XIIe Congrès forestier mondial
L'eau de New York menacée par l'étalement
urbain
(ASP) - Pour approvisionner la ville en
eau à un coût abordable, les autorités
de New York ont appris à préserver les forêts
du nord de lÉtat. Or, voilà que létalement
urbain risque de tout anéantir.
Directeur du Forestry Program for the Watershed
Agricultural Council, le Québécois Victor
Brunette avait jusquà tout récemment
la responsabilité de superviser la protection des
2000 milles carrés que couvrent les bassins versants
Croton, Catskill et Delaware, boisés à 75
% et appartenant à près de 20 000 propriétaires
privés. Lassé de faire laller-retour
hebdomadaire entre lÉtat de New York et sa
résidence de Longueuil, lingénieur
forestier vient de rentrer au Québec, non sans
avoir retenu de grandes leçons daménagement
forestier quil compte bien offrir aux producteurs
dici.
" Pour assurer une eau de qualité
aux citadins, le défi consiste à permettre
aux communautés rurales de vivre de lagriculture
et de la forêt. Cest en préservant
la santé économique de ces régions
que leau de New York sera la mieux protégée. "
L'eau a toujours été un problème
à New York. En 1837, après
avoir subi plusieurs épidémies dues à
la pollution des eaux souterraines, les autorités
lançaient la construction dun premier aqueduc
pour puiser leau de la rivière Croton, à
41 milles au nord. Lorsque la population atteignit les
3 millions, il fallut aller plus loin: la rivière
Esopus, prenant sa source dans les montagnes Catskill,
à quelque 150 milles puis, en 1931, la rivière
Delaware.
La création de réservoirs
ne se fit pas sans peine : des centaines de fermiers
furent expropriés, de petites municipalités
fermées.
Largent ou lenvironnement
En 1986, lAgence de protection de
lenvironnement promulgua de nouvelles règles
de salubrité pour leau potable. Pour la seule
ville de New York, ces normes signifiaient la construction
dune usine de filtration de 9 milliards $ US, à
laquelle il fallait ajouter 350 millions par année
pour son fonctionnement.
C'est pour éviter ces coûts
que les autorités new-yorkaises ont décidé
de miser sur une gestion durable des bassins versants.
Dès 1993, divers partenariats avec les agriculteurs
et les producteurs forestiers avaient conduit à
360 plans daménagement forestier couvrant
70 000 acres.
Ces programmes de gestion
durable ont permis la formation de 150 travailleurs forestiers
et 30 professionnels chargés ensuite dencadrer
des programmes de sylviculture, de construction de routes
et de ponts temporaires. " Le modèle
forestier a été présenté au
grand public, à des groupes environnementaux, à
des médias, à des universitaires pour les
amener à également faire leur part. Nous
estimons que 20 % de tous les propriétaires de
ces territoires participent dune manière
ou dune autre à des mesures incitatives de
protection de lenvironnement ", raconte
Victor Brunette.
Mais ce succès a un impact négatif.
Des centaines de citadins migrent vers ces régions.
Une étude réalisée à la fin
de 2001 indique que 80 % des nouvelles constructions résidentielles
se font en périphérie des centres urbains
et sur des terres agricoles (sans loi de protection de
la zone verte, comme au Québec), dont 57 % sur
des lots de 10 acres. Un tel morcellement signifie davantage
de fosses septiques, de fertilisation chimique des gazons,
de défection des animaux domestiques et de routes
salées en hiver. Ce qui augmente les risques de
contamination de leau.
Pour contrer cette dégradation, des
communautés commencent à acquérir
des territoires. LÉtat de New York planifie
la création de terres forestières " à
jamais sauvages " (Forever Wild). " Les
autorités politiques doivent rapidement trouver
des façons dintéresser autant les
travailleurs forestiers que les citadins à la préservation
de leur ressource. Ils doivent trouver un équilibre
entre une réglementation punitive et des incitatifs
de mise en valeur des forêts. À défaut,
cest la qualité de leau de New York
qui en sera directement affectée ", analyse
Victor Brunette.