Le
premier chercheur
à avoir étudié
la question est
Atsumu Ohmura, un
géographe
de lInstitut
fédéral
suisse de la technologie
à Zurich.
Dans une étude
publiée en
1989, il observait
une diminution de
plus de 10% du rayonnement
solaire à
la surface terrestre
en Europe depuis
les années
60. À lépoque
de leur publication,
ses recherches sont
passées inaperçues.
Aujourd'hui encore,
plusieurs experts
en climatologie
nont jamais
entendu parler du
phénomène.
Mais
les choses changent.
Au cours du congrès
annuel de l'Union
géophysique
américaine
qui a lieu cette
semaine à
Montréal,
quelques conférences
traitent de lobscurcissement
global et certains
des plus éminents
spécialistes
du phénomène
y participent :
Michael L. Roderick,
spécialiste
en écosystèmes
à lUniversité
nationale dAustralie,
Beate G. Liepert,
climatologue à
lUniversité
Columbia ainsi que
Shabtai Cohen et
Gerald Stanhill.
Ces
deux derniers, chercheurs
en agriculture et
en climatologie
au Volcani Center
de Bet Dagan, en
Israël, ont
compilé en
2001 toutes les
données relatives
à lobscurcissement
global et en sont
arrivés à
une diminution moyenne
du rayonnement solaire
atteignant la surface
de la Terre de 2,7%
par décennie
entre 1958 et 1992.
Cest à
eux quon doit
lexpression
global dimming,
quon peut
traduire par obscurcissement
ou assombrissement
global.
Intéressé
par les recherches
de Cohen et Stanhill,
Graham Farquhar,
un biologiste de
lUniversité
nationale dAustralie,
a eu lidée
détudier
lévaporation
de leau, qui
est, mine de rien,
lun des plus
grands mystères
de la climatologie.
Alors que la Terre
se réchauffe,
on s'attendrait
à ce que
leau sévapore
davantage. Or, les
études démontrent
que lévaporation
de leau diminue
dannée
en année.
En s'intéressant
aux données
sur le rayonnement
solaire, Farquhar
et son collègue
Michael L. Roderick
ont donc établi
une corrélation:
moins de rayonnement
solaire à
la surface de leau
veut dire moins
dévaporation.
Parue dans la prestigieuse
revue Science
en 2002, c'est cette
étude qui
a contribué
à faire connaître
lobscurcissement
global.
Depuis,
d'autres ont tenté
de refaire les calculs,
au point d'affirmer
que la diminution
du rayonnement solaire
atteignant la Terre
serait encore plus
élevée
dans certaines régions
d'Asie et d'Amérique
du Nord.
Qu'est-ce
qui pourrait expliquer
le phénomène?
Le Soleil brille
autant, sans quoi
les satellites qui
observent notre
étoile auraient
tiré la sonnette
d'alarme il y a
longtemps. Pour
Beate G. Liepert,
les causes majeures
se trouveraient
plutôt dans
les nuages et la
pollution atmosphérique.
" Le réchauffement
global augmente
lhumidité
dans latmosphère,
ce qui augmente
la capacité
de rétention
deau des nuages,
explique-t-elle
dans une étude
publiée en
2002. Il ny
a pas nécessairement
plus de nuages,
mais ils sont plus
sombres et ils bloquent
donc plus les rayons
solaires. "
Par
ailleurs, la pollution
augmente la quantité
de micro-particules
dans l'air, sur
lesquelles les rayons
du Soleil rebondissent
et retournent dans
l'espace. D'où,
moins de rayonnement
qui atteint la surface.
La
théorie reste
tout de même
controversée.
Le New York Times
signalait
par exemple en fin
de semaine que
l'Antarctique, où
le ciel est tout
ce qu'il y a de
plus clair, connaîtrait
lui aussi le phénomène
d'obscurcissement.
Mais
si la théorie
est juste, quelles
en seront les conséquences?
" Cest
une question-clé
à laquelle
nous travaillons
encore, dit Michael
L. Roderick. Nous
allons en discuter
à Montréal."
S'il
y a réellement
obscurcissement,
les conséquences
pourraient être
catastrophiques.
Au niveau du climat,
on sait que lobscurcissement
a d'abord un impact
sur le cycle de
leau. Moins
de rayonnement solaire
veut dire moins
dévaporation
et donc moins de
précipitations,
une situation qui
pourrait être
particulièrement
problématique
pour les régions
plus arides. Le
phénomène
aurait évidemment
des conséquences
sur la photosynthèse,
donc sur la croissance
des forêts,
sur l'agriculture,
et sur la végétation
en général.
Frédéric
Perron