Le porte-avion « Clemenceau » fut pendant longtemps un des fleurons de la marine française. Il risque de ne laisser à l'histoire que le souvenir d'une fin peu glorieuse. En service depuis 1960 et désarmé il y a maintenant dix ans, le Clemenceau a commencé son dernier voyage en destination de l'Inde, vers un cimetière marin ou sa carcasse sera démantelée. Comme tous les navires construits à cette époque, le Clemenceau est bourré d'amiante. Sa démolition et la récupération de la ferraille ne peut donc pas se faire sans un complet désamiantage. Curieusement, pour traiter l'amiante la marine nationale a choisi la non-préférence nationale. Il faut bien dire qu'une telle opération coûte très cher et le ministère français de la marine cherche à en réduire le coût. Il faut aussi dire que, suite à de nombreuses affaires, l'amiante a vraiment une sale réputation en France. La marine avait sollicité plusieurs chantiers européens mais les pays concernés l'Espagne et la Turquie ont fini par refuser. Les normes européennes sont très strictes et très coûteuses, et plutôt que de s'y plier la marine nationale a donc choisi de faire faire le travail en Inde. La veille de Noël, les tribunaux français ont fini par rejeter  la requête de différentes associations et, tous les obstacles ainsi levés, la carcasse du Clemenceau, cadeau de Noël empoisonné, est lentement remorquée vers l'Inde. Mais il est encore possible que le Clemenceau doive rebrousser chemin parce que la Cour suprême  de l'Inde est maintenant saisie de la question, et la sous-commission des déchets toxiques a déjà rendu un avis négatif.

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A l'heure ou les banques et les compagnies d'informatique, pour réduire leurs coûts, font sous-traiter leurs opérations dans des pays comme l'Inde, il n'est peut-être pas surprenant que le traitement de produits toxiques soit également délocalisé. Mais beaucoup d'âmes sensibles trouveront scandaleux qu'un état contourne sa propre législation et les règlements de l'Union européenne auxquels il est soumis en faisant faire le sale et dangereux boulot dans des pays moins riches.

 

Un autre aspect de cette histoire concerne plus directement le Québec. L'amiante du Clemenceau provenait vraisemblablement de Thetford-Mines ou se trouvait la plus importante mine d'amiante au monde. Depuis l'interdiction de l'amiante par les Etats-Unis et l'Union européenne, la production d'amiante est très réduite et la région de Thetford-Mines est bien déprimée. Cependant, la production continue à rythme réduit. Grâce à la contribution financière du gouvernement du Québec, les tonnes de poudre blanche, extraites du sous-sol de Thetford-Mines sont exportées vers la Chine et les pays du Sud Est de l'Asie. Tout le monde sait bien qu'il ne peut s'agir que d'un sursis et que les mines finiront bien par fermer. On peut donc se demander s'il ne serait pas plus rationnel de financer la reconversion de la région que de subventionner la production et l'exportation de produits toxiques.   

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