Page d'accueil

L'événement de la semaine


Pour tout trouver sur Internet


Tous les médias en un clin d'oeil


Nos nouvelles brèves
  
  


Plus de 1500 questions





Hommage à...
Le monde delon GOLDSTYN
Dossiers
Promenades






semaine du 19 décembre 2005



Clonage: que se passe-t-il en Corée?

Scénario optimiste: c'est un chercheur qui, gonflé par sa spectaculaire réussite, a manqué de rigueur. Scénario pessimiste: c'est un cas patent de fraude et un échec spectaculaire pour le clonage. Mais quelle que soit la vérité, ce n'est pas l'image que projette la science qui en sortira grandie.

 

L'homme par qui le clonage arrive, Hwang Woo-Suk, a admis le 16 décembre que son équipe avait commis des "erreurs humaines" et a demandé à la revue Science de retirer le célèbre article de mai 2005 sur le clonage "en série" de 11 lignées de cellules-souches. Il a toutefois rejeté catégoriquement les accusations de fraude. Le 23 décembre, à la suite d'un rapport d'enquête préliminaire, il a présenté sa démission de l'Université nationale de Séoul.

Les erreurs humaines tourneraient banalement autour de:

- trois illustrations censées illustrer les 11 familles de cellules-souches,

- et un problème de contamination qui a conduit à la destruction de six de ces 11 lignées.

Sauf que le rapport d'enquête préliminaire déposé le 23 décembre va plus loin: il affirme que "les données de laboratoire pour 11 lignées de cellules-souches rapportées dans l'article de 2005 avaient toutes été obtenues en utilisant seulement deux lignées de cellules souches. Alors, clonage réussi de ces deux lignées, ou fraude totale?

Dès le 16 décembre, dans un communiqué publié quelques heures avant l'admission du Dr Hwang, Science avait confirmé que, à la demande de celui-ci et du Dr Gerald Schatten, de l'Université de Pittsburgh, elle retirerait cet article de ses archives en ligne.

Un an et demi auparavant, en février 2004 (voir ce texte), Science avait publié un premier article signé par l'équipe du Dr Hwang: cet article, le premier à proclamer la réussite d'un clonage de cellules-souches, avait eu un retentissement mondial. L'article de 2004 n'est pas touché par les accusations actuelles, mais il ne sera pas épargné par l'enquête qui vient d'être lancée à l'Université nationale de Séoul. Même une troisième recherche, sur le clonage d'un chien, parue dans Nature en août dernier, se retrouve elle aussi sur la sellette.

La revue Science "continue de suivre et d'encourager les enquêtes officielles en cours et ne fera aucun commentaire sur celles-ci jusqu'à ce qu'elles soient complétées."

Mais l'histoire est beaucoup plus compliquée. Les controverses sont, dans l'ordre:

Certains des ovules des donneuses qui ont servi au premier clonage de cellules-souches (l'article de février 2004) proviennent d'étudiantes au doctorat travaillant avec le Dr Hwang. Une pratique éthiquement très discutable, considérant les pressions dont ces femmes pourraient être l'objet. Dès mai 2004, des rumeurs avaient couru, mais ce n'est qu'en novembre 2005 que l'histoire a pris forme; le 24 novembre, le Dr Hwang admettait sa faute et démissionnait.

- Le laboratoire n'a pas seulement obtenu des ovules de deux de ses étudiantes; il les a payées. Roh Il-Sung, expert en reproduction à l'hôpital Mizmedi de Séoul et co-signataire des deux articles, a admis en novembre avoir payé 1445$ à certaines des 18 donneuses; ce n'était pas illégal avant 2005, mais c'était éthiquement douteux; et de surcroît, les chercheurs ont menti à ce sujet pendant plus d'un an.

- Début décembre, diverses informations ont couru sur la validité des illustrations et des tests d'ADN entourant l'article de mai 2005. Un courriel anonyme sur le forum du Centre d'information sur la recherche biologique de Corée du Sud (bric.postech.ac.kr) allègue que les résultats des tests d'ADN sur certaines des lignées de cellules-souches collent trop parfaitement aux cellules des patients. Le 16 décembre, lors d'une conférence de presse –très courue!– le Dr Hwang admettait une erreur humaine à propos des illustrations de ces 11 lignées.

- Enfin, la veille de cette conférence de presse, retour à l'avant-scène de l'ex-collègue, Roh Il-Sung, qui affirme à la télévision sud-coréenne que le Dr Hwang aurait falsifié les données du second article: celui-ci lui aurait dit qu'il "n'existe pas de cellules-souches embryonnaires clonées". Deux des 11 lignées de cellules-souches dont il est question dans ce second article sont congelées et les enquêteurs pourraient en théorie en avoir le cœur net.

 

A présent que ces enquêteurs ont déposé leur rapport préliminaire, l'enquête proprement dite, entourant l'ensemble des recherches de Séoul sur le clonage, pourraient prendre quelques mois.

Si l'image de la science en ressort ternie, ce n'est rien à côté de l'impact sur la communauté de la recherche sur les cellules-souches. Les articles de 2004 et 2005 (voir ce texte) étaient rangés parmi les plus importants de cette discipline: pour la première fois, on avait réussi à cloner des cellules-souches humaines, susceptibles d'être utilisées à des fins médicales. Mieux encore, en mai 2005, on affirmait avoir réussi à cloner 11 lignées de cellules-souches à partir d'autant de patients: on s'approchait littéralement de la perspective de clonage de cellules "sur demande".

A suivre:

La section spéciale de la revue Science

Lire aussi l'épisode précédent:

Le clonage sud-coréen est sur la glace (5 décembre)

CHRONOLOGIE

Février 2004 - Dans le cadre du congrès de l'Association américaine pour l'avancement des sciences (AAAS), et devant une salle pleine de caméras de télé, le Dr Hwang annonce avoir réussi le premier clonage de cellules-souches humaines. L'article paraît dans la revue Science (publiée par l'AAAS)

20 mai 2005 - Deuxième succès, plus grand que le précédent. Science publie un second article, co-signé par le biologiste américain Gerald Schatten, qui annonce le clonage de 11 lignées différentes de cellules-souches: la perspective de clonage de cellules sur demande, à des fins médicales, se rapproche.

Octobre 2005 - Le gouvernement sud-coréen annonce la création d'une banque internationale de cellules-souches embryonnaires, destinée à la recherche et dirigée par Hwang.

10 novembre - Un des signataires des deux articles, Roh Il-Sung, affirme avoir lui-même payé des donneuses d'ovule. Ce n'était pas illégal avant 2005.

12 novembre - Alléguant que l'usage d'ovules de donneuses rémunérées ou d'étudiantes est "éthiquement douteux", l'Américain Gerald Schatten annonce qu'il prend ses distances de ses collègues coréens.

24 novembre - Hwang reconnaît le paiement à des donneuses d'ovules et démissionne. Un immense courant de sympathie se forme autour de lui en Corée du Sud.

4 décembre - Des doutes sont soulevés quant à la validité des illustrations entourant l'article de mai 2005. Le Dr Hwang prévient la revue Science qu'il a dupliqué par erreur ces illustrations.

Début décembre - Des scientifiques mettent en doute des tests d'ADN sur certaines des 11 lignées de cellules-souches de mai 2005 qui, disent-ils, collent trop parfaitement aux tests d'ADN faits sur les patients qui ont donné leurs cellules. A l'Université nationale de Séoul, 30 scientifiques signent une pétition réclamant une enquête.

12 décembre - Gerald Schatten demande que l'article de mai 2005 soit retiré. La politique de la revue Science, en pareil cas, est qu'un auteur peut faire retirer sa signature, mais pour qu'un article au complet soit retiré, il faut un consensus des signataires. Le même jour, l'Université nationale de Séoul annonce une enquête.

13 décembre - Parallèlement à la sortie du Dr Schatten, Science publie sur son site une lettre signée par huit experts réclamant une enquête indépendante pour confirmer les résultats des tests d'ADN de mai 2005.

15 décembre - Le Dr Roh Il-Sung affirme à la télé que le Dr Hwang aurait reconnu avoir falsifié ses données sur neuf des 11 lignées de cellules-souches

16 décembre - Science retire l'article de mai 2005 et le Dr Hwang reconnaît, en conférence de presse, des "erreurs humaines" entourant les illustrations.

23 décembre - Un rapport d'enquête préliminaire de l'Université de Séoul conclut que les soi-disant 11 lignées de cellules-souches de mai 2005 ont été obtenues à partir de seulement deux lignées. Le Dr Hwang démissionne de l'Université.

Les vulgarisateurs émettent régulièrement le souhait que la science jette des ponts vers la société: les voilà servis. Entre les pressions économiques et politiques, entremêlées à l'égo des uns et des autres, la science des cellules-souches s'est –pour le meilleur et pour le pire– mêlée à la société!

Pascal Lapointe

 

 

En manchette la semaine dernière:
Vous êtes un chien

A lire également cette semaine:
Blogue et science: retour vers la vraie nature d'Internet

Le scientifique wikipédien

Le sexe est-il dans la pilule?

Wikipédia vs. Britannica

Le nouveau miroir de la pollution

Et plus encore...


Archives des manchettes




 
Accueil | Hebdo-Science | plan du site