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Quels sont les mérites et les avantages d’une semaine de relâche à l’école ? Quarante ans après son introduction au Québec, les bénéfices de ce congé sur les résultats scolaires des élèves n’ont toujours pas été démontrés, bien qu’il s’agisse de l’argument le plus souvent invoqué.


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Peu de données probantes

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Une méta-analyse américaine sur le sujet, qui date déjà de 2003, soutient que l’avantage de cette modification du calendrier scolaire reste bien modeste. Les auteurs se sont penchés sur les résultats de 39 études menées auprès d’écoles primaires et secondaires des États-Unis qui avaient raccourci le congé d’été pour multiplier les « relâches » au cours de l’année. L’analyse démontrait peu d’effets positifs sur les notes de fin d’année, même s’il semblerait que les élèves, les parents et le personnel scolaire, aient jugé cette expérience positive.

Égide Royer, psychologue et professeur titulaire de la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval, confirme : « une petite semaine de congé ne change en rien la réussite de l’élève. De nombreux enfants connaissent des retards de lecture et d’écriture et la semaine de relâche en mars n’influencera pas leur réussite. Il faudrait plutôt s’attaquer à la qualité de l’enseignement proposé en classe »

Du côté de la Commission scolaire de Montréal (CSDM), aucune étude n’a été menée sur les bienfaits de cette semaine pour les apprentissages scolaires.  « La seule constance pour la CSDM, c’est de tenir la semaine de relâche lors de la première semaine du mois de mars, car, dans les milieux défavorisés, les familles ont reçu les chèques d’aide sociale », relève le relationniste de la CSDM, Alain Perron.

Une expérience positive, alors ?

Depuis les années 1970, de nombreux chercheurs constatent un manque grandissant de sommeil, voire une hausse du stress chez de nombreux élèves, indique Jean Bernatchez, professeur de sciences de l’éducation à l’Université du Québec à Rimouski. Ce phénomène porte un nom : l’accélération du temps social. Une période où les activités organisées se multiplient alors que, paradoxalement, le temps partagé avec les parents diminue.

Pourtant, qu’apporte réellement cette petite semaine de congé qui revient tous les février-mars ? Une opportunité de passer plus de temps en famille à se divertir ? Un argument qui semble perdre du poids lorsqu’on regarde cette étude de 2016 qui montre que les parents travaillent plus que jamais – 88,7 %  de taux d’activités pour les parents d’enfants de 12 ans et moins, soit plus que les personnes sans enfants du même groupe d’âge (87,4 %). Et le taux d’activité des mères était de 83,1 % chez les 25-54 ans en 2015. En fait, souvent, les parents devront confier leurs enfants à des services de garde ou des camps de vacances durant la relâche.

Les origines de la semaine de relâche au Québec

La première semaine de relâche a fait son apparition au Québec en 1977. Le directeur d’alors de la Commission des écoles catholiques de la ville de Québec, Fernand Paradis, inspiré par les congés scolaires en France, avait inscrit la semaine de relâche dans le calendrier scolaire après avoir constaté un fort taux d’absentéisme dans les classes. « Et cela a fait boule de neige, dans les années 1980, toutes les commissions scolaires l’avaient adopté », se souvient le porte-parole de la Commission scolaire des Découvreurs, Alain Vézina.

L’actuel calendrier scolaire de l'élève québécois comprend 200 journées dont au moins 180 consacrées à l’éducation. « Il appartient à la commission scolaire et au syndicat local de convenir du calendrier à l'intérieur de ces balises – généralement du 1er septembre au 30 juin. Le choix d’opter ou non une semaine de relâche appartient aux parties locales - et non au Ministère - et ne constitue pas une obligation », rappelle Bryan St-Louis, le responsable des relations de presse à la Direction des communications du Ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur.

Le Conseil supérieur de l'Éducation avait publié en 2001 un avis sur l'aménagement du temps d'apprentissage et la réussite des élèves au secondaire, qui soulignait que « l’aménagement scolaire pourtant conçu à l’origine pour le grand bien des élèves semble s’être éloigné de son objectif premier, soit celui de fournir aux élèves et aux enseignants les meilleures conditions possibles d’apprentissage ».

Cet avis se penchait peu sur les congés scolaires, mais soulignait que la mise en place de la « nouvelle » réforme scolaire aurait été le moment idéal pour revoir l’aménagement du temps scolaire. C’est pour cette raison que certains voient d’un bon œil une réforme des rythmes scolaires : commencer plus tôt en août, avoir une première relâche en novembre, en plus de celle de mars.

Une seconde relâche à l’étude

À la commission scolaire des Navigateurs, sur la Rive-Sud de Québec, la directrice des Services éducatifs, Claire Gagnon, a récemment initié une consultation pour une 2e semaine de relâche.

Pour elle, les élèves les plus vulnérables en profiteraient le plus. Les longues vacances d’été obligent souvent les enseignants à passer leur mois de septembre à faire des révisions et à réactiver des connaissances. L’idée serait donc de commencer dès le mois d’août et d’introduire, après huit semaines, un congé au mois d’octobre. Mais l’idée ne fait pas l’unanimité, et pourrait être abandonnée.

Quelques écoles privées de la province ont pourtant déjà inscrit une 2e relâche et même une 3e à leur calendrier scolaire.

Changer de rythme, un gain ?

La majorité des pays de l’OCDE organisent l’année scolaire avec le même nombre de semaines au primaire et au secondaire, malgré un niveau plus intense d’instruction pour les plus âgés. La durée et le moment des vacances pourraient être utilisés pour lutter contre la fatigue à différents moments de l’année, selon une revue de littérature publiée par l’OCDE en janvier 2016.

La France, qui teste depuis deux ans une semaine de 4 jours et demi – un ancien mode de fonctionnement scolaire réformé en 2008 – affiche un bilan assez mitigé. Il semblerait que les récents aménagements scolaires aient augmenté la fatigue des élèves, en dépit des affirmations de la ministre de l’éducation nationale.

Du côté des congés, les écoliers ont deux semaines de vacances à l’automne, à l’hiver et au printemps. Chanceux, les petits Français ? Sans doute, mais cela ne fait pas d’eux des premiers de classe. « Contrairement aux pays d’Asie (Japon, Corée du Sud) où les périodes de congés sont moindres, la France affiche un haut taux de redoublement (30 %), ce qui ne joue pas en sa faveur », relève Égide Royer.

La tendance nord-américaine serait plutôt d’allonger la période d’enseignement sur l’année entière (year-round schools) et de retrancher des semaines au congé d’été. Cela reste encore très marginal au Canada où les élèves de 150 écoles canadiennes, majoritairement en Alberta et quelques-unes en Ontario, retournent sur les bancs d’école dès août.

Là non plus, les recherches sur cette formule de « calendrier scolaire équilibré » n’ont pas démontré de réels avantages académiques. La qualité de l’enseignement, la scolarité des parents et le milieu plus ou moins stimulant d’où provient le jeune, auraient un impact plus grand sur sa scolarité.

Les rythmes scolaires constituent un outil pédagogique comme un autre, souligne Jean Bernatchez. « Avant, le calendrier scolaire comptait de nombreux arrêts – pour les travaux des champs, la chasse, etc. – nous devrions profiter des connaissances sur les besoins des jeunes pour repenser cela, en commençant plus tôt l’école pour les plus jeunes, en allongeant le temps consacré à une matière, en redonnant du temps de récréation et pourquoi pas, en revoyant les congés », relève Pr Bernatchez.

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