L'Afrique: marché alléchant
pour l'industrie du tabac
(ASP) - LAfrique sub-saharienne pourrait
en théorie profiter des 100 années dexpérience
des pays occidentaux en matière de lutte au tabagisme
pour protéger sa population. Mais pour linstant,
il semble que ce sont plutôt les vendeurs de cigarettes
qui usent de toutes leurs connaissances pour conquérir
de nouveaux marchés.
Le tableau brossé par Léro
Tchassao, président dune organisation non
gouvernementale (ONG) axée sur la santé
et le développement au Togo, lors de la 1ere
conférence internationale francophone sur le contrôle
du tabac qui a eu lieu à Montréal, ne laisse
aucun doute quant aux longueurs davance prises par
lindustrie du tabac. La publicité, qui associe
le tabac à la modernité et à la jeunesse,
est omniprésente. "Nous avons présenté
un projet de loi en octobre 2001 afin dencadrer
lindustrie du tabac, notamment dans le domaine de
la publicité, mais le manque de volonté
politique dans ce dossier est flagrant."
Les cigarettiers occupent, avec lindustrie
de lalcool, toute la commandite du sport et de la
culture. "Dans les pays africains, il est facile
de comprendre que les ministères du sport et de
la culture se retrouvent loin dans les priorités
gouvernementales, constate Léro Tchassao. Les maladies
infectieuses font lobjet dune certaine attention,
mais le tabagisme nest pas pris au sérieux."
Si les partis politiques accueillent favorablement
lindustrie du tabac, vue comme créatrice
demplois et de revenus, il existe tout de même
une frange de la population bien au fait des risques.
Ces personnes se retrouvent le plus souvent au sein dONG
qui essaient de faire contrepoids. Un premier pas a été
la création de lObservatoire du tabac en
Afrique francophone (OTAF), en décembre 2001. Cet
organisme permet de recueillir, de centraliser et de diffuser
un ensemble de données concernant le tabagisme.
" Aujourdhui, grâce à lOTAF,
beaucoup dONG africaines sont en synergie, échangent
des informations sur la lutte antitabac et participent
activement, avec les ONG du Nord, aux activités
de lutte antitabac dans le monde ", explique
Mahamane Cissé, président de S.O.S. tabagisme-Mali
et du comité exécutif de lOTAF.
Pour sa part, lOrganisation mondiale
de la santé (OMS) devrait adopter au printemps
une convention cadre pour la lutte anti-tabac dans le
monde, convention appuyée par 78 pays, sauf les
États-Unis, le Canada et la Russie. Le but de lOMS
est de rééquilibrer la situation face à
lOrganisation mondiale du commerce (OMC) qui, par
ses divers traités de libre-échange, donne
toute la latitude voulue à lindustrie du
tabac dans le monde.
Combien de temps encore les boîtes
de nuit africaines pourront-elles offrir une cigarette
allumée avec le billet dentrée ?
Tout dépend de quel côté penchera
la balance dans cette lutte de pouvoir...
Suzanne Champoux