DDR-Eclipse

Beaucoup de gens prétendent que les animaux sont « perturbés » et modifient leurs comportements pendant une éclipse solaire. Ça semble vrai, du moins pour plusieurs espèces. Mais ce n’est pas facile à étudier… et en tirer des conclusions est impossible. Coup d'oeil sur cette information à l'occasion de l'éclipse solaire totale du 21 août.


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Ce n’est pas une rumeur, mais un fait : des animaux modifient leurs comportements pendant une éclipse solaire. La plus ancienne étude connue est attribuée à la Société d’histoire naturelle de Boston qui, en 1932, avait réuni des volontaires pour observer les comportements « de la vie animale » pendant l’événement.

Toutefois, les problèmes avec ces études sont multiples :

  • D’abord, il s’agit essentiellement d’études de courte durée — le Soleil n’est complètement caché que pendant deux minutes.
  • Elles sont intermittentes — puisqu’une éclipse totale est rare et ne revient pas à intervalles réguliers.
  • Ce sont des études observationnelles, c’est-à-dire qu’elles se limitent généralement à l’observation d’un seul groupe pendant une seule journée. Alors qu’une étude solide sur le comportement animal devrait comparer plusieurs espèces dans plusieurs endroits et pendant plusieurs éclipses.
  • Enfin, les chercheurs s’étant adonnés à ce genre d’observations ont rapporté toutes sortes de comportements, entre lesquels il est impossible de trouver une explication unique : l’animal était-il inquiet, curieux, ou se préparait-il à dormir ?

Par exemple, plusieurs observations portant sur des mammifères font état de réactions contradictoires : les uns semblent poursuivre leur routine normalement (zèbres, lions, écureuils, etc.) ; une étude sur les hippopotames les décrit comme « confus » lorsque la clarté revient ; une autre, en 1984, sur les chimpanzés d’un centre de recherche californien sur les primates, les décrit comme moins agités et regardant en l’air pendant l’éclipse.

Les oiseaux offrent des comportements plus faciles à analyser : ils sont nombreux à cesser de chanter et à se regrouper ou à retourner à leurs nids tandis que l’obscurité descend — des comportements similaires à ceux qu’ils adoptent à la tombée du jour. Parallèlement, selon une étude menée en 2001 au Zimbabwe, les hiboux (tout comme les grenouilles) ont commencé leurs appels nocturnes lorsque l’obscurité s’est installée et ont cessé tandis que la lumière revenait. Mais là encore, il y a des exceptions : selon ces mêmes observations, réalisées par 250 volontaires, le héron et l’échassier n’auraient montré aucun comportement particulier.

Il existe même une étude, remontant à 1970, sur les « mouvements verticaux du zooplancton pendant une éclipse solaire » (sa conclusion : ils nagent vers la surface, comme ils ont l’habitude de le faire pendant la nuit).

Toutefois, considérant qu’une éclipse entraîne une diminution rapide de la lumière et de la température, il n’y a rien d’anormal à ce qu’un animal modifie ses comportements. Le changement de comportement, en soi, n’est pas ce qui est important, explique le biologiste Luc-Alain Giraldeau, de l’UQAM. « Une fois l’animal observé, que peut-on conclure ou dire d’intéressant ? » Pas grand-chose, tant une éclipse est un événement irrégulier.

Lumière et horloge biologique

Une autre partie de l’énigme, qui est d’intérêt autant pour les biologistes que pour les médecins, se trouve dans les rôles respectifs de la lumière et de l’horloge biologique dans un changement de comportement.

Si l’horloge biologique était la variable dominante, l’animal serait perturbé par une baisse de la luminosité survenant en plein après-midi : la lumière lui indiquerait qu’il fait nuit, mais son corps lui dicterait qu’on est encore en plein jour.

Si, en revanche, la lumière était la variable dominante, il adopterait automatiquement un comportement « nocturne » pendant l’éclipse.

Considérant les comportements contradictoires observés chez les oiseaux et les insectes, le biologiste Stéphan Reebs, de l’Université de Moncton, s’est demandé si les poissons permettraient de trancher le débat. Il a mené quelques expériences dans des conditions contrôlées en laboratoire, pour en arriver à une conclusion… qu’il décrit comme « ni noire ni blanche ». Si certains comportements suggèrent que le poisson réagit d’abord et avant tout aux changements de luminosité, il semble réagir moins fort lorsque l’expérience est menée en milieu de journée — autrement dit, c’est comme si son horloge biologique lui dictait que cette obscurité ne collait pas à l’heure prévue pour la nuit. Le débat est donc loin d’être terminé.

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