L'avenir de la production porcine
(ASP) - L'avenir de la production porcine
repose-t-il sur la litière ou sur le lisier? Cette
question ésotérique n'était que l'une
de celles auxquelles devait répondre le Bureau
daudiences publiques sur lenvironnement (BAPE)
dans son rapport sur la production porcine.
À la suite de limposition dun
moratoire sur la construction de nouvelles porcheries,
des audiences publiques sur le développement durable
de lindustrie porcine ont eu lieu de la fin octobre
2002 jusquen juin 2003. Durant cette période,
les commissaires du BAPE ont parcouru le Québec
pour entendre la population et les agriculteurs. Trois
cent quatre-vingt-deux mémoires ont alors été
déposés. Plus de 9000 personnes ont assisté
aux séances. Les commissaires sont aussi allés
voir, au cours de lété, de quelle
façon fonctionne lindustrie porcine ailleurs
au Canada, de même qu'aux États-Unis et en
Europe (Allemagne, Espagne et Danemark).
Ces voyages sont dune importance capitale,
car ils ont servi à peaufiner le modèle
de développement que les commissaires mettent de
lavant dans leur rapport. Ainsi, en examinant la
littérature sur le sujet, on apprend que dans certaines
régions productrices de porcs, on opte de plus
en plus pour lélevage sur litière
plutôt que sur lisier tel que pratiqué au
Québec.
Dans lélevage sur litière,
les déjections se mélangent à la
litière (faite de sciure ou de paille) pour former
un fumier dont la décomposition commence dans le
bâtiment. Ce fumier évoluera pour former
un compost. La litière présente dès
lors plusieurs avantages : moins dodeurs et
moins de pollution par les nitrates et les phosphates
(deux sous-produits très présents dans le
lisier de porc). Il y a aussi moins démissions
dammoniac et doxydes dazote dans lair.
Lors des audiences, plusieurs groupes dont lUnion
paysanne, lUnion québécoise pour la
nature (UQCN) et Équiterre ont recommandé
ladoption de cette façon de faire.
En comparaison, les élevages de porcs
sur lisier entraînent plus de nuisances. Ce type
délevage seffectue sur un plancher
à lattes non jointives qui permet de recueillir
les déjections des animaux: le lisier. Celui-ci
est ensuite épandu sous forme liquide dans les
champs, un engrais adéquat pour remplacer les fertilisants
chimiques, selon lUPA (pour les groupes écologistes,
le lisier de porc nest pas un bon fertilisant :
il nourrit la plante et non le sol et ne régénère
pas le sol en plus dêtre lessivé lors
de pluies abondantes).
Lépandage du lisier, pour satisfaire
aux nouvelles normes, exige toutefois des surfaces suffisantes
de façon à éviter le ruissellement
de lexcès de lisier vers les cours deau
(ce qui se produit malgré tout assez souvent).
Cette exigence a eu ses effets pervers : elle a provoqué
une accélération du déboisement dans
le Sud du Québec de 1999 à 2002, selon une
étude du ministère de lEnvironnement.
Enfin, la production sur lisier dégage des odeurs
nauséabondes, dont plusieurs ruraux se plaignent.
La promotion de lélevage sur
litière fait partie du rapport du BAPE. Selon le
mémoire de lOrdre des agronomes, il faudra
toutefois faire plus pour que la société
accepte la production porcine. La réglementation
environnementale adoptée par le gouvernement en
1997 est un premier pas, selon lOrdre. Mais il faudrait
aussi implanter la gestion par bassin versant, commencer
à distribuer des subventions conditionnelles au
respect des normes environnementales et opter pour une
certification environnementale (pour récompenser
les producteurs respectueux des normes). LOrdre
ajoute quil serait même essentiel que ces
mesures sappliquent à lensemble des
exploitations agricoles. Lagriculture québécoise
serait alors perçue bien différemment ici
et à létranger.
Stéphane Gagné