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Parmi ceux qui craignent les nouveaux vaccins contre la COVID-19, on entend parfois l’argument selon lequel les nanoparticules qu’ils contiennent pourraient atteindre le cerveau et y causer des dommages. Cette rumeur est-elle fondée ? Le Détecteur de rumeurs est remonté à la source.


Cet article fait partie de la rubrique du Détecteur de rumeurscliquez ici pour les autres textes.


ll a été plusieurs fois répété ces dernières semaines que les deux premiers vaccins contre la COVID-19 mis sur le marché, celui de la compagnie américaine Moderna et celui de l’alliance Pfizer/BioNtech, étaient des vaccins dits « à ARN », une méthode de vaccination encore toute jeune. Un des éléments qui a retenu l’attention — et suscité beaucoup de rumeurs — est l’utilisation de « nanoparticules » pour assurer la « livraison » de ce vaccin à bon port, c’est-à-dire à l’intérieur des cellules.

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On a par exemple pu voir passer, sur les réseaux sociaux, des messages inquiets avançant que ces nouveaux vaccins seraient dangereux parce que les nanoparticules en question pourraient traverser la barrière naturelle qui protège le cerveau et y causer des dommages.

Qu’est-ce qu’une nanoparticule?

C’est un terme un peu fourre-tout, parce qu’il rassemble des objets uniquement en fonction de leur taille. Grosso modo, à peu près tous les objets fabriqués qui se mesurent en nanomètres (un millionième de millimètre) peuvent prétendre au titre, quelles que soient leurs fonctions ou leur composition. Qu’ils soient faits de lipides, de sucres, de sels, de métaux, de carbone pur ou de polymères, peu importe: on les appelle des nanoparticules.

À titre de comparaison, ce serait comme rassembler tous les objets de notre quotidien qui mesurent de 1 cm à 1 mètre sous le terme de macrotechnologies. Une appellation qui ne nous apprendrait rien sur la composition de ces objets ou leurs fonctions.

Le vaccin à ARN, comment ça marche?

Jusqu’ici, tous les vaccins agissaient selon le même principe : on présente à notre système immunitaire un virus rendu inoffensif, ou bien des morceaux de ce virus, afin que notre corps apprenne à reconnaître et à combattre le vrai virus, s’il se présente un jour.

Dans ce cas-ci toutefois, on injecte seulement un plan, une recette, que les cellules du corps utiliseront pour fabriquer elles-mêmes un morceau du virus — une protéine.

Cette recette, elle se présente sous la forme d’une longue molécule qu’on appelle un brin d’ARN messager, ou ARNm. En temps normal, cet ARN sert de « plan », lorsque la cellule doit fabriquer davantage de telle ou telle protéine. Le noyau de la cellule — là où est entreposé tout le matériel génétique — envoie cette « recette » à une petite machine dans le cytoplasme appelée ribosome, qui sert à fabriquer des protéines.

La différence, avec ce vaccin, est que la recette arrive de l’extérieur : l’ARNm est injecté dans le corps et doit entrer dans les cellules pour s’y faire lire afin de lancer la production de protéines « virales ». Il ne se rend pas dans le noyau et n’a donc aucun contact avec l’ADN qui y est contenu. Il ne peut donc y apporter aucun changement, comme le prétendent certains internautes.

Le moyen de transport de cet ARN: une nanoparticule

Mais un des principaux défis avec les bouts d’ARNm, c’est qu’ils sont extrêmement fragiles à la température du corps : ils ont tendance à se morceler en quelques heures. Encore plus rapidement s’ils rencontrent des enzymes, abondantes dans le sang et à l’intérieur des cellules, qui les démantèlent en moins de deux. Il a donc fallu trouver une façon de garder ces fragments d’ARN intacts entre le moment de l’injection et le moment où ils se font « lire » dans la cellule. C’est là qu’interviennent les nanoparticules.

Les développeurs des vaccins ont en effet dû « emballer » les segments d’ARN dans une enveloppe protectrice, une petite bille, ou plutôt une nanocapsule. Cet emballage est fait de lipides, les mêmes qui constituent le matériau principal des membranes de toutes nos cellules.

Ces nanoparticules de lipide ont un double avantage : non seulement elles protègent le segment d’ARNm de la destruction pendant sa livraison, mais en plus, comme elles sont faites du même matériau que la surface des cellules, elles peuvent facilement s’y fusionner et libérer leur contenu à l’intérieur.

Le segment d’ARNm se retrouve dans le milieu cellulaire et finit peut-être par être « lu » —à moins qu’il ne rencontre d’abord une enzyme qui le dépèce. Une fois « lu », ce sera quand même là le destin de ce brin d’ARNm : il sera dégradé par une enzyme après quelques minutes ou au plus quelques heures.

L’origine de la rumeur sur le cerveau

L’origine de la rumeur comme quoi ces nanoparticules pourraient nuire au cerveau vient surtout d’une incompréhension de la grande diversité des nanoparticules. Certaines peuvent être dangereuses, d’autres pas.

Il est vrai que des études ont déjà soulevé le doute que des nanoparticules de métal, comme le dioxyde de titane, l’oxyde de cuivre ou l’oxyde de zinc pourraient parvenir jusqu’au cerveau et probablement y causer des dommages et entrainer des problèmes cognitifs (voir aussi ici, ici et ici). Mais dans le cas présent, on parle de nanobilles de lipides. Si elles arrivent à se frayer un chemin jusqu’au cerveau, malgré les barrières naturelles qui protègent celui-ci, elles ne pourront pas y créer grand dommage. Elles ne peuvent que fournir aux cellules un peu de matière première pour l’entretien des membranes cellulaires – des lipides.

Comme ailleurs dans le corps, elles vont fusionner avec une cellule nerveuse (un neurone) et y accomplir leur destin : car au chapitre de la fabrication des protéines à partir de brins d’ARNm, les neurones sont identiques aux autres cellules du corps.

 

Crédits photographiques : Lisa Ferdinando / Walter Reed National Medical Center, 14 décembre 2020 / Wikipedia Commons

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