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Gabriel plisse les yeux. Il ne trouve pas si facile de faire glisser à l’écran les blocs de code vert, jaune et violet afin de recomposer le morceau de musique à l’ordinateur. Comme ses 19 petits camarades de la classe de 6e, il s’initie cette année à la programmation informatique grâce à un projet montréalais. « Ça change du français », dit-il.

 

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Gabriel, l'un des élèves de la classe de Louis Laroche.

 

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Code MTL, le projet de la Fondation de la Commission scolaire de Montréal, se déploie cette année dans 65 écoles de Montréal et touchera 3240 jeunes. Son objectif est de « favoriser la littératie numérique » des 8 à 12 ans à travers huit ateliers de « programmation visuelle ».

En clair, les enfants apprennent les rudiments de l’informatique à la base de la programmation. « Il faut trouver le bon sens des petites cases de couleur pour retrouver la chanson Frère Jacques », m’explique Marie-Charlotte. « On a un personnage qu’on peut faire parler ou bien on peut dessiner des figures, comme des cercles, qu’on va animer grâce aux blocs colorés », ajoute Margot.

Dans chaque classe, un éducateur de Kids Code Jeunesse, un organisme canadien à but non lucratif d’initiation à la programmation, épaule l’enseignant en animant cet atelier d’une heure qui donne notamment aux élèves de petits exercices à réaliser avec le logiciel visuel Scratch. Un logiciel développé au Massachusetts Institute of Technology (MIT), utilisé par 15 millions d’enfants à travers le monde et qui permet de créer des animations, des histoires et des jeux sur ordinateur.

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L'équipe de Louan et de Sati, en compagnie de Jean-Denis Thériault

« Les élèves doivent chercher des solutions au problème posé. C’est parfois difficile, ils vivent de petites frustrations et des victoires, tout comme les programmeurs au quotidien », explique l’éducateur, Jean-Denis Thériault.

Les maths dernières Au clair de la Lune

L’équipe de Louan et de Sati a terminé le premier exercice et enchaîne avec la reconstitution de la chanson Au clair de la Lune. « Ça demande de l’écoute et de la patience. Ce sont des motifs qu’on peut mettre une fois ou deux fois, en boucle, mais faut trouver les bons », note Sati.

Cela permet d’apprivoiser les maths. « Même ceux qui se trouvent moins bons peuvent réussir l’exercice. J’observe les étincelles dans les yeux des enfants lorsqu’ils trouvent, cela leur donne le goût de poursuivre », note M Thériault.

Sur les bancs de la programmation

Le projet vise à rejoindre d’ici quelques années les 28 000 élèves des écoles primaires de la CSDM. Cette année, 135 enseignants se sont portés volontaires pour être formés au b.a.-ba de la programmation. « On leur enseigne aussi les liens qu’ils peuvent faire avec le programme scolaire. Il y a beaucoup de maths, des stratégies de travail, et aussi du français », dit Pascale-D. Chaillez, la conseillère pédagogique en TIC des services éducatifs de la CSDM. Les enseignants sont ce qu’elle qualifie des « spécialistes du contenu », mais leur mission est plus large : « ils doivent également encourager les enfants à persévérer dans ce nouvel apprentissage ».

C’est la deuxième année que Louis Laroche, enseignant à l’École Lanaudière de Montréal, se lance dans l’apprentissage du code. « C’est incroyable ce qu’on peut faire avec le logiciel Scratch. Ça motive les élèves et ça “ludifie” l’enseignement — ça apporte du jeu dans les classes — pour intégrer plus facilement des notions importantes, comme le système cartésien, le langage ou encore la logique mathématique ».

Après avoir participé au projet pilote l’an dernier, avec 6 autres enseignants — dont 5 ont mené l’expérience

jusqu'au bout — il est heureux de poursuivre son apprentissage de la programmation. « C’est comme une formation continue. Les élèves sont souvent meilleurs que moi. Je leur dis : épatez-moi ! »

Du côté des enfants, apprendre à programmer apparaît comme une activité plutôt plaisante. « Je veux terminer la chanson, ce n’est pas compliqué à faire », explique Guillaume. Tandis que Jules-Olivier enchaîne sur la 2e partie de l’exercice. « On prend les blocs de commandes pour les placer en ordre et cela compose la pièce de musique. C’est l’fun ! », s’enthousiasme l’élève.

Programmer est (presque) un jeu d’enfant

En plus d’être formés, les enseignants reçoivent un soutien en classe — le Kids Code jeunesse — et du matériel. « Nous prêtons des portables et assurons le réseau wi-fi pour supporter le projet », résume Danielle Roberge, la directrice adjointe au bureau de la planification et du développement pédagogique de la CSDM. « L’enseignant reçoit une formation et un instructeur vient en classe pour initier les élèves au codage. »

Un projet qui pourrait même s’intégrer à moyen terme au programme scolaire, espèrent les initiateurs. « À la fin de l’année, on rouvre les inscriptions, mais les enseignants intéressés peuvent déjà télécharger le matériel sur le site et de nombreuses bibliothèques offrent aussi des clubs de code. Nous espérons lancer un mouvement », relève Adeline Caron de la Fondation de la Commission scolaire de Montréal.

La nouvelle politique du gouvernement sur la réussite éducative, lancée en juin dernier, met l’accent sur les nouvelles technologies, mais déjà, depuis quelques années, les initiatives se multiplient, telle que l’Heure du code, une activité internationale d’une heure, une fois l’an pendant la Semaine d’éducation à l’informatique.

« Les élèves embarquent facilement et s’initient à la programmation, s’enthousiasme l’enseignant Louis Laroche. Il n’a pas été question d’évaluation, mais je vois qu’ils s’améliorent, car ils utilisent de manière très pratique leurs connaissances scolaires et aussi, ils apprennent à organiser leur travail, dans le plaisir. »

Gabriel achève de reconstruire la petite mélodie. Son piano glisse même d’un côté de l’écran au son de la musique. « Je peux le faire bouger et même le transformer en avion. Ça sera plus drôle », ajoute l’élève. Vous avez dit « épatez-moi ! », M Laroche ?

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