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BOSTON — Avant de communiquer la science à un public réfractaire, il faut apprendre à la transmettre efficacement à un public conquis. Une expertise qui ne courrait pas dans les rangs des chercheurs, raconte Naomi Oreskes. Pour illustrer ses propos, la professeure en histoire des sciences de l’Université Harvard a partagé avec le public réuni dans le cadre du récent congrès de l’Association américaine pour l’avancement des sciences sa propre expérience durement acquise lors de la réalisation du documentaire basé sur son best-seller Les marchands de doutes.

Les fondements de la communication efficace semblent souvent s’opposer aux principes chers aux chercheurs. Pour que le message atteigne sa cible, il convient de diffuser un message simple, de raconter une histoire et de s’assurer qu’elle reste en mémoire. Les scientifiques, conseille la chercheuse, devraient s’inspirer des sciences de la communication lorsqu’ils diffusent leurs connaissances hors du milieu restreint de la recherche.

Parmi les préconceptions courantes au sein de la communauté scientifique, elle note l’incapacité de prendre de bonnes décisions sous le coup de l’émotion. Ainsi, bon nombre de chercheurs affichent une façade impersonnelle et impartiale. Ce comportement entre en complète contradiction avec les objectifs même de la communication, explique-t-elle. Pour toucher son public, il vaut mieux en effet transmettre une émotion.

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Sautant à pieds joints sur une autre idée reçue, la chercheuse rappelle que de soutenir une argumentation par des faits ne change aucunement le point de vue de gens ancrés dans leur idéologie. La bonne nouvelle : ils ne représentent qu’une minorité. Soixante-quinze pour cent des Américains seraient en effet ouverts à la discussion. Ainsi, Naomi Oreskes encourage les scientifiques à initier la conversation avec leurs étudiants, leur famille, leurs voisins, les membres du club social local et les écoles de quartier !

 

Penser concret

L’école est en effet un lieu d’échange privilégié. Également présentes à cette conférence, Sara Brownell, professeure adjointe à l’Université de l’État d’Arizona, et son étudiante Elizabeth Barnes, se penchent sur les diverses manières de transmettre des notions de biologie, dont l’évolution, dans des écoles où les croyances religieuses des étudiants peuvent entrer en conflit avec l’enseignement. Elles rapportent qu’il est tout à fait possible de créer une ouverture, simplement en montrant, par des exemples et une discussion franche, que la science et la religion ne sont pas spécialement en opposition. Aussi, toutes deux soulignent l’importance d’accepter la différence des points de vue lorsqu’on enseigne la science à un public initialement réfractaire.

Se référant à des études récentes, Naomi Oreskes propose d’autres pistes de solution afin d’ouvrir le dialogue, comme parler de la méthode scientifique, plutôt que des résultats de recherche, et susciter la curiosité, ce puissant moteur de l’apprentissage. Enfin, elle rappelle l’importance du récit et de l’ancrage à la réalité. Les changements climatiques ont des effets concrets, durs, coûteux et bouleversants pour la population. Le sud de la Floride est menacé aujourd’hui par la hausse du niveau des océans. Cela signifie 1,8 million de foyers à risque et 800 milliards de dollars de coût, selon la firme d’immobilier Zillow. Et le pire est à venir. Il vaut mieux commencer à en parler dès maintenant, conclut-elle.

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