Ce qui a incidemment permis aux médecins
qui l'étudient de pondre un article sur son cas:
car ils croient que cela leur permet d'identifier la zone
du cerveau où naissent nos rêves.
La patiente de 73 ans était très
mal en point. Elle était entrée d'urgence
à l'hôpital, après qu'une attaque eut
perturbé l'apport sanguin dans une zone arrière
de son cerveau, le lobe occipital. Au début, "ses
symptômes n'étaient pas inhabituels", rapporte
la revue Nature: réduction de la vision et
faiblesses sur un côté du corps. Mais après
quelques jours, les médecins durent admettre l'existence
d'un autre symptôme, étonnant celui-là:
leur patiente ne rêvait plus.
La chose a été confirmée
par les électro-encéphalogrammes, eux qui,
en mesurant l'activité cérébrale, peuvent
confirmer les moments où une personne endormie devrait
normalement être en train de rêver. Le cas est
raconté dans la dernière édition des
Annals of Neurology.
Selon Claudio Bassetti, de l'Hôpital
universitaire de Zurich, en Suisse, après l'attaque,
la femme n'a
eu aucun rêve pendant une année complète,
et pourtant, ni son sommeil ni ses capacités intellectuelles
n'ont semblé être affectées. Ce n'est
qu'après un an qu'elle a recommencé à
signaler des rêves, pas plus d'une fois par semaine.
Bassetti et son collègue Matthias Bischof,
dans le cadre de leur étude, ont notamment réveillé
la femme tandis qu'elle était dans cette phase appelée
le sommeil paradoxal (REM), normalement associée
aux rêves. Elle n'en avait aucun mais, à la
surprise des médecins, son cycle de sommeil était
parfaitement normal.
Les adultes consacrent environ le quart de
leur temps de sommeil à ce sommeil paradoxal, c'est-à-dire
un état plus proche de l'éveil que du sommeil
profond. En comparaison, les bébés y consacrent
huit heures par jour un élément qui
n'est sûrement pas étranger au développement
alors rapide de leur cerveau.
Et si les rêves, en fin de compte, ne
servaient à rien? S'ils n'étaient qu'une conséquence
bénigne du travail acharné que poursuit notre
infatigable cerveau? C'est la conclusion sur laquelle saute
déjà Jim Horne, spécialiste du sommeil
à l'Université Loughborough, en Angleterre.
"Je crois que les rêves sont le cinéma de l'esprit.
Ils aident à divertir le cerveau pendant que nous
dormons."
Une conclusion que Claudio Bassetti juge trop
hâtive. Tout d'abord, cette femme ne représente
qu'un seul cas. Ensuite, cette étude ne fait que
soulever une anomalie: elle ne permet aucunement d'en savoir
plus sur la façon dont naissent les rêves,
et quel but ils ont, s'ils en ont un. Toutes
ces questions "demeurent entièrement ouvertes",
écrit-il.
Le lobe occipital, endommagé dans l'accident,
joue de toute évidence un rôle important dans
la naissance des rêves. Mais d'autres régions
du cerveau sont par ailleurs associées au sommeil
paradoxal. Ceci explique-t-il cela?