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La politique et la science ne font pas bon ménage
(ASP) - Le moins qu'on puisse dire, c'est que la science n'est
pas la matière forte des partis politiques au cours de
l'actuelle campagne électorale fédérale:
la science n'occupe qu'une partie très congrue de leurs
programmes, les thèmes de l'heure sont, dans certains
cas, carrément absents, et lorsqu'ils sont là,
ils n'ont souvent droit qu'à de vagues généralités.
Au point où, à l'exception du très écologique
Parti Vert, le parti qui parle le plus de science est... le très
ésotérique Parti de la loi naturelle.
En dépit des sonnettes d'alarme
Pourtant, les sujets chauds ne manquent pas : bactéries
résistantes aux antibiotiques, fonte de la calotte glaciaire,
déchets nucléaires, manipulations génétiques,
clonage, analphabétisme scientifique d'une partie de la
population... Mais malgré cela, une plate-forme comme
celle de l'Alliance canadienne ne consacre en tout et pour tout
que quatre paragraphes à l'environnement.
Pour Jacques Ruelland, président du Conseil régional
de l'environnement des Laurentides, l'explication est simple:
"les politiciens pensent à court terme, le temps
d'un mandat". Or, des questions scientifiques, par exemple
celles qui touchent à l'environnement, sont des questions
à long terme. "Ils en parlent lorsque la pression
publique l'exige. Et le public ne se soulève que sur des
dossiers ponctuels ".
"Les regroupements de scientifiques, comme l'ordre des
biologistes le fait souvent, ont la responsabilité sociale
de prendre position ou du moins de se prononcer. Ce sont des
questions pour lesquelles ils ont une expertise crédible"
ajoute M. Ruelland.
L'Alliance se distingue certes des autres partis en affirmant
vouloir confier les "grands enjeux" aux scientifiques.
Mais c'est également l'Alliance qui a à sa tête
un chef qui, en affirmant que la Terre a été créée
il y a 6000 ans, rejette les fondements mêmes de la biologie,
de la géologie et de l'astronomie.
Les libéraux parlent davantage de science dans leur
programme politique, leur "Livre rouge". Mais en réalité,
il y est question davantage de ce qui a été fait
que de ce qu'ils prévoient faire. On y rappelle par exemple
que les libéraux ont adopté des amendements à
la loi sur la protection de l'environnement, misé sur
les nouvelles technologies pour combattre les changements climatiques,
investi dans la recherche en santé, l'accès à
Internet et le commerce électronique, etc. Mais ce qu'ils
ont l'intention de faire dans le futur se résume à
des formules vagues: "Nous appuierons aussi la recherche
sur d'importantes questions telles que les produits toxiques
pour l'environnement, la santé publique et la gestion
des ressources naturelles".
Qui plus est, selon le Bloc québécois, bien
que les Libéraux aient réinvesti en R&D (recherche
et développement) en 1999, les fonds restent loin de ceux
de 1993 et loin du pourcentage du PIB consacré à
ces activités dans les autres pays du G7, de l'Union Européenne
et de l'OCDE.
Mais le Bloc n'est guère plus explicite dans son chapitre
sur le "développement durable" qui parle de
pollution, du Fleuve St-Laurent, de pesticides, de décontamination,
d'espèces menacées, des questions énergétiques
et de collaboration entre les paliers de gouvernements. En revanche,
ce chapitre englobe un thème qui n'est qu'effleuré
par les libéraux (investir dans la recherche d'énergies
alternatives), et deux thèmes qui n'ont pas droit à
un seul mot dans le Livre rouge: l'importation de plutonium au
Canada et, surtout, les OGM (organismes génétiquement
modifiés).
Les OGM
Une recherche par mot-clef révèle en effet que
le Livre rouge n'emploie pas une seule fois les mots OGM, génétique,
ni même biotechnologie -un peu comme s'il avait été
écrit il y a plusieurs années, alors que ces termes
n'avaient pas encore gagné le vocabulaire courant.
Les autres partis en parlent tous à des degrés
divers. Les bloquistes exigent, tout comme le NPD et le Parti
Vert, l'étiquetage obligatoire des OGM et l'institution
de plus grandes mesures pour évaluer ces nouveaux produits,
lorsqu'ils arrivent dans nos assiettes ou dans nos fermes. Les
conservateurs sont ceux qui s'aventurent le plus loin dans cette
direction: "il y a deux sortes de défis à
relever si nous voulons avoir une industrie des biotechnologies
puissante et dynamique. D'abord, il faut instaurer un climat
qui permettra aux diverses branches de ce secteur de prospérer...
Ensuite, il nous faut répondre aux inquiétudes
que la population se fait sur son état de santé,
sur l'état de l'environnement et sur les risques éventuels
liés aux organismes et espèces génétiquement
modifiés".
Mais une fois ce constat posé, on a à peu près
tout dit. Le PC veut lui aussi réclamer l'étiquetage
obligatoire des OGM et procéder à une "consultation
du public" sur la règlementation à imposer
à l'industrie des biotechnologies. Cela mis à part,
leur plate-forme ne contient rien de précis sur la R&D,
sauf une critique du programme de crédits d'impôt
à la R&D qui, selon les conservateurs, freine le développement
et la mise en marché de technologies avant-gardistes.
Deux pages sur 26 sont consacrées à l'environnement.
Mais la seule raison qui semble pousser à vouloir protéger
la nature, c'est la santé humaine.
Les conservateurs par contre (tout comme le NPD et les Verts)
assurent qu'ils mettraient en place "des incitatifs financiers"
pour les industries qui se conformeraient à des normes
anti-pollution plus sévères.
Gestion durable
Le NPD, qui se définit traditionnellement comme un
parti plus préoccupé des petites gens, préconise
le développement durable comme partie intégrante
d'une gestion et ce, à tous les niveaux. Son programme
se concentre sur la recherche sur les liens entre la santé
et l'environnement, l'innovation en technologies de l'environnement
et la nécessité que la Direction générale
de la protection de la santé retrouve son indépendance
par rapport au financement qui provient de l'industrie. Au cours
du débat des chefs, Alexa McDonough a été
la seule à défendre, quoique très brièvement,
des enjeux environnementaux.
Concrètement, le NPD compte instaurer un Programme
national d'investissement dans l'infrastructure environnementale
(PNIIE) pour les problèmes pressants tels l'eau, l'air,
les déchets toxiques, l'énergie et la dépollution.
Il propose une stratégie nationale sur l'eau, la prise
en compte de l'environnement lors d'ententes commerciales, et
un investissement dans les transports en commun. Il promet de
plus, comme tous les autres partis, le vote d'une loi sur les
espèces menacées: ce dernier point est particulièrement
de nature à irriter les écologistes, puisque les
libéraux soulignent dans leur programme avoir justement
déposé une loi sur les espèces en péril...
alors que cette loi est morte au feuilleton à cause du
déclenchement des élections.
Brigitte
Blais et Pascal Lapointe
(23 novembre)
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