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Presque un Canadien sur trois (32 %) consulte régulièrement des applications sur la santé. Chez les 35 ans et moins, c’est même un sur deux (51 %). Ces chiffres contenus dans une récente étude québécoise soulignent avec force la popularité des objets connectés, mais passent sous silence la difficulté d’une certaine tranche de la population à s’approprier ces technologies — à l’instar des professionnels de la santé.

Les provinces de l‘Atlantique et le Québec restent à la traîne. « Le Québec est distinct avec moins de personnes connectées pour surveiller sa santé et son bien-être », note le titulaire de la Chaire de recherche en santé connectée aux HEC Montréal, Guy Paré. « Pour moi, le frein reste la langue en raison du peu d’applications en français ».

La santé connectée, c’est à la fois l’utilisation des objets dits connectés (bracelets, montres, piluliers, etc.) ainsi que des applications pour téléphones intelligents dédiées à la collecte de données physiologiques de l’utilisateur. Un Canadien sur quatre (24 %) possède par exemple un objet connecté capable de surveiller son poids, sa tension ou encore son niveau de glycémie. Pour 88 % d’entre eux, il s’agit d’une montre intelligente.

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À condition qu’elle ne reste pas dans le tiroir, une fois passés les trois premiers mois de son achat. « Le grand problème de ces appareils, c’est leur côté envahissant. L’intérêt des Canadiens pour les objets connectés est à la hausse, mais souvent, au bout de 3-4 mois, la montre va finir dans le tiroir de la commode », relève le Dr Jean-Pierre Després, directeur de la science et de l’innovation d’Alliance Santé Québec, un regroupement de la grande région de Québec en innovation et en transfert des technologies en santé et en services sociaux.

La récente étude cerne le profil du mordu de technologie de la santé — le « tracker connecté » : plutôt jeune (41 %), employé (59 %), doté d’un diplôme universitaire (55 %) avec un revenu de plus de 80 000 $ (46 %) et en bonne santé. Ceux qui sont moins en santé, et moins riches, utilisent évidemment moins les objets connectés.

« Le coût de ces objets est certainement un frein et notre étude nous montre que c’est clairement plus pour le bien-être que pour la maladie qu’on les utilise. Il reste encore à démocratiser ces objets auprès des plus pauvres et des plus malades », explique Guy Paré.

Cette étude, qui a analysé les tendances d’utilisations des applications mobiles et objets connectés, s’appuie sur un sondage auprès de 4 109 adultes canadiens. Face à l’auto-mesure de la santé, trois profils apparaissent. Ceux qui ne s’y livrent pas (34 %), ceux qui le font avec des moyens traditionnels — calepins, mémoire — (26 %) et ceux qui utilisent de la technologie (40 %).

Et que cherchent-ils à mesurer, ces « trackers » (traqueurs) d’informations ? Principalement, leur activité physique, leurs habitudes alimentaires et leur sommeil — tandis que les « traditionnels » s’intéressent en priorité à leur poids.

Au-delà de la santé, le niveau d’adoption des appareils mobiles stagne au Québec. Selon un rapport du CEFRIO publié en 2016, si 51 % des Québécois possèdent une tablette numérique et que 6 sur 10 ont dans la poche un téléphone, seulement 3 % disposent d’une montre numérique. Ce rapport souligne aussi la fracture qui existe à partir de 55 ans et dans les foyers à faible revenu — moins de 40 000 $ par année — où sont absents les appareils.

Convaincre les professionnels de la santé

Ces objets connectés, qui avaient été développés d’abord par les compagnies de conditionnement physique, souffraient auparavant d’un problème de crédibilité auprès des professionnels de la santé. Même si depuis 2015, les grosses compagnies, comme Philips ou Medtronic, ont développé des outils approuvés, la réticence demeure. « Quels dispositifs vont être mis en place pour changer la perception plutôt négative des professionnels de la santé ? Les médecins ne les utilisent pas pour suivre et discuter de la santé avec leurs patients », relève le pharmacien Roger Simard.

Ce fondateur de Pharmacie 3.0, une plateforme de santé connectée, constate que l’étude laisse de grandes questions en suspens, dont, justement, celle de la place des professionnels de la santé. « Comment réformer le système de rémunération des médecins et des pharmaciens pour qu’ils puissent apprivoiser cette technologie et l’utiliser ? Le modèle actuel — rémunération à l’acte et au médicament — ne soutient pas le développement de cette technologie », tranche Roger Simard. Le pharmacien pense que la clé va venir du patient. De plus en plus informé, de plus en plus connecté, celui-ci forcera son médecin à adopter ces technologies.

Le titulaire de la Chaire Internationale sur le risque cardiométabolique de l’Université Laval, le Dr Jean-Pierre Després, nuance : « Il va falloir toutefois standardiser l’information collectée et être en mesure de la croiser avec les données de santé publique collectées dorénavant par les villes (qualité de l’air, îlots de chaleur, déserts alimentaires). La santé connectée est un enjeu qui devrait préoccuper nos décideurs, car toutes ces données forment une richesse naturelle qui doit évidemment rester sous notre contrôle — elles nous appartiennent, pas à Google ».

Jean-Pierre Després ne blâme pas les professionnels de la santé et les médecins : « tous les objets connectés ne sont présentement pas intégrés à l’offre évaluative et de prise en charge des patients en clinique. Par conséquent, les médecins ne sont pas outillés pour gérer ces informations additionnelles. Il s’agit selon moi du prochain “blockbuster” dans la prise en charge des maladies dites de société », relève celui qui mène actuellement un projet de plateforme collaborative de recherche et d’intervention en santé durable à l’Alliance santé Québec.

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