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La fusion froide, épisode 357
Et si la fusion froide était authentique?
demande le magazine Wired. Evidemment, venant de Wired, bastion de l'hyper-optimisme
techno, la réponse est connue avant même d'avoir commencé
la lecture. Mais la question n'en est pas moins intéressante...
Le 23 mars 1989, deux chimistes américains, Stanley Pons et Michael
Fleschmann, faisaient en conférence de presse une annonce extraordinaire:
ils proclamaient être parvenus à réaliser, avec un matériel
de bric et de broc, une "fusion nucléaire froide". Autrement
dit, l'énergie du Soleil -la fusion nucléaire, c'est là
que ça se passe- maîtrisée, non pas dans un réacteur
nucléaire chauffé à plusieurs millions de degrés,
mais à la température de la pièce. De quoi résoudre
toutes les crises de l'énergie, jusqu'à la fin des temps.
Il n'y avait qu'un seul petit problème: les deux savants étaient
avares de détails sur la façon dont ils étaient parvenus
à cet exploit. L'excitation allait rapidement être suivie d'un
désenchantement, lorsque les nombreux collègues tentant de
rééditer l'exploit allaient faire chou blanc. Et aujourd'hui,
la fusion froide est reléguée au rang des annonces prématurées
qui pullulent dans l'histoire des sciences, tandis que les physiciens considèrent
Pons et Fleschmann, au mieux comme des expérimentateurs trop enthousiastes,
au pire comme des imposteurs.
Mais la fusion froide conserve ses adeptes, et la question reste en l'air:
et si
c'était vrai? demande Wired dans un (très) long dossier publié
en novembre. D'emblée, la position éditoriale de la revue
saute aux yeux: Pons et Fleischmann y sont décrits comme des chercheurs
injustement traités, "humiliés" par leurs collègues
de la "science orthodoxe"; Wired prend bien soin de nous signaler
que d'autres chercheurs continuent de faire des recherches sur la fusion
froide, et prend bien soin de souligner le fait que parmi eux, Edmund Storms,
par exemple, "n'est pas un pseudoscientifique anti-establishment"
et que John Bockris, est un "distingué professeur"; le
prestigieux auteur de science-fiction Arthur C. Clarke est cité trois
fois pour la caution qu'il donne à la fusion froide... comme si sa
parole avait valeur d'Evangile! Wired parle de la communauté "underground"
de la fusion froide -avec tout le cachet dont ce terme est chargé,
pour des lecteurs de Wired.
Mais il faut se rendre jusqu'au dernier quart du texte pour apprendre
que la communauté des physiciens n'a certainement pas ostracisé
la fusion froide, puisque le Laboratoire de Los Alamos, lieu de naissance
de la bombe atomique et bastion de la recherche sur la fusion nucléaire
-la fusion "chaude", si l'on peut dire- continue, aujourd'hui
encore, de tenter de reproduire l'expérience de Pons et Fleschmann.
En fait, la question qui n'est jamais posée dans Wired pourrait
être: et si la fusion froide n'était PAS authentique? Après
tout, c'est une hypothèse tout aussi valable. On
ne peut s'empêcher de faire un parallèle, comme l'astrophysicien
américain Victor Stenger, avec la recherche sur le paranormal:
depuis des décennies, des chercheurs tentent de trouver des preuves
de l'existence de pouvoirs "surnaturels". Le fait qu'un chercheur
comme J.B. Rhine, dans les années 30, avec quelque chose de très
banal -un jeu de cartes- ait proclamé avoir découvert quelque
chose, et soit devenu instantanément une superstar, ne prouve rien.
Qu'il ait fait son annonce publique avant d'avoir publié ses résultats,
et que les expériences effectuées par la suite avec groupes
de contrôle aient fait chou blanc, devrait au contraire inciter à
la prudence.
Certes, d'autres chercheurs ont proclamé avoir réussi à
rééditer l'exploit de J.B. Rhine (vous faites venir deux cobayes,
vous les assoyez l'un en face de l'autre; le premier doit soulever une des
cartes posées devant lui; le second doit, en lisant dans ses pensées,
deviner de quelle carte il s'agit). Mais le problème est toujours
le même: on ne sait pas trop comment ils s'y sont pris, et chaque
fois que d'autres chercheurs s'amènent pour corroborer, les résultats
extraordinaires disparaissent. Or, c'est exactement ce qui semble se passer
avec la fusion froide: depuis neuf ans, d'autres chercheurs, au Texas et
au Japon entre autres, ont proclamé à un moment ou à
un autre avoir obtenu "quelque chose" d'anormal. Chaque fois qu'on
a tenté de répéter ce qu'ils avaient fait -car en science,
pour qu'une expérience soit probante, il faut pouvoir la répéter-
ce fut l'échec.
D'où le scepticisme. On ne peut s'empêcher de remarquer
-un fait que Wired ne soulève pas- que Pons et Fleischmann ont fait
leur annonce publique tout aussi prématurément que J.B. Rhine,
soit avant que leur travail ait pu être analysé par leurs pairs
(leur article avait été soumis à une revue scientifique
12 jours plus tôt, mais n'avait pas encore été publié).
Pour plusieurs, c'est là carrément un
accroc à la morale scientifique, puisqu'il serait trop facile
d'ouvrir les vannes, et de permettre à n'importe qui de publier n'importe
quoi n'importe où.
Au lendemain de leur conférence de presse, Pons et Fleischmann
avaient soumis leur même article à la prestigieuse revue Nature.
Les examinateurs de la revue leur répondirent en leur soumettant
des questions: les deux chercheurs refusèrent d'y répondre,
alléguant qu'ils étaient trop occupés.
Ca non plus, on ne le dit pas dans Wired... |