Tout d'abord, je voudrais remercier les lecteurs de ce blogue d'avoir
ajouté quelques liens très intéressants à mon billet de la semaine
dernière. Je vous encourage fortement à jeter un coup d'oeil sur ces
sites en français. Indépendamment de la langue, malheureusement, la
situation énergie de la planète demeure extrêmement préoccupante à
court terme.

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Ce dernier billet et le lancement,  le mercredi 12 avril, d'un

livre à la rédaction duquel j'ai participé m'incitent donc à faire

porter le texte d'aujourd'hui sur l'implication des scientifiques dans

la vie politique d'une démocratie comme le Canada.

Le plus souvent, le scientifique apparaît comme un expert, un

spécialiste d'un domaine pointu sur lequel il a le droit de prononcer

des énoncés absolus qui ne tolèrent aucune contradiction. En tant que

physicien, ce genre de situation ne se produit pas très souvent; il y a

assez peu de journalistes qui me contactent afin de vérifier que le

silicium existe bien en trois phases, liquide, cristalline et amorphe.

Cela se produit plus fréquemment dans des disciplines telles que

l'économie, le droit ou la science politique.

Il importe toutefois de savoir que derrière un discours factuel se

cache souvent une idéologie qui peut colorer la présentation ou la

sélection de ces faits. Même dans des domaines très pointus, il existe

des divergences d'opinions sur l'interprétation de faits et même, dans

certains cas, sur leur existence propre. De plus, du fait même de

l'étroitesse du domaine d'expertise, ces spécialistes finissent

toujours par parler sur un sujet qu'ils ne maîtrisent pas. Il faut donc

aussi prendre les énoncés des experts avec circonspection et toujours

essayer d'utiliser nos propres connaissances généralistes afin de juger

la pertinence de leurs énoncés.

Considérons, par exemple, la question de l'impact des nanosciences sur

la société dont j'ai parlé il y a deux semaines. Il s'agit d'un

problème complexe et multidisciplinaire qui implique des physiciens,

des chimistes, des biologistes, des environnementalistes, des

sociologues, etc. Rares sont ceux qui peuvent poser un regard d'expert

sur le problème. Ainsi, les chercheurs qui développent les nouvelles

structures ne connaissent pas les interactions possibles de ces

substances avec l'environnement et sont, en fait, assez mal équipés

pour l'étudier. Si on les interroge sur ce sujet, ces spécialistes ne

pourront donc pas donner une réponse experte; ils seront pourtant cités

comme tels. Ça ne veut pas dire que la réponse sera nécessairement

farfelue ou sans valeur. Après tout, ces spécialistes sont des

chercheurs habitués à faire des inférences et à analyser des données et

scénarios complexes. Cette réponse ne sera plus celle d'un expert,

toutefois, mais d'un citoyen éclairé. La difficulté, pour le public,

étant généralement de départager l'expert du citoyen éclairé.

Malgré ces défis, il est important pour les scientifiques de s'exprimer

sur la société pour plusieurs raisons. Tout d'abord, leur formation

formelle leur permet d'analyser sans complexes des problèmes compliqués

qui nécessitent parfois de passer à travers des colonnes de chiffres ou

des équations mathématiques. De plus, ils sont formés à poser des

questions et à rester sceptique lorsque les preuves manquent. Il ne

faut pas se leurrer, toutefois, bon nombre de chercheurs érigent un mur

infranchissable entre leur travail et leur quotidien, réservant leur

sens critique pour leur activité professionnelle. De plus, la

communauté scientifique ne voit pas toujours d'un bon oeil le fait

qu'un chercheur se prononce, en tant que citoyen engagé, dans des

débats hors de son champ de spécialisation, de peur que ces positions

nuisent à la communauté scientifique en général.

Je rejette cette catégorisation. Le scientifique est autant un

intellectuel que le chercheur en sciences sociales et il se doit de

participer au débat de la société en acceptant que ses propos ne soient

pas protégés par l'étiquette d'expert. C'est aussi comme cela qu'il

vous faut lire certaines parties de mon blogue. Bien que physicien, je

ne suis pas un expert dans toutes les sous-disciplines du domaine ni

dans les relations entre la science et la société. Je dois donc me

mouiller, de temps en temps, mais je le fais avec soin, m'assurant de

vérifier mes faits et utilisant, lorsque nécessaire, mes connaissances

techniques afin d'évaluer la pertinence ceux-ci.  Je peux bien sûr

me tromper ou même dire des bêtises, de temps en temps. C'est à vous de

rester vigilants !

Un mot, en terminant, sur le livre donc j'ai parlé ci-haut. Celui-ci,

intitulé « Où va notre argent? », est écrit par le collectif

Attac-Québec et publié par la maison d'édition Écosociété. Ma

contribution porte sur les torts à la société posés par les paradis

fiscaux. Pris dans son ensemble, ce livre essaie de confronter

certaines idées véhiculées par les médias et montre que l'argent est

disponible pour financer les projets de société qui nous tiennent à

coeur, si seulement on veut bien aller le chercher là où il se trouve.

Mais c'est une autre histoire qui n'appartient pas à ce site.

Je donne