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Dans la matinée du 25 avril, une photographie de notre galaxie, offrant un luxe de détails jamais atteint auparavant, a fait le tour du monde. Dès jeudi matin, des chercheurs commençaient à publier leurs premières « découvertes ».

Une rapidité qui découle d’un choix délibéré de l’Agence spatiale européenne, coordonnatrice de la mission Gaia : les scientifiques attachés à ce projet n’ont pas d’accès exclusif aux données. Celles-ci ont été rendues publiques en même temps pour tout le monde, lançant une frénésie internationale d’épluchage de données et de course aux annonces.

Rien qu’à l’Institut Flatiron de New York, qui accueille entre autres le Centre d’astrophysique computationnelle, des dizaines d’astrophysiciens ont passé la première journée sur leurs ordinateurs ou dans des réunions en petits groupes, à analyser ces gigabytes d’informations, à en discuter et à commencer à élaborer des stratégies pour les traiter efficacement.

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Le satellite Gaia a été lancé en 2013 pour « cartographier » notre galaxie. Il s’agit de la deuxième récolte massive de données qu’on lui doit, et celle-ci contient des informations sur les mouvements, la luminosité et la couleur d’environ 1,3 milliard d’étoiles (plus 400 millions d’autres pour lesquelles des informations plus détaillées sont à venir). En comparaison, la première récolte, en 2016, contenait des informations détaillées sur « seulement » 2 millions d’étoiles. Une troisième série est prévue pour 2020.

Une récolte « sans précédent », à en juger par les commentaires recueillis depuis mercredi. « Toutes les questions scientifiques que vous aviez sur la galaxie seront reliées à cette base de données. » « Ça va garder les chercheurs occupés pendant des décennies. »

Une analyse (parmi d’autres) déposé dès le 26 avril sur le serveur de pré-publication ArXiv pointe par exemple des « perturbations » dans le « disque » de notre Voie lactée — c’est-à-dire la « plaine » sur laquelle tournent la grande majorité de ces milliards d’étoiles — perturbations qui pourraient être le résultat du passage d’une autre galaxie à proximité de la nôtre, il y a 300 à 900 millions d’années.

D’autres sujets à propos desquels d’autres chercheurs commencent déjà à écrire des analyses préliminaires : les orbites de 12 galaxies naines autour de la nôtre ; la taille de 500 000 galaxies éloignées ; la luminosité de 500 000 étoiles variables dans notre propre galaxie — des étoiles dont la brillance varie beaucoup d’une période à l’autre ; les orbites de 14 000 objets — surtout des astéroïdes — dans notre propre système solaire.

Et à une tout autre échelle, la constante de Hubble, c’est-à-dire rien de moins que la vitesse à laquelle l’Univers poursuit son expansion. À l’heure actuelle, la physique doit se débattre avec deux façons de calculer cette expansion qui donnent des résultats très différents. Certains physiciens espéraient que les données de Gaia permettraient de rapprocher les deux parties : il semblerait que ce soit plutôt le contraire. « Si cette contradiction est réelle, résume le New Scientist, cela signifie que quelque chose est faux dans notre modèle de l’évolution de l’Univers. »

Autrement dit, outre les découvertes sur les étoiles et les galaxies qui sont à venir à court terme, il faut s’attendre à des remises en question beaucoup plus fondamentales à moyen terme. À suivre.

 

Ajout 13 juin: "A team in France applied their preprepared STREAMFINDER algorithm to the Gaia data and immediately uncovered a rich network of “stellar streams,” or tributaries of stars flowing into and around the Milky Way." - Quanta Magazine

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