Après l'exode des cerveaux, le manque de
nouveaux cerveaux
L'exode des chercheurs canadiens fait toujours l'objet de
guerre de chiffres qui présentent le phénomène
sous un jour plus ou moins dramatique. Ce phénomène
en laisse poindre un autre qui pourrait s'avérer plus
grave : le manque de relève!
«C'est une problématique qu'on vit actuellement.
Étrangement, les sciences sont présentes partout
dans nos vies et représentent le moteur de l'économie
des sociétés industrialisés, mais on assiste
à un désintéressement des jeunes vis-à-vis
les carrières scientifiques», déplore le
Dr Gilbert Normand, secrétaire d'État, Sciences,
Recherche et Développement.
«C'est aussi vrai pour les femmes qui commencent des
carrières en science mais ne les finissent pas. Leur absence
se fait sentir dans des domaines comme la biotechnologie où
leur minutie serait pourtant appréciée»,
croit-il.
«Il y a pourtant des défis de plus en plus intéressants
à relever en science et c'est notre devoir d'assurer la
relève», soutient-il.
Quand à l'exode des cerveaux, fréquemment évoqué,
le ministre fédéral estime qu'il s'agit plutôt
d'une mobilité inévitable des spécialistes.
Le Dr Normand croit d'ailleurs que cette mobilité va
s'accentuer au cours des prochaines années alors que la
pénurie de spécialistes dans les domaines de pointe
va s'accentuer. «Ce n'est pas un problème propre
au Canada. Les autres pays le vivent également»,
dit-il.
Plus de transparence pour les chercheurs
Le Dr Normand croit que l'époque où les chercheurs
pouvaient s'enfermer à vie dans leur laboratoire est révolue.
«Il va falloir travailler plus ouvertement et augmenter
l'interaction entre les scientifiques. Comme il y a beaucoup
de deniers publics impliqués, les chercheurs vont aussi
devoir s'habituer à rendre des comptes au public»,
estime-t-il.
Car des sous il y en a! Le gouvernement canadien injectera
par exemple au cours des prochaines années 900 millions
de dollars pour des chaires universitaires et 160 millions pour
Génome Canada, un projet de recherche sur le génome
humain qui comptera cinq centres de recherche, dont un à
Montréal. Québec a aussi ajouté quelques
millions à ce projet.
Le secrétaire d'État à la Science voudrait
aussi mettre sur pied un programme pour accroître la mobilité
des chercheurs au pays en permettant à ceux-ci de passer
de l'université à l'entreprise privée pour
développer un projet et ensuite retourner à l'université
s'ils le désirent.
Dans le contexte actuel, les chercheurs assis sur une découverte
avec un potentiel commercial n'ont souvent d'autres choix que
de devenir entrepreneur, ce qui ne réussit pas à
tous.
Deux solitudes... scientifiques
Les politiciens ont beau parler d'élimination des recoupements,
les ministres responsables de la science du Québec et
du Canada ne se sont jamais réunis officiellement.
«Je connais Jean Rochon mais il est vrai que nous n'avons
pas encore eu de réunion fédéral/provincial
entre les responsables de la science. Mais c'est une situation
qu'on doit corriger», admet Gilbert Normand, responsable
fédéral des sciences depuis août 1999.
Ce dernier indique que la responsabilité des enjeux
ne sont pas toujours facile à départager. «La
biotechnologie se mèle souvent à l'agriculture
ou à l'élevage», note par exemple le Dr Normand.
Quant au manque de relève en science, le secrétaire
d'État reconnaît qu'une partie du problème
vient du genre d'enseignement proposé dans les écoles
primaires, une juridiction provinciale.
Le gouvernement fédéral s'était toutefois
longtemps impliqué dans le soutien aux activités
scientifiques pour les jeunes avec le programme Sciences et Culture
Canada, un programme aujourd'hui disparu. «Nous pensons
à le remplacer par autre chose mais nous ne sommes pas
fixés sur quoi. Pour l'instant, la réflexion se
poursuit», dit Gilbert Normand.
Retombées économiques
Le secrétaire d'État déplore que l'impact
des programmes de recherches restent sous-estimés du public.
«Par exemple, nous avons investi 16 millions de dollars
à l'Université Laval et 9 millions à l'Université
de Montréal pour de la recherche sur les aliments neutraceutiques
(aliments à valeur nutritive ajoutée). D'ici cinq
ans, cet argent se traduira par une vingtaine de nouvelles entreprises
(surtout dans la région de Québec) et des centaines
d'emplois», assure-t-il.
Michel Marsolais
(20 mars)
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