Des roseaux contre les eaux usées
(ASP) - Un bassin de roseaux pour épurer
les eaux usées : c'est le système écologique
que le ministère de l'Environnement du Québec
s'apprête à reconnaître comme nouvelle
technologie pour desservir les résidence qui sont
isolées des réseaux d'égouts.
" Ce système a satisfait à
toutes nos exigences de la phase de démonstration"
(dans une dizaine d'applications résidentielles),
explique Didier Bicchi, chef du service d'expertises techniques
en eau du Ministère.
D'autres technologies récentes d'épuration
font appel à de la mousse de tourbe, comme celles
des compagnies Les tourbières Berger (Bio B) et
Premier Tech (Écoflo), toutes deux de Rivière-du-Loup.
Mais les roseaux, eux, ont l'avantage de pouvoir être
implantés sur un terrain argileux, rocailleux ou
marécageux, où les champs d'épuration
classiques sont aussi interdits.
Conçu en 1995 par la compagnie Le
roseau épurateur, de Lac Simon en Outaouais, ses
performances ont été analysées au
Centre de recherches industrielles du Québec. Le
principe de base est simple: pour une maison de quatre
ou cinq chambres, on sème des roseaux, sur un espace
légèrement plus petit qu'un champ d'épuration,
soit de 8 mètres par 5 mètres et demi. L'épuration
se fait sous terre, au niveau des grosses racines creuses
des roseaux, avec l'aide des bactéries naturellement
présentes dans le sol. Celles-ci sont nourries
en oxygène par une petite pompe silencieuse, ainsi
que par l'air qui descend jusqu'aux racines par la tige
des plantes, même en hiver.
Le Roseau épurateur utilise une fosse
septique classique pour décanter les matières
fécales. Ce qui n'empêche pas que quelque
58 % de ces eaux usées (et jusqu'à 100 %
au plus froid de l'hiver) sévaporent ensuite,
en traversant un substrat de sol spongieux (sable, argile
séché et humus), là où sont
semés les roseaux.
Les métaux lourds se déposent
en permanence dans ce substrat de sol, placé sur
une membrane étanche que le fabricant garantit
à vie contre toute perforation.
Traditionnellement, le problème des
eaux usées, c'est qu'elles étouffent littéralement
la vie du lac où elles se déversent. Ainsi,
à l'état brut, elles peuvent atteindre une
charge (que les experts calculent en DBO5C,
ou demande biochimique en oxygène de la partie
carbonée sur 5 jours) de 100 à 300 milligrammes
par litre d'eau, alors que le ministère exige,
pour le bassin de roseaux, un maximum de 15 milligrammes
par litre. Les promoteurs du bassin de roseaux assurent
que la charge ne dépassera jamais les 3 à
6 mg/L en été (et zéro en hiver).
La plupart des autres technologies atteignent jusqu'à
30 mg/L, explique l'ingénieur Jean-Marc Bélanger,
du ministère de l'Environnement, région
Estrie.
Quant aux coliformes fécaux, le bassin
en rejette moins de 500 unités par 100 ml d'eau,
selon les analyses effectuées pendant un an par
la firme S.M. Environnement, alors que le Ministère
autorise d'en émettre jusqu'à 50 000 par
100 ml. Dans le cas du biofiltre Écoflo, les rejets
moyens de coliformes fécaux sont égaux ou
inférieurs à 25 000, selon le site Internet
du fabricant ().
Un tel marais artificiel de roseaux peut
desservir jusqu'à 50 maisons à la fois et
est "parmi les systèmes prometteurs pour beaucoup
de petites municipalités au Québec"
car il est moins coûteux que le traditionnel étang
aéré, affirme Yves Piette, de la Société
québécoise d'assainissement des eaux (SQAE).
Cette technologie a aussi fait ses preuves à l'usine
de meubles Shermag, de Lennoxville, où elle performe
" au-delà des espérances " pour
250 personnes, déclare Jean-Marc Bélanger.
L'été dernier, la compagnie aménageait
aussi deux bassins au Parc du Cap Saint-Jacques de la
Communauté urbaine de Montréal.
Le bassin de roseaux coûte 8000$ pour
un chalet d'une chambre à coucher, plus la fosse
septique de 500$, et 1500$ par chambre additionnelle.
Il peut être installé à 15 mètres
d'un puits et n'exige aucun entretien, sauf un désherbage
les deux premières années, le temps que
les roseaux arrivent à maturité. À
titre comparatif, l'installation du système Écoflo
coûte entre 5000$ et 10 000$, selon la nature du
sol.
André Fauteux