Le blogue de cette semaine vous parvient de l'autre côté de l'océan Atlantique, au cœur même de Toulouse la ville rose où j'y effectue un stage de bioéthique. Depuis le retour du beau temps, les oiseaux et autres volatiles s'en donnent à cœur joie suscitant craintes et inquiétudes dans toute la France. Le coupable : H5N1 ou le virus de la grippe aviaire.

Originaire d'Asie, ce virus affecte toutes les espèces d'oiseaux, dont les oiseaux d'élevage sensibles aux infections. Virus très pathogène, il peut tuer jusqu'à la totalité des oiseaux infectés et se transmet facilement d'un animal à l'autre.  L'infection se propage rapidement en Asie en raison de l'explosion de la demande de volailles pour la consommation et des mauvaises conditions d'élevage. La grippe aviaire de souche H5N1 est actuellement détectée en Asie, en Europe et en Afrique.

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La grande question concernant le virus de la grippe aviaire demeure sa possible transmission à l'humain. Les experts estiment heureusement que ce virus n'est pas facilement transmissible d'oiseau à humain ou encore d'humain à humain (Voir La Presse du 10 mars : La grippe aviaire en 6 questions). Par ailleurs, l'Organisation Mondiale de la Santé confirme 52 cas d'humains infectés par le virus de la grippe aviaire depuis le 28 janvier 2004, dont 39 décès (WHO,www.who.int/csr/disease/avian_influenza/country/cases_table_2005_01_21/en/). Ces personnes ont eu pour la plupart un contact rapproché avec des oiseaux d'élevage malades. Mais les experts canadiens estiment que le H5N1 possède la capacité de muter et de devenir transmissible à l'humain. S'ensuivrait alors un risque de pandémie de grippe aviaire. D'où le grave problème pour la santé publique. Comment prévenir le développement possible de cette pandémie ? C'est là que la génétique intervient.

À la fin de janvier 2006, des chercheurs américains ont réussi à séquencer la totalité du génome du virus H5N1 à l'aide d'outils de génomique. Ce virus possède 2196 gènes (On évalue en ce moment que l'être humain en possède 30 000 – les évaluation changent avec l'avancement des connaissances…). Les résultats furent publiés dans la revue scientifique Science mettant ainsi la séquence à la disposition de l'ensemble de la communauté scientifique. Le séquençage du H5N1 a permis de déterminer son mécanisme de virulence qui provient essentiellement d'une protéine perturbant l'ensemble du processus cellulaire et favorisant la survie du virus (Futura-sciences, 16 mars 2006, www.futura-sciences.com/news-grippe-aviaire-enfin-vaccin-contre-virus-h5n1_8140.php).

La génétique fournit aussi de nouvelles pistes d'étude pour le développement d'un vaccin. Diverses stratégies sont élaborées :

- Première stratégie : Faire croître le virus dans des œufs fécondés vivants. Le virus s'y multiplie, en est extrait, purifié et tué. C'est ce virus mort qui sert ensuite à la production d'un vaccin. Le seul problème : le virus de la grippe aviaire s'attaque aux embryons de poulet dans les œufs. La solution : Enlever les gènes responsables de la virulence du virus chez les oiseaux. Ce virus modifié sera utilisé pour produire le vaccin.

- Deuxième stratégie : Un peu plus futuriste que la première déjà utilisée pour le vaccin de la grippe humaine, elle consiste à se servir de la recombinaison génétique pour un vaccin. Le truc : Insérer des bouts d'ADN inoffensifs de H5N1 dans un banal virus désactivé, celui du rhume. Inoculé chez un receveur humain, ce virus du rhume modifié permet la production d'antigènes efficaces contre le H5N1. Des résultats intéressants ont été obtenus par des équipes scientifiques américaines (Lancet du 11 février 2006(367) et le Journal of virology de février (80)).

- Dernière stratégie : L'injection pure et simple de fragments d'ADN du virus qui, une fois dans le corps, permettent la production d'une protéine induisant des anticorps contre H5N1 (Doctissimo, 2006, www.doctissimo.fr/html/dossiers/grippe-aviaire/9391-vaccin-grippe-aviaire-02.htm).

Plusieurs pistes de recherche sont donc poursuivies actuellement. Le problème consiste à savoir si les vaccins seront efficaces contre le nouveau virus H5N1 qui a muté pour devenir pathogène chez l'être humain.

Le cas de la grippe aviaire soulève plusieurs questions du domaine de l'éthique, de la santé publique et de la société. Sachant que ce sont les pays occidentaux qui développent actuellement des moyens et des ressources pour se préparer à l'éventualité d'une épidémie de grippe aviaire, comment effectuer une juste distribution des ressources à l'échelle planétaire ?  La bioéthique a-t-elle un rôle à jouer dans la santé publique ? Comment ne pas accroître, en cas d'épidémie, la disparité déjà existante entre le Nord et le Sud ? Toujours en cas d'épidémie, existera-t-il de la discrimination chez la populations touchées ? Qui aura accès aux vaccins en cas de production limitée ? Les citoyens peuvent-ils prendre part à la prise de décision en matière de santé publique ?

Devant ces questions et de nombreuses autres, la parole est à vous !

Au plaisir d'échanger avec vous.

Marianne Dion-Labrie*

Hubert Doucet*

Isabelle Ganache*

Bastien Llamas

Céline Durand*

*Groupe de recherche en bioéthique de l'Université de Montréal

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