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Les miraculés de la chambre
hyperbare: un mythe?
(ASP) - Plusieurs parents d'enfants atteints de paralysie
cérébrale fondent tous leurs espoirs là-dessus.
Mais une étude subventionnée par le gouvernement
québécois vient de démystifier la croyance
en l'efficacité de la médecine hyperbare sur ces
enfants. Les parents n'ont pas désarmé pour autant...
Exit, le mythe de la chambre pressurisée et suroxygénée,
grâce à laquelle les enfants verraient leurs spasmes
diminuer et leurs habiletés fonctionnelles augmenter.
C'est ce qu'affirme le Dr Jean-Paul Collet, directeur adjoint
de la recherche clinique à l'Institut Lady Davis de l'Hôpital
Général Juif de Montréal. Et il a avec lui
les données les plus étoffées jamais publiées
là-dessus.
Histoire d'un mythe
La paralysie cérébrale trouve son origine avant
ou pendant l'accouchement. Elle est la conséquence directe,
chez l'enfant, d'une asphyxie ou d'une hémorragie cérébrale
(dans quelques rares cas, d'une infection). Mais l'étendue
des "dégâts", c'est-à-dire le degré
de paralysie cérébrale, ne se voit, parfois, que
plusieurs années après l'accouchement. En effet,
au cours des premières années de sa vie, l'enfant
ne sollicite que son cerveau inférieur, alors que c'est
le cerveau supérieur qui a été endommagé.
C'est alors que la médecine hyperbare entre en action
: nombreux sont ceux qui lui prêtent toutes sortes de vertus
thérapeutiques, comme celle, justement, de régénérer
les cellules endommagées du cerveau. Or, pour les sceptiques,
l'idée que l'oxygénothérapie hyperbare puisse
agir sur des cellules endommagées après tant d'années
paraît utopique. Et la promotion de la médecine
hyperbare ne repose sur rien de scientifique. Elle s'est faite
sur le Web, qui regorge de témoignages attestant de résultats
soi-disant spectaculaires au sortir du caisson hyperbare.
La pratique de la médecine hyperbare est même
interdite au Québec, ce qui a soulevé une vive
polémique auprès de parents qui la perçoivent
comme une thérapie de la dernière chance: pourquoi
ne pas laisser la liberté de choisir à ceux qui
désirent investir les 10 000$ nécessaires à
l'accès au caisson magique? Pourquoi contraindre ceux
qui peuvent dépenser une telle somme à se rendre
à Ottawa, en Floride, ou ailleurs, lieux d'accueil de
centres de traitement hyperbare?
Le Collège des médecins du Québec a finalement
décidé de mettre un terme à la polémique:
des études scientifiques avaient déjà mis
à mal l'idée d'un impact du traitement hyperbare
sur des personnes atteintes de sclérose en plaques, il
était temps de faire la preuve scientifique de son efficacité
(ou non) sur les enfants atteints de paralysie cérébrale...
Et c'est alors que le gouvernement québécois a
confié la tâche au Dr Jean-Paul Collet. Pédiatre
de formation et spécialiste en recherche évaluative,
il a réuni 140 enfants québécois de 4 à
12 ans atteints de paralysie cérébrale, et les
a séparés en deux groupes: un groupe placebo et
un groupe soumis à l'oxygénothérapie hyperbare.
En quoi consiste l'oxygénothérapie hyperbare
?
En temps normal, l'être humain est oxygéné
à 21 % et subit une pression atmosphérique de 1
ATA (la pression au niveau de la mer). Son taux d'oxygène
dans le sang est alors de 95 mmHg (exprimé en millimètre
de mercure). Au cours de l'étude du Dr Collet, qui sera
bientôt publiée dans la revue médicale britannique
The Lancet, le groupe d'enfants soumis au traitement hyperbare
a reçu de l'oxygène à 100 % et a été
soumis à 1,75 ATA, ce qui a fait grimper le niveau d'oxygène
à 1230 mmHg. Dans le cas du groupe placebo, l'oxygénation
s'est faite à 21 %, comme en temps normal, mais la pression
a été poussée à 1,3 ATA, ce qui a
fait monter l'oxygène dans le sang à 148 mmHg.
Cette augmentation de la pression dans le groupe placebo visait
à provoquer des effets secondaires (sensation d'oreilles
bouchées), afin de donner à ces enfants l'illusion
qu'ils étaient véritablement soumis au traitement
hyperbare.
Résultats : des améliorations ont été
constatées dans les deux groupes mais elles sont équivalentes!
Le Dr Collet et son équipe imputent ces améliorations
au "phénomène clinique", qui veut que
le simple fait de participer à une étude médicale
améliore la condition du sujet. De plus, comme le précise
le Dr Collet, ce sont les performances de chaque patient qui
ont été testées, à savoir le langage,
la motricité, la concentration Il se peut que ces améliorations
soient survenues parce que les performances des sujets ont été
davantage sollicitées pendant l'étude qu'elles
ne le sont dans leurs conditions de vie habituelles.
Toutefois, le Dr Pierre Marois, qui a lui aussi participé
à cette étude, conteste ces conclusions. Physiatre
pédiatrique de formation, il travaille au quotidien à
la rééducation de ces enfants. Habitué à
composer avec leurs problèmes neuromusculaires, il est
aussi un témoin privilégié de la souffrance
des parents. Défenseur actif de la médecine hyperbare,
il pense que son efficacité pourrait résider dans
les 30 % de pression atmosphérique supplémentaire
insufflée au groupe placebo, tandis que pour le Dr Collet,
ces 30 % sont sans effet thérapeutique. Il ajoute que
les paralysés cérébraux font aussi d'importants
progrès quand ils sont mis en contact avec des chevaux...
L'enthousiasme des parents pour le caisson de l'espoir réside
notamment dans le fait qu'il n'existe pas, à l'heure actuelle,
de possibilités de guérison. Les thérapies
qui traitent la paralysie cérébrale sont toutes
palliatives, c'est-à-dire qu'elles visent à atténuer
les symptômes: physiothérapie, chirurgie où
certains nerfs sont sectionnés, médicaments destinés
à diminuer le tonus, exercices d'éveil. Le Dr Collet
insiste enfin sur le fait que son étude a surtout été
réalisée dans une perspective éthique :
est-ce utile de continuer à alimenter les espoirs des
parents... en même temps que les caisses enregistreuses
des centres de traitement hyperbare?
Malgré la déception des parents à l'issue
de cette étude, elle aura au moins eu pour mérite
d'inciter le Fonds de recherche en santé du Québec
à investir 100 000 $ par an dans la recherche pour les
enfants atteints de paralysie cérébrale.
Gaëlle Schmit
(30 novembre)
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