L'éducation, une marchandise
comme une autre?
(ASP) - Léducation
nest pas une marchandise. Une évidence?
Pas quand on regarde la situation sous la lorgnette des
partisans du libre-échange: de plus en plus de
programmes universitaires créés par des
compagnies pour satisfaire un besoin précis; une
privatisation croissante de lenseignement aux Etats-Unis
afin de satisfaire des groupes précis religieux,
entre autres; et une gestion de la profession enseignante
qui ressemble de plus en plus à la gestion dune
entreprise où le maître-mot serait "efficacité".
Jusquau président
américain, George W. Bush qui, il y a deux semaines
à Genève, aurait réclamé que
les négociations sur la libéralisation du
commerce international soient élargies pour inclure
léducation post-secondaire, léducation
aux adultes et les "services éducatifs",
a dénoncé Marilies Rettig, présidente
de la Fédération canadienne des enseignants,
dans le cadre de la séance douverture du
Forum sur léducation, qui avait lieu mardi,
le 17 avril, au cours de la seconde journée du
Sommet des peuples.
"Des dizaines dinstitutions
privées américaines nattendent quun
assouplissement des règlementations pour se lancer
à lassaut des marchés étrangers",
avait également dénoncé, quelques
minutes plus tôt, Monique Richard, de la Confédération
des syndicats du Québec, en ouvrant le forum. Cas
typique: les cours universitaires qui se multiplient sur
Internet, souvent pour des besoins très précis,
et qui réunissent en réseaux collèges
et universités, par-delà les frontières.
Après la mondialisation des marchés, la
mondialisation de léducation?
Cest que léducation
est une autre de ces grandes oubliées des négociations
actuelles sur une hypothétique Zone de libre-échange
américain. Dans leur Déclaration commune,
qu'ils devaient adopter au terme de ce Forum sur léducation,
les quelque 250 participants ont, tout comme leurs 2000
homologues du reste du Sommet des peuples, réitéré
leur indignation face aux "politiques néolibérales
qui ont conduit à laccroissement des inégalités",
mais ont surtout exigé que léducation
occupe une place à part entière dans ces
négociations internationales. Et pas nimporte
quelle éducation: "nous proclamons quune
éducation de qualité doit former des personnes
libres et critiques, des citoyens respectueux de la diversité
et des droits humains, soucieux de lavenir de la
planète et du développement durable".
"Nous nous opposons
à une conception de la qualité étroitement
définie à partir de tests standardisés
qui réduisent la mission de léducation
à ce qui est facilement mesurable." En dautres
termes: il faut former des citoyens complets dotés,
par exemple, dun minimum de culture scientifique,
à lheure des OGM et des changements climatiques-
et non pas des gens capables de "performer"
dans leur seul métier.
Parmi les demandes inscrites
dans cette déclaration commune: léducation
doit être accessible à tous, de qualité,
et " être un instrument de justice sociale
et démancipation des personnes tout au long
de leur vie".
Comment en arriver là,
par contre, les délégués sont restés
fort prudents. Que les enfants soient davantage au cur
des réformes scolaires, a réclamé
Lynn Coffin, directrice de lenseignement à
la lAssociation américaine de léducation.
"Exercer notre devoir de critique", a renchéri
Mme Arpy Hamalian, présidente de la Fédération
québécoise des professeurs duniversité.
Que les universités retrouvent le sens de leur
mission dorigine, le "service à la collectivité",
et non pas le service aux compagnies. Ce qui est très
bien, mais ne nous apprend pas grand-chose sur les moyens
à mettre en oeuvre.
La marche est dautant
plus haute que, depuis la rencontre des chefs dÉtat
des Amériques de Santiago, en 1998, qui avait effectivement
fixé des objectifs pour une éducation plus
accessible, fort peu de progrès ont été
enregistrés. Au Mexique, une diminution du pourcentage
de gens ayant accès à luniversité;
au Honduras, une légère amélioration
des conditions de travail des professeurs, mais une baisse
partout ailleurs en Amérique latine; des améliorations
du nombre denfants qui finissent lécole
primaire, mais une stagnation de ceux qui finissent le
secondaire.
"On ne veut pas
former des citoyens libres et responsables, s'est indigné
un délégué lors de la période
de questions, mais des citoyens capables de se conformer
aux règles du marché!"