Et si le souvenir d’une vie antérieure était lié à une … mauvaise mémoire?

C’est du moins l’hypothèse qu’invite à considérer un intéressant article paru dans le dernier numéro de la revue Consciousness and Cognition (The false fame illusion in people with memories about a previous life, Mars 2007, pages 162-169) et signé par Maarten J.V. Peters, R. Horselenberg, M. Jelicic et H. Merckelbach, qui tous travaillent à l’Université Maastricht, aux Pays-Bas.

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Plus précisément, les auteurs sont partis de travaux antérieurs qui suggèrent que lorsque des personnes rapportent des souvenirs improbables et peu plausibles, elles ont tendance à commettre des erreurs dans le contrôle et l’évaluation de l’origine de leurs souvenirs — ce que les psychologues cognitifs appellent «source monitoring».

Pour donner une idée de ce dont il est question, considérez l’exemple suivant, que nous fournira ce brave Homer Simpson (et que je le reprends à l’excellent ouvrage de Blades, M. et Roberts, K.P., Children's Source Monitoring, Lawrence Erlbaum Associates, 2000.)

Un bon matin, Homère discute avec sa femme de son départ pour le travail et de la journée qu’il va y passer. Mais il est décidé à aller à la Taverne de Moe et à chaque phrase qu’il prononce à propos de son travail, il pense à ce qu’il veut réellement faire. Il n’en faut pas beaucoup pour mêler Homère et bientôt il répond à une question de Marge en parlant bière, taverne et ainsi de suite. Il se dit alors : «Doh! Est-ce que j’ai dit ça ou est-ce que je l’ai pensé?» Homère , ici, est en train de procéder à du «source monitoring», c’est-à-dire qu’il cherche à discriminer entre des souvenirs provenant de différentes sources d’information. Homère doit décider s’il a ou non prononcé les mots fatidiques dévoilant ses intentions de filer à la taverne. De fait, il les a prononcés et Marge va se charger de lui laisser savoir.

Revenons à notre article. Des travaux antérieurs ont montré les erreurs dans le contrôle et l’évaluation de l’origine de leurs souvenirs que commettent typiquement des personnes qui ont rapporté des souvenirs hautement improbables — comme d’avoir été enlevé par des extra-terrestres. Partant de là, les auteurs se sont cette fois penchés sur le cas de personnes rapportant se souvenir de vies antérieures. Ces personnes ont été comparées à un groupe témoin dans l’accomplissement d’une tâche de mémoire précise, celle du «paradigme de la fausse célébrité» (false fame paradigm). En un mot, voici comment on a procédé.

On demande d’abord aux participants, la première journée, de lire à haute voix une liste de nom de personnes inconnues. Le jour suivant, les participants reçoivent une liste de noms sur laquelle on trouve les noms des personnes inconnues de la veille, d’autres noms de personnes inconnues et des noms de personnes célèbres (des acteurs et actrices, écrivains et écrivaines , etc.). On demande aux participants de se prononcer sur la célébrité de chacune des personnes sur cette liste. Ce qu’on découvre typiquement, dans cette épreuve, c’est que les gens tendent à erronément donner pour célèbres les personnes non-célèbres dont ils ont vu le nom la journée auparavant — et donc à tenir leur familiarité avec un nom de personne non-célèbre pour un indice de la célébrité de cette personne.

Que se passes-t-il lorsqu’on fait passer un tel test à des gens qui ont rapporté des souvenirs d’une autre vie? Eh oui! Ces personnes ont une tendance plus forte (que le groupe témoin) à commettre l’erreur d’identifier comme célèbres les personnes non-célèbres aux noms familiers. En d’autres termes, ces personnes commettent une «source monitoring error», une erreur de jugement quant à la provenance d’un souvenir — cette source étant ici eux-mêmes ayant lu tel nom et non la célébrité de son porteur, ce qui expliquerait qu’ils l’ont rencontré. (Notons que les deux groupes de participants ne diffèrent pas en ce qui concerne la reconnaissance des nouveaux noms non-célèbres ou des noms célèbres figurant sur la deuxième liste.)

C’est là un résultat bien intéressant et à méditer. Il s’ajoute à de nombreux autres concernant la mémoire qui sont extrêmement utiles pour réfléchir non seulement à des phénomènes comme les enlèvements par extra-terrestres ou le prétendu souvenir de vies antérieures, mais aussi, et plus tragiquement, à la controverse sur la mémoire réprimée et retrouvée et ces «les guerres de la mémoire», pour reprendre une expression de Martin Gardner, qui ont affligé tant de gens et détruit bien des vies au cours des dernières décennies du XXème siècle.

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