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Imaginons qu’une civilisation avancée ait vécu sur Terre il y a 55 millions d’années. Si elle était disparue à cette époque, pourrions-nous vraiment le savoir ? Quel genre de trace subsisterait ? Là où des auteurs de science-fiction ont déjà jonglé avec ce genre d’idée, un climatologue et un astrobiologiste sont allés plus loin.

Dans un texte publié en fin de semaine dans le magazine The Atlantic, l’un des deux auteurs, Adam Frank, se souvient du jour où il avait confronté l’autre, Gavin Schmidt, avec une idée qui, à l’origine, était légèrement différente.

Dans le cadre de mon travail d’astrophysicien, j’ai commencé à étudier le réchauffement climatique dans une « perspective astrobiologique ». Cela veut dire qu’on se demande si une civilisation industrielle qui émerge sur une autre planète déclenchera, par ses propres activités, sa propre version du réchauffement climatique. Je visitais [l’Institut Goddard de la NASA] ce jour-là dans l’espoir d’avoir des idées de climatologues, et c’est comme ça que je suis arrivé dans le bureau de Gavin… « Attends une seconde, m’a-t-il dit. Comment sais-tu que c’est la seule fois qu’il y a eu une civilisation sur notre propre planète ? »

Le résultat de leurs réflexions, à la fois philosophiques et scientifiques, est devenu un article, paru le 16 avril dans l’International Journal of Astrobiology, intitulé « L’hypothèse silurienne : serait-il possible de détecter une civilisation industrielle dans les strates géologiques ? »

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Le mot « silurien » est un clin d’oeil à la télésérie britannique Dr Who, dans laquelle le héros, voyageur temporel de son état, visite une civilisation reptilienne appartenant à notre lointain passé.

 

L’idée est donc d’extrapoler... mais vers le passé : se demander quelles sont les traces de notre civilisation qui seront encore détectables dans des dizaines de millions d’années, puis se demander si de telles traces seraient détectables si elles dormaient sous nos pieds depuis aussi longtemps.

 

Or, leur conclusion, c’est que 55 millions d’années c’est vraiment très long. Il faut oublier l’idée de trouver des statues enfouies dans le sable ou des villes submergées. Même nos déchets, comme le plastique, auraient eu le temps de se dégrader, bien que ce qui serait détectable, au niveau microscopique, reste sujet à débats. Dans tous les cas, les seules traces restantes seraient inscrites dans la chimie du sol :

  • les engrais : notre usage à très grande échelle laissera une empreinte d’azote visible dans les sédiments pendant des dizaines de millions d’années ;
  • les métaux rares : leur extraction pour nos appareils électroniques en laissera une surdose dans une strate géologique bien précise, susceptible d’intriguer d’éventuels géologues du futur ;
  • les carburants fossiles : tout ce que nous brûlons depuis un siècle consiste en du carbone provenant de créatures mortes tout au long des ères géologiques précédentes ; ce même géologue du futur pourrait donc s’étonner de découvrir que des réserves de carbone accumulées pendant aussi longtemps ont été soudainement vidées ; le tout, accompagné d’une hausse de la température.

Or, pourquoi ces deux auteurs ont-ils choisi cette date d’il y a 55 millions d’années ? Parce que c’est justement une époque caractérisée par une hausse soudaine de la température — jusqu’à huit degrés Celsius de plus qu’aujourd’hui.

 

Avant de sauter aux conclusions toutefois, Frank et Schmidt soulignent que l’échelle de temps n’est pas tout à fait la même. La « hausse soudaine » de la température et de l’accumulation de carbone dans l’atmosphère s’était, à cette époque, étalée sur des centaines de milliers d’années — et non deux petits siècles.

 

Ce qui, en un sens, est une mauvaise nouvelle pour « l’hypothèse silurienne », concluent-ils. Si une civilisation pré-humaine avait vraiment fleuri à l’époque et transformé la Terre aussi vite que nous avant de disparaître… nous pourrions être incapables de la voir dans les strates géologiques. Elle serait, littéralement, passée trop vite pour être visible à l’oeil nu.

À l’inverse, cette hypothèse crée un paradoxe : une hypothétique civilisation extraterrestre qui gérerait les ressources de sa planète plus sagement s’éviterait peut-être une série de catastrophes climatiques, mais en revanche, elle laisserait une moins grande empreinte dans le sol et dans son atmosphère, ce qui la rendrait moins facile à détecter, que ce soit à des années-lumière ou dans un lointain futur…

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