L'espérance de vie au Canada est de 76 ans. C'est aussi ce qu'aura vécu Pluton comme planète du système solaire. Bien entendu, cette rétrogradation au rang de planète naine ne change rien physiquement aux immensités cosmiques. Mais elle nous fait prendre conscience que la science n'est pas juste une discipline qui ne s'intéresse qu'aux faits objectifs, mais aussi un outil d'interprétation du monde, de même qu'un terrain de bataille entre personnalités et idéologies.

Ainsi, il est regrettable de voir cette astre perdre son statut alors que la veuve de son découvreur est encore vivante. Clyde Tombaugh (1906-1997) s'est d'ailleurs battu toute sa vie afin d'éviter à sa planète de se voir déchoir de son titre de dernière planète, et frontière ultime, du système solaire.

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Certes, depuis la découverte et la multiplication des objets transneptuniens depuis une quinzaine d'années, dont certains comme Xena, sont aussi, sinon plus gros que Pluton, il devenait urgent d'établir une classification plus précise dans le bazar qui semble exister dans la ceinture de Kuiper. La question était d'autant plus importante que les astronomes ont commencé à répertorier plus d'une centaine d'exoplanètes, pour lesquelles il faudra également établir des typologies, sans doute en fonction de leur masse et de leur orbite.

L'Union astronomique internationale (UAI), à qui incombe d'établir la nomenclature des objets célestes, a donc décidé tout dernièrement, lors de son assemblée générale triennale tenue à Prague, de régler le sort de Pluton par des résolutions portant sur une nouvelle redéfinition de ce qu'est une planète.

Voici le résultat de leurs délibérations :

“ En conséquence, l'Union astronomique internationale (UAI) décide de répartir les planètes et les autres corps de notre Système solaire en trois catégories de la manière suivante :

1) Une planète est un corps céleste, qui

a) est en orbite autour du Soleil,

b) a une masse suffisante pour que sa gravité l'emporte sur les forces de cohésion du corps solide et le maintienne en équilibre hydrostatique, sous une forme presque sphérique,

c) a éliminé tout corps susceptible de se déplacer sur une orbite proche;

2) Une planète naine est un corps céleste, qui

a) est en orbite autour du Soleil,

b) a une masse suffisante pour que sa gravité l'emporte sur les forces de cohésion du corps solide et le maintienne en équilibre hydrostatique, sous une forme presque sphérique,

c) n'a pas éliminé tout corps susceptible de se déplacer sur une orbite proche,

d) n'est pas un satellite.

3) Tous les autres objets en orbite autour du Soleil, à l'exception des satellites, sont appelés petits corps du Système solaire. ”

Malheureusement pour Pluton, celle-ci croise l'orbite de Neptune et faillit donc à la règle 1c : elle n'est pas maître de son territoire ! Elle devient donc une planète naine, à l'instar d'objets transneptuniens tels que Xena et Cérès (qui sont suffisamment gros pour être sphériques).

La question de Pluton ne paraissait pas été très importante aux yeux des astronomes rassemblés à Prague. En effet, seulement 500 des 2500 astronomes présents au congrès ont voté. Mais, par contre, les journalistes ont suivi les délibérations avec intérêt car le débat a parfois été houleux. Pluton étant la seule planète découverte par un Américain, il semble que les astronomes européens n'ont eu aucune réticence à rétrograder Pluton. Mais il faut noter que plusieurs astronomes américains ont également voté dans le même sens. Une nette majorité des votes s'est opposée à Pluton.

Notons cependant que plus de 300 astronomes américains ont critiqué la décision de l'UAI et projettent d'organiser un colloque l'année prochaine pour revenir sur la question du statut de Pluton. Un blogue a d'ailleurs été mis sur pied pour “ sauver ” Pluton de son sort.

Cette correction d'un “ fait scientifique ” est pratique courante en science et ne devrait pas nous troubler outre mesure. Les livres scolaires doivent être réécrits régulièrement, bien que dans le domaine de l'astronomie, les rectifications se fassent surtout dans le domaine de la cosmologie plutôt que dans le système solaire, une arrière-cour que nous pensions mieux connaître. (Il est vrai que la planétologie a aussi beaucoup évolué depuis une trentaine d'années.)

La démotion de planète s'est déjà déroulé auparavant, par exemple dans le cas de l'astéroïde Cérès. Pourtant, il n'y avait pas eu d'émotion particulière à cette occasion car le grand public ne considérait pas cet astre comme une planète à part entière. Pluton, par contre, a eu le temps de s'infiltrer dans la culture populaire et dans nos présentations scolaires. Ainsi, Disney avait décidé de nommer le compagnon de Mickey du nom de cette planète.

Toutefois, certains astronomes craignent que cette démotion de Pluton n'affecte le soutien à des programmes de la NASA, tel que celui de la sonde New Horizons, lancée en janvier dernier, qui atteindra l'ex-planète en 2015. Espérons que ce ne soit pas le cas. Pluton, comme ultra limes du système solaire, possédait un attrait spécial pour les astronomes amateurs, qui s'essayaient à l'observer, et pour les auteurs de science-fiction, qui en faisaient un endroit spécial, presque une destination romantique pour les Amundsen et les Hilary du futur.

D'ici à ce qu'un astronaute de l'avenir pose le pied sur cet avant-poste du système-solaire, un visiteur d'exception accompagnera la sonde New Horizons lorsqu'elle survolera Pluton dans une dizaine d'années. À l'intérieur du pont supérieur de la sonde se trouve une petite boîte métallique contenant des cendres de Clyde Tombaugh, celui qui, le premier, jeta son regard sur cet astre lointain. À tout seigneur, tout honneur.

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