
Le 8 novembre 2004

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Le Grand Nord fond en 4e vitesse
(Agence Science-Presse) - Si vous habitez
la Maison-Blanche, ou si vous êtes un ours polaire,
vous en avez sans doute assez de ces études qui disent
que l'Arctique se réchauffe à un rythme sans
précédent, au point où toutes les glaces
pourraient avoir fondu d'ici l'an 2100.
Pour les ours polaires, ce sera une catastrophe:
plus d'accès aux poissons, donc la famine et la mort.
Pour la Maison-Blanche, c'est un irritant de plus, une pierre
de plus dans le soulier de ceux qui nient que les humains
aient un rôle à jouer dans le réchauffement
de la planète.
"Le Président Bush doit modifier son
approche sur le réchauffement global, à la
lumière des dommages déjà observés
dans l'Arctique", juge le Dr Daniel Lashof, directeur scientifique
du Natural Resources Defense Council, un des 18 groupes
scientifiques responsables de cette nouvelle pierre dans
le soulier.
Il s'agit plus précisément d'une étude
internationale, Arctic Climate Impact Assessment,
réalisée par plus de 250 scientifiques
de huit pays, publiée ce 8 novembre. Elle est
le résultat d'un suivi de quatre ans de l'évolution
du Grand Nord, le tout complété par une
synthèse (une autre) d'un demi-siècle
de données scientifiques. |
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Première conclusion: le réchauffement
affecte l'Arctique plus durement que tout autre région
du globe.
Deuxième
conclusion: les températures là-bas ont
déjà gagné de 3 à 4 degrés
Celsius depuis 50 ans, et cette hausse est en train de s'accentuer.
Dans le scénario le plus optimiste, il faut s'attendre
à gagner 4 degrés de plus d'ici 100 ans; dans
le scénario pessimiste, 13 degrés.
Ces projections ont déjà été
faites dans d'autres études, en particulier celle
de la monumentale Commission intergouvernementale des Nations
Unies, en 2001 (voir
ce texte). Mais ce qui est nouveau ici, ce sont les
conséquences appréhendées:
-
Dans le scénario optimiste,
la calotte glaciaire recouvrant l'océan Arctique
pendant l'été aura
diminué de 50% d'ici l'an 2100. Dans le scénario
pessimiste, ces glaces auront disparu.
-
Déjà, depuis 30 ans,
les glaces recouvrant l'océan ont perdu un million
de kilomètres carré, soit un territoire
presque deux fois plus grand que la France.
-
En plus des ours polaires, les caribous,
les lemmings et les harfangs des neiges verront leurs
territoires rétrécir considérablement,
menaçant leur survie.
- Scénario optimiste ou pessimiste, dans tous
les cas, la fonte des glaces autour du Groenland, parce
qu'elle réchauffera l'air ambiant, fera fondre
aussi les glaces recouvrant le Groenland lui-même.
Mises bout à bout, toutes ces glaces fondues augmenteront
le niveau des mers de plus de 7 mètres.
-
Impact humain: les quatre millions
d'habitants de l'Arctique ne verront pas seulement leurs
poissons, leurs baleines et leurs animaux déménager,
ils verront aussi leurs constructions (maisons, routes,
aéroports, lignes électriques, etc.) envahies
par la mer (hausse du niveau des eaux) ou rendues inutilisables
par le sol boueux (là où la glace qui
ne fondait jamais... va fondre!). En fait, sur ce dernier
point, c'est déjà commencé, dans
certaines régions de l'Alaska et de la Russie
( voir
ce texte).
-
Une anecdote parmi d'autres: dans la
liste des constructions menacées figure... une
centrale nucléaire. Près de Mourmansk,
en Russie.
-
Impact en quelque sorte pétrolier.
C'est en tout cas l'item qui a attiré l'attention
du média
financier Bloomberg: les pipe-lines de l'Alaska
et de la Russie seront menacés à mesure
que le sol gelé à l'année longue
se transformera en un sol boueux, donc instable.
Enfin, pour ceux qui en doutaient encore,
le rapport conclut avec fermeté que pareil réchauffement,
à pareille vitesse et avec pareille ampleur, ne peut
qu'avoir des causes artificielles (carburants fossiles en
abondance dans l'air).
Le travail en vue de la rédaction de
ce rapport Arctic Climate Impact Assessment a été
lancé en 2000, lors d'une rencontre des ministres
des huit pays formant le Conseil de l'Arctique (dont les
Etats-Unis, la Russie, le Canada et l'Islande). Son objectif
était "d'évaluer et synthétiser les
connaissances sur les variations climatiques". Le rapport
a été déposé dans le cadre du
Symposium du Conseil de l'Arctique, qui réunit des
scientifiques à compter du 9 novembre, en Islande.
Les ministres de ce Conseil de l'Arctique
doivent pour leur part, en théorie, réagir
au rapport le 24 novembre. La Maison-Blanche effectuera-t-elle
un virage à 180 degrés?
-
Le
site de l'Arctic Climate Impact Assessment
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