La « reconnaissance maternelle de la gestation » est l'expression qui renvoie à la première de toutes les communications : celle de l’embryon avec sa mère. Elle représente le processus actif par lequel le petit informe qu’il est là, vivant, et que la fécondation a bel et bien réussi. Le premier défi d'un jeune embryon étant d'informer sa mère qu'elle est enceinte...

Être ou ne pas être?

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Cette question de reconnaissance de la gestation est demeurée longtemps une énigme pour les scientifiques. On sait aujourd’hui que différentes stratégies très distinctes se sont développées chez les divers groupes de mammifères.

Chez la plupart des espèces de mammifères, la femelle se reproduit selon un cycle bien précis : le cycle œstral. Ce cycle est souvent influencé par la luminosité durant l'année. Cette période entre deux ovulations est de 21 jours chez la jument. Le jeune embryon équin doit donc faire quelque chose afin d'empêcher sa mère de revenir dans son cycle!

Pourquoi? Parce que si sa mère revient dans son cycle l’utérus ne sera plus compatible avec le maintien de la gestation, et l’embryon va nécessairement mourir. L'efficacité de cette communication représente donc le premier combat de sa vie.

Les particularités du cheval...

Il existe plusieurs types de messages embryonnaires et de nombreux mécanismes demeurent encore inconnus. Je vais me concentrer, ici, sur les chevaux. L'espèce équine étant très particulière.

La capsule!

Une différence unique au cheval : l’embryon produit une mince capsule autour de lui qui grandit à mesure qu’il atteint 1 cm à 12 jours, 3 cm à 15 jours… Aussi, il ne s’implante pas dans la muqueuse (comme chez l’humain à 6-7 jours par exemple), mais agit très activement dans l’espace utérin au cours des premières semaines de vie.

En 1983, avec l’arrivée de l'échographie en médecine vétérinaire, on cherchait à étudier l’endroit où l’embryon se positionnait dans l’utérus au début de la gestation. C'était assez simple à expérimenter chez la jument, car on entre la sonde dans le colon au dessus de l’utérus et l’embryon (rond et plein de liquide) est très facilement identifiable; il est comme une bille noire sur l’image.

Or, on a tout de suite remarqué qu’entre 13 et 15 jours l’embryon de cheval se promène jusqu’à 20 fois par jour d'une extrémité à l'autre de l'utérus. Surpris, on s’est demandé : « Mais, pourquoi se déplace-t-il ainsi? »

Sauver sa vie!

On avait alors soulevé l’hypothèse que l’embryon se déplace à cause des manipulations transrectales de l’utérus qui stimulent les muscles de la paroi utérine amenant des contractions réflexes des muscles lisses qui induisent le déplacement de l’embryon. L’expérience fut alors reprise en portant une grande attention à ne pas toucher l’utérus; or, effectivement, il se déplace beaucoup. Nous supposons qu’il se déplace pour assurer sa propre survie.

La mère doit produire la progestérone

Chez beaucoup d’espèces, une simple mesure de la progestérone dans le sang ou l'urine de la mère nous assure la présence d’un fœtus vivant. Le projet primordial de l’embryon est donc de s’assurer que de la progestérone soit produite par sa mère en grande quantité.

Qu’est-ce qui produit la progestérone?

C’est le corps jaune qui produit la progestérone! On le nomme ainsi parce qu’il est vraiment jaune à l’œil nu. Le corps jaune est la structure qui se développe dans l’ovaire à l’endroit où l’oeuf évoluait avant d’être ovulé dans l’utérus. Les cellules qui entouraient l’ovule deviennent ainsi des « usines à progestérone » jusqu’à ce que l’embryon montre sa présence, jusqu'à ce que s'établisse la reconnaissance maternelle de la gestation.

Qu’est-ce qui menace le jeune embryon?

La recherche sur les phénomènes en jeu dans le cycle œstral a montré chez la jument que c’est l’utérus lui-même qui détruit le corps jaune en envoyant, dans les veines qui le relient à l’ovaire, une substance destructrice appelée : la prostaglandine F2 alpha (PGF-2α). Cette hormone, très impliquée dans de nombreuses fonctions physiologiques, s’appelle ainsi depuis sa découverte en premier dans la glande prostate.

Cette PGF-2α se trouve donc être l’ennemi no.1 du jeune embryon de cheval. C’est entre l’âge de 13 et 19 jours que l'embryon équin doit agir sans relâche pour combattre les effets de cette hormone. Comment? Là se trouve toute l’originalité du mécanisme. L’hypothèse la plus plausible veut que l’embryon se déplace pour faire en sorte de stimuler le relâchement, à petites doses, des réserves de PGF-2α qui se trouvent dans les cellules utérines.

Qu'est-ce que l'embryon équin produit pour se défendre?

En provoquant lui-même les contractions des muscles qui se trouvent au-dessus de lui, par l'action possible de catéchol-oestrogènes (œstrogènes à action catécholamine qui agissent sur les muscles lisses), l'embryon équin, capable de produire de grandes quantitées d'œstradiol 17-beta, agirait lui-même pour vider les réserves de PGF-2α. Il est démontré chez la jument, durant cette période, que l'œstradiol 17-beta stimule la relâche des PGF-2α.

L’embryon équin désarme lentement son ennemi

Chez la jument, vers 18-19 jours, s'il n'y a pas d'embryon, il y a relâche de pics de prostaglandines dans le sang par les cellules de l'utérus (substance qui se rend vers l'ovaire), détruisant le corps jaune et ramenant la jument à l'œstrus à 21 jours. Par contre, s'il y a un embryon vivant, ce dernier synthétise des hormones qui visent deux actions. L'une pour le propulser partout en stimulant la contraction des muscles qui l'entourent et l'autre qui fait relâcher les prostaglandines continuellement. Cela afin d'éviter la destruction du corps jaune.

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