Casque

La mort d’un cycliste est toujours un événement malheureux. Mais beaucoup sont prompts à y coller la phrase accusatrice : « le cycliste ne portait pas de casque ». Depuis le milieu des années 1980, une vingtaine d’études ont confirmé l’efficacité du casque pour prévenir les blessures à la tête — et donc, certains décès. Cependant, cette protection a ses limites et n’est pas la meilleure stratégie pour diminuer la mortalité chez les cyclistes.


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Quelle est l’efficacité des casques de vélo ?

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« Les premières études analysant l’efficacité du casque ont été réalisées dans les années 1980 et la plus récente a été publiée en 2013 », explique le Dr Michel Lavoie, médecin spécialiste en santé communautaire à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Des synthèses (ou méta-analyses) de ces études en concluent que « le casque est efficace pour prévenir les blessures à la tête », poursuit le Dr Lavoie : il diminuerait « de 60 % la probabilité de subir une blessure à la tête. Le casque serait un peu plus efficace pour prévenir les blessures plus sévères comme les blessures intracrâniennes et les fractures du crâne. »

Le port du casque de vélo peut-il prévenir des décès ?

Toutefois, tous les cyclistes tués ne l’ont pas été à cause d’une blessure à la tête. Entre 2007 et 2011, l’INSPQ recense en moyenne 23 décès par année impliquant un cycliste dans un incident de transport. Dans l’ensemble de cette période, une blessure à la tête a été déterminée comme l’une des causes ayant contribué au décès pour 56,5 % des décès ; mais seulement 39,1 % avaient subi uniquement des blessures à la tête, soit une moyenne de 9 décès par an.

L’analyse des 129 décès de cyclistes en Ontario entre 2006 et 2010 amène à un constat similaire. Par exemple, en Ontario, 40 de ces cyclistes ont été frappés par un véhicule et ensuite projetés au sol ; 15 sont passés sous les roues du véhicule ; 18 ont été heurtés par un camion lourd et dans la moitié des cas, ils ont frappé le côté du camion avant d’être écrasés par les roues arrière. Ce sont tous des cas où le casque n’aurait pu prévenir le décès, rappelle le Dr Patrick Morency, médecin spécialiste en santé communautaire à l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal.

Et le casque n’est pas infaillible. Le Bureau du coroner en chef de l’Ontario a comparé les cyclistes blessés à la tête avec les cyclistes blessés ailleurs : 18 % des cyclistes ayant subi un traumatisme crânien fatal portaient tout de même un casque.

Quelles sont les limites du casque de vélo ?

Des chercheurs de Colombie-Britannique ont réalisé, en 2014, des expériences de biomécanique pour mieux comprendre comment le casque de vélo protégeait la tête contre les blessures. Ils ont donc simulé un accident de vélo en provoquant la chute d’une tête de mannequin, et ce, à partir de différentes hauteurs. Par exemple, en faisant tomber la tête sur une enclume d’acier à 1,5 m, ils reproduisaient l’impact d’un cycliste projeté au sol alors qu’il roule à 20 km/h.

Les résultats à cette hauteur indiquent que le risque de blessures sévères à la tête est de 99,9 % sans casque, mais seulement de 9 % avec un casque.

Toutefois lors des simulations avec casque à une hauteur de 3 m, la probabilité de blessures sévères à la tête s’élevait à 97 %. Selon les chercheurs, un impact à cette vitesse produit une énergie trop grande pour la capacité du casque. « Une blessure, c’est un transfert d’énergie, explique le Dr Patrick Morency. C’est la quantité d’énergie transférée qui déterminera la sévérité de la blessure. Par exemple, plus une automobile va vite ou plus un camion est lourd, plus la probabilité est grande que la blessure soit sévère. Le casque peut alors avoir une efficacité plus limitée. »

Ces tests ont eux-mêmes une limite : ils supposent des chutes verticales, où la tête heurte de plein fouet le sol. En réalité, les chutes sont plus souvent latérales, le cycliste bougeant la tête par réflexe. Or, les casques amortissent moins bien les chutes latérales.

Comment diminuer la mortalité chez les cyclistes ?

Selon Kay Teschke, professeure à l’université de Colombie-Britannique et coauteure en 2015 d’une importante étude canadienne comparant les taux d’hospitalisation de cyclistes d’une province à l’autre, le port du casque n’est certainement pas la meilleure façon de réduire la mortalité à vélo. Le but de l’étude était d’évaluer si une loi rendant le port du casque obligatoire serait efficace. « Au Danemark et aux Pays-Bas, le port du casque est rare. Pourtant, les taux de décès chez les cyclistes sont 3 à 5 fois plus bas qu’aux États-Unis, au Royaume-Uni ou au Canada, où l’utilisation du casque est fréquente », souligne-t-elle. Le Dr Lavoie rappelle d’ailleurs un concept important : le casque ne prévient pas les accidents, mais plutôt les blessures en cas d’accident. « Le casque est une mesure de deuxième ligne, insiste le médecin. La meilleure chose à faire en prévention, c’est plutôt d’éviter que ces événements surviennent. »

« Ce qui fait la sécurité des villes comme Amsterdam et Copenhague, ce sont des environnements plus sûrs pour les cyclistes, confirme le Dr Patrick Morency. Ces villes ont restreint l’espace dédié aux automobiles pour favoriser les transports collectifs, diminuant ainsi le nombre de véhicules en circulation. Ils ont également aménagé des voies cyclables distinctes pour séparer les cyclistes de la circulation automobile. »

La santé publique réclame d’ailleurs de tels réseaux de pistes cyclables sur les grandes artères. « Si on ne cherche pas des coupables, mais plutôt des solutions, les stratégies environnementales sont les premières qui viennent en tête, conclut-il. Par principe de prudence, il est préférable de porter un casque. Cependant, ce qui influence le risque d’être tué à bicyclette, c’est d’abord et avant tout la probabilité d’être exposé à des véhicules. La meilleure manière de réduire la mortalité, c’est donc par des aménagements routiers appropriés. »

Verdict

Il est impossible de donner avec précision le nombre de vies qui auraient été sauvées si le casque était obligatoire, mais on sait déjà que seule une partie des accidents mortels serait concernée (au Québec, 9 sur 23). De plus, comme l’INSPQ estime que le port du casque ne diminue que de 60 % la probabilité de blessures à la tête, le nombre final de décès évités pourrait être encore moins élevé.

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