gestion des tempêtes ». Selon la dernière édition du sondage annuel Energy Poll de l’université du Texas, 81 % des Floridiens croient en la réalité des changements climatiques. Mais toutes les communautés ne seront pas aussi riches que Miami pour prélever pareilles sommes.

« En tant que républicains, nous partageons la suspicion d’une main trop lourde du gouvernement », ont écrit en mars, dans le Miami Herald, les maires de Miami et de Coral Gables. « Mais pour nous, ajoutent-ils, les changements climatiques ne sont pas une question partisane. C’est une crise imminente. »

À près d’un millier de kilomètres plus au nord, les résidents de Norfolk, Virginie, voient eux aussi le climat comme un enjeu non partisan : la base navale, qui emploie 60 000 personnes, est attaquée par l’Atlantique. En fait, les militaires eux-mêmes tirent la sonnette d’alarme depuis 2006 : les 18 bases navales qui parsèment la côte, du Golfe du Mexique jusqu’au Maine, risquent de voir, d’ici 2100, « de 25 à 50 % de leurs terres » grignotées par l’océan, et « 10 fois plus d’inondations qu’aujourd’hui ».

Autour de Norfolk, ce sont aussi des quartiers entiers qui, inondés régulièrement, vivent un avant-goût du futur. Le journaliste du New York Times , Justin Gillis, décrit les dépôts de sel marin qui sont restés dans les rues, les marais ou les parterres de banlieues, les arbres tués par l’eau de mer et les panneaux plantés ici et là pour avertir les résidents de la hauteur jusqu’à laquelle l’eau risque de monter la prochaine fois. « Ça commence à attirer l’attention des citoyens, des restaurateurs, des gens d’affaires, des politiciens », explique un environnementaliste local, William Stiles. « C’est plus qu’un simple sujet de conversation, poursuit-il, et ce n’est plus quelque chose dont on évite de parler devant les élus. »

Personne ne se risque à prédire le poids que ces enjeux auront sur les élections locales de novembre. De la Floride au Maine, chaque État a également d’autres priorités. Mais tandis qu’au niveau national, certains débattent de la santé d’Hillary et des impôts de Donald, il s’en trouve qui, dans leur coin de pays, commencent carrément à se demander si leur communauté existera encore à la fin du siècle.

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