La fête de Pâques est une date fondamentale dans le calendrier religieux des chrétiens. Cependant, contrairement aux autres dates importantes dans notre société, cette dernière n'est pas fixe. Je vais tenter de vous expliquer al cause de cette anomalie.

Originalement, le calendrier est né du besoin de planifier l'agriculture, prévoir les migrations et a servi de à maintenir l'ordre social. Il s'agit là de besoins essentiels dont l'importance économique pour des sociétés agricoles ne saurait être sous-estimée. L'alignement mégalithique de Stonehenge ainsi que les Medecine Wheel des indiens d'Amérique servaient en partie aux observations astronomiques nécessaires à l'établissement du cycle des saisons.

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Il existe à l'heure actuelle environ quarante calendriers en usage de par le monde. Le principe de base du calendrier est d'établir une relation entre les différents cycles astronomiques : la durée du jour, les phases de la Lune et la rotation de la Terre autour du Soleil. Comme chacun des cycles ne peut être décrit exactement par un nombre entier des autres, un ensemble de règles plus ou moins compliquées a dû être établi afin de maintenir la stabilité du système. Dans tous les cas, ce système ne sera qu'une approximation et ne sera valable que pour une certaine période de temps, car les cycles astronomiques sont eux-mêmes variables.

Notre calendrier est dérivé du calendrier romain. Selon la tradition, ce calendrier comportait à l'origine 10 mois commençant à l'équinoxe vernale, pour un total de 304 (ou 305) jours. Les noms des mois de septembre (sept), octobre (huit), novembre (neuf) et décembre (dix) datent de cette époque. Les jours restants auraient été ajoutés à la fin de l'année (entre décembre et mars). Il restait alors environ 51 jours par an hors du calendrier, ajoutés irrégulièrement pour réajuster le calendrier sur les lunaisons : on s'arrêtait simplement de compter les jours durant l'hiver en attendant la calendes de mars marquant la première lune du printemps.

La première réforme fondamentale du calendrier de Romulus est attribuée à Numa Pompilius (715-673 av. J.-C.), le second des sept rois traditionnels de Rome. Il aurait ajouté 50 jours à l'année et réduit les 6 mois de 30 jours à 29, pour créer deux mois supplémentaires de 28 jours, février et janvier. Il y ajouta aussi un mois supplémentaire (mens intercalaris) de 29 jours ajouté tous les 4 ans, intercalé en tant que douzième mois (deux fois six) durant les années bissextiles. Aussi l'année compta 354 jours (ou 384 jours tous les 4 ans)

Les Romains ayant horreur des nombres pairs portèrent l'année à 355 jours en fixant le mois de janvier à 29 jours, et jusqu'en 450 av. J.-C. l'année compta 355 jours (ou 385 jours tous les 4 ans), mais les Pontifex Maximus chargés de définir le calendrier et de déterminer les mois intercalaires oublièrent d'y apporter une correction périodique (pourtant connue des grecs qui utilisaient un cycle correcteur de 24 ans). De plus, l'année moyenne était trop courte et comptait alors 362,5 jours. Aussi des jours supplémentaires pouvaient être apportés de façon irrégulière, pour recaler le calendrier avec le cycle saisonnier solaire.

C'est sous la République romaine, vers 450 av. J.-C. que l'on inversa les noms des mois de février et de janvier, peut-être pour plaire au dieu Janus dont janvier porte le nom ; le mois intercalaire déplacé en fin d'année fut appelé Mercedonius, l'année comptant alors 355 jours tous les 2 ans, et alternativement 377 ou 378 jours les autres années : années avec mois intercalaire) . Bien que plus précis que le calendrier précédent, l'année moyenne comptait encore 366,25 jours.

Néanmoins, les règles déterminant les mois intercalaires (pour tenter de conserver l'alignement de lunaisons) restèrent floues, et le calendrier devint incompréhensible, d'autant que le calendrier contenait un jour de trop pour être lunaire, et que les empereurs et consuls manipulaient à volonté le calendrier en fonction d'échéances politiques, notamment en raccourcissant ou supprimant parfois les mois intercalaires ; au fil de l'histoire, le calendrier finit par se décaler dans l'année. Ainsi, par deux fois dans l'histoire, les mois intercalaires furent omis, notamment aux IIe siècle av. J.-C. après les guerres puniques, et au milieu du Ier siècle av. J.-C.

En 46 av. J.-C., suivant les conseils de l'astronome alexandrin Sosigènes, Jules César décida d'instaurer un système de calendrier fiable. Il instaura donc un calendrier composé de 12 mois et d'une durée totale de 365 jours. Il ajouta aussi cette règle: Tous les quatre ans, un jour sera ajouté à l'année

Il faut dire que ce changement ne s'est pas fait sans problème. César dut rajouter 90 jours à l'année en cours pour remettre les mois à la bonne place par rapport aux saisons! Ce n'est pas sans raison que cette année a été surnommée l'année de la confusion! Malgré tout, il s'agissait d'un net progrès sur les pratiques de l'époque.

Malgré le fait qu'il représentait une nette amélioration, le calendrier julien faisait que l'année était légèrement trop longue et provoquait un décalage d'une journée par 128 ans. Un petit décalage qui ne tarda pas à faire parler de lui.

La date de la fête de Pâques change tout le temps, car elle n'est pas basée sur un calendrier solaire comme le calendrier romain, mais sur un calendrier luni-solaire : le calendrier hébreu. À l'origine, les premiers chrétiens fêtaient Pâques, le jour de la Pâque juive, le 14 du mois de Nisan. Cependant, à Rome on avait pris l'habitude de fêter Pâques, le dimanche suivant.

Ce n'est que lors du premier Concile de Nicée en 325 que la question fut finalement résolue. Il a alors été décidé que Pâques ne serait jamais célébré en même temps que la Pâque juive, mais toujours après le 14 Nisan, le dimanche suivant la première Pleine Lune du printemps. Il est important de savoir que pour l'Église le printemps commence le 21 mars et la Pleine Lune est la Pleine Lune ecclésiastique. Suivant cette règle, Pâques ne peut être plus tôt que le 22 mars et plus tard que le 25 avril.

La distinction est importante, car l'équinoxe de printemps n'a pas lieu nécessairement le 21 mars et la pleine lune ecclésiastique n'est pas nécessairement à la même date que la pleine lune astronomique, car elle est déterminée à partir de tables qui ne tiennent pas compte de toute la complexité du mouvement lunaire. La différence peut être d'un ou deux jours en plus ou en moins avec la lune astronomique.C'est ainsi qu'en 1954, la pleine lune astronomique avait lieu le 18 avril à six heures; comme c'était un dimanche, Pâques aurait dû avoir lieu le 25; or, elle a eu lieu le 18, car la pleine lune ecclésiastique était le 17 avril. Ou encore, en 1962, la Pleine Lune astronomique eut lieu le 21 mars six heures après l'équinoxe du printemps et la Pleine Lune astronomique eut lieu le 20 mars avant l'équinoxe ecclésiastique. Pâques eut donc lieu le 18 avril au lieu du 22 mars.

C'est Dionysius Exiguus, Denys le Petit en français, qui établit le point de départ de notre calendrier actuel en compilant une table des dates de Pâques. Il disposait d'une table couvrant la période de 228 à 247 du règne de l'empereur Dioclétien. Dionysius prolongea les tables pour une période de 19 ans. Il indiqua qu'il s'agissait des années 532 à 550 Anno Domini Nostri Jesu Christi, année de Notre Seigneur Jésus Christ. Comme l'année 532 A.D. correspond à l'année 248 du règne de Doclétien, il était désormais possible de lier le nouveau système de mesure du temps à des événements historiques. Toutefois, les calculs historiques de Dionysius n'étaient pas très exacts et on situe aujourd'hui la date de naissance du Christ un peu avant 1 A.D.

C'est l'historien anglais du XIIIe siècle, Bede, qui commença le premier à compter les années avant 1 A.D. Dans ce système, l'année 1 A.D. est précédée de l'année 1 avant J.C., sans que l'année zéro intervienne. Ce système favorisant les erreurs, l'astronome français Jacques Cassini a introduit un système alternatif dans lequel l'année 1 avant J.-C. est l'année zéro. Toutefois, ce système n'est utilisé que pour les calculs astronomiques. Rigoureusement, il n'y a donc jamais eu d'année zéro!

Bien que choquante pour notre esprit moderne, l'absence d'année zéro était toute naturelle pour Dionysius Exiguus et Bede qui ignoraient l'existence même du chiffre zéro! En effet, dans le système des chiffres romains qui était en usage à leur époque il n'y avait pas de zéro. C'est au français Gerbert d'Aurillac (945-1003) que l'on doit  l'introduction des chiffres arabes en Europe. Ce moine s'initia aux mathématiques à l'astronomie et aux méthodes de calcul arabes lors d'un séjour qu'il effectua en Espagne de 967 à 970. Il fut par la suite élu pape en 999 sous le nom de Sylvestre II. La grande contribution de Gerbert est d'avoir modifié l'ancien abaque romain afin de profiter de la notation positionnelle. Cet abaque était constitué de plusieurs colonnes; sur lesquelles, on déplaçait jusqu'alors des pierres (calculi , d'où le mot calcul) pour effectuer les opérations mathématiques. Gerbert remplaça les calculi qui avaient une valeur unitaire, par des jetons numérotés de 1 à 9 nommés aspices ( apex au singulier). Gràce à ce progrès technique, les opérations mathématiques complexes comme la multiplication et la division ne représentaient plus des défis réservés aux spécialistes!

Toutefois, étant donné que le système d'abaque ne nécessitait pas de zéro. Il faudra attendre le XIIe siècle avant de le voir ressurgir. C'est ainsi que son Liber Abaci , le mathématicien Léonard de Pise dit Fibonacci (v. 1170 à v. 1250) lui donna le nom de zephirum, en provenance de l'arabe sifr (d'où vient aussi le mot chiffre). Ce mot se transforma en italien en zefiro et finalement en zéro.

Aujourd'hui, l'utilisation des tables lunaires et du calendrier grégoriens évite que les dates tabulées s'éloignent progressivement des dates astronomiques. Il n'en a toutefois pas toujours été ainsi. Dès le XIIIe siècle, il a été réalisé que la date de l'équinoxe du printemps dérivant lentement vers le début du mois de mars ce qui rapprochait la date de Pâques de la date de la Pâque juive. Lors du Ve concile du Latran, Copernic participa aux discussions sur la réforme du calendrier. Cependant, il recommanda de mieux mesurer la durée de l'année avant toute chose. En 1475, le pape Sixte IV demanda à Regiomontanus de réformer le calendrier. Malheureusement, ce dernier mourut l'année suivante. Ce n'est que beaucoup plus tard que l'astronome et médecin napolitain Ghiraldi reprit ses travaux.

Au XVIe siècle, la date de l'équinoxe s'était déplacée de 10 jours et la nouvelle lune astronomique se produisait 4 jours avant la nouvelle lune ecclésiastique. À la suite du Concile de Trente, le pape Pie V introduisit un nouveau Bréviaire en 1568 et un nouveau Missel en 1570 qui contenait des ajustements au système des années bissextiles et aux tables lunaires. Le pape Grégoire XIII qui succéda à Pie V ordonna une commission d'étudier la possibilité de réformer le calendrier, car il considérait le système de son prédécesseur comme inadéquat. Un des principaux instigateurs de nouveau calendrier fut le géomètre Christoph Clau, dit Clavius, qui expliqua les détails du nouveau système dans un livre publié en 1603 Romani Calendrii a Gregorio XIII.

Les recommandations de la commission ont été mises en place par la bulle papale "Inter Gravissimus", signée le 24 février 1582. Dix jours ont dû être retranchés du calendrier. Par conséquent, le 4 octobre 1582 a été suivi du 15 octobre 1582! L'équinoxe de printemps de 1583 se retrouvait de nouveau le 21 mars. L'abolition de ces dix jours ne se fit pas sans problème, car de nombreux travailleurs étaient payés journalièrement alors que les loyers étaient mensuels? De nouvelles tables lunaires furent introduites par la même occasion. Pour éviter que le problème se représente, on modifia la règle des années bissextiles qui avait été énoncée par Jules César: Chaque année exactement divisible par 4 sera une année bissextile, sauf pour les années exactement divisibles par 100; ces années seront bissextiles seulement si elles sont aussi divisibles par 400.

Beaucoup plus précise, cette formule entraîne qu'un jour de différence tous les 2500 ans!

Dans le calendrier grégorien, on peut utiliser l'algorithme suivant pour calculer la date de Pâques.

    s = a / 100

    n = a - 19 * ( a / 19 )

    k = ( s - 17 ) / 25

    i = s - s / 4 - ( s - k ) / 3 + 19 * n + 15

    i = i - 30 * ( i / 30 )

    i = i - ( i / 28 ) * ( 1 - ( i / 28 ) * ( 29 / ( i + 1 ) )

        * ( ( 21 - n ) / 11 ) )

    j = a + a / 4 + i + 2 - s + s / 4

    j = j - 7 * ( j / 7 )

    l = i - j

    m = 3 + ( l + 40 ) / 44

d = l + 28 - 31 * ( m / 4 )

 

a est l'année, m le mois et d le jour du mois. Tous les calculs sont entiers ainsi 10/3= 3. Suite à ces règles complexes, le 19 avril est la date ou Pâques tombe le plus souvent (3,87%) et le 22 mars, le moins souvent (0,48%). La complexité du calcul de la date de la fête de Pâque en fait le cycle astronomique le plus long existant : il faut 5,7 millions d'années pour que la même séquence de date de Pâques recommence. En pratique, cela veut dire qu'il n'y a pas véritablement de cycle, car l'orbite et la rotation de la Terre et de la Lune ne sont pas suffisamment stables sur des périodes aussi longues.

Cependant, ce changement a eu effet inattendu. En effet, dans le calendrier grégorien, il est possible que la Lune Pascale arrive quelques heures trop tôt. Dans ces conditions, la Pâques chrétienne se produit au même moment que la Pâque juive, contrairement aux dispositions du Concile de Nicée. La dernière fois que cela c'est produit c'est en 1825. Récemment, il a été proposé par le Conseil Oecuménique des églises que la date de Pâques soit désormais calculée directement à partir des observations astronomiques. Malheureusement, cette réforme, prévue pour 2001, n'a pas été mise en place.

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