Outre la réalisation de magnifiques images de l'Antarctique et la volonté évidente de nous sensibiliser aux conséquences du réchauffement climatique, l'expédition hivernale du SEDNA IV dans les glaces du " Dernier Continent" (film présenté par J. Lemire) n'a pas fini de nous étonner et de nous en apprendre.

Lors de son hivernage en Antarctique, le SEDNA IV comptait à son bord, deux océanographes de l'Institut des sciences de la mer de Rimouski (ISMER, Québec, Canada), Damian Lopez et Sébastien Roy, en charge d'explorer les effets du réchauffement climatique sur les organismes microscopiques vivant dans les eaux polaires. Cette expédition dans les mers australes constituait la première étape d'un projet de recherche beaucoup plus vaste, qui se terminera en 2009. Les 1000 prélèvements d'eau et analyses physico-chimiques réalisées, nous permettrons de caractériser l'évolution des organismes planctoniques vivant en suspension dans la colonne d'eau durant la période hivernale ainsi qu'au début du printemps (période de production majeure pour ces organismes).

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

Mais pourquoi partir pendant neuf mois sur un voilier, en plein hiver, pour étudier ces organismes me direz-vous ?

Bien qu'ils soient moins médiatiques et moins photogéniques que les manchots, baleines et autres phoques léopard, ces microorganismes sont toutefois des acteurs essentiels pour l'équilibre de notre planète via leur participation à la "pompe biologique à CO2".

C'est quoi au juste la "pompe biologique à CO2" ?

Elle représente la production de matière vivante, par le biais de la photosynthèse, effectuée par les algues microscopiques (phytoplancton) vivant dans les eaux de surface des océans. Cette production, comme dans le cas des plantes terrestres, nécessite l'utilisation de CO2. Cette consommation de CO2 dans les océans, entraîne une diminution dans la pression partielle de CO2 dissous dans l'eau qui est compensée par l'absorption d'une quantité équivalente de CO2 dans l'atmosphère. Par unité de biomasse, le milieu océanique est jusqu’à 100 fois plus efficace que les milieux terrestres dans la capture du CO2 atmosphérique, un gaz à effet de serre reconnu. Ainsi en période de productivité phytoplanctonique les océans se comportent comme des "puits" de carbone.

Ce phytoplancton nouvellement formé peut avoir plusieurs devenirs :

- être consommé par des organismes planctoniques herbivores (zooplancton) puis par des animaux de plus grande taille et ainsi constituer le premier maillon de la chaîne alimentaire marine.

- sédimenter dans les profondeurs océaniques sous forme de détritus (cellules mortes, pelotes fécales d'organismes de plus grande taille) qui seront par la suite reminéralisés en particules nutritives par l'action des bactéries via la respiration (production de CO2)

Aujourd'hui tout le monde reconnaît le fait que les activités humaines induisent une accumulation importante et préoccupante de gaz à effet de serre, dont le CO2, dans l’atmosphère. La rapidité avec laquelle nous produisons ces gaz est d'autant plus inquiétante que nous continuons à couper les forêts, véritables poumons de notre planète.

Mais le phytoplancton dans tout ça ?

L'augmentation de température atmosphérique, en réponse à la hausse rapide des concentrations de gaz à effet de serre, a également des effets indirects sur l’écosystème océanique en induisant un réchauffement des eaux de surface. Celle-ci, combinée à la hausse du rayonnement ultraviolet induit par l'existence d'un trou dans la couche d'ozone, risque d'affecter la biologie du phytoplancton. Dans les milieux polaires, ces organismes adaptés aux eaux froides, risquent de souffrir d'un coup de chaleur et d’être de plus en plus exposés aux effets hautement dommageables des radiations ultraviolettes (mutation, mort cellulaire). Ces modifications environnementales pourraient entraîner une baisse importante de l'efficacité de la « pompe biologique à CO2 » et dans le pire des scénarios, transformer ce puits de carbone en source de carbone par l'augmentation de la respiration des organismes incapables de faire de la photosynthèse.

C'est dans le but de mettre en évidence les effets des radiations UV et d'une variation de température des eaux de surface sur les microorganismes polaires qu'un projet de recherche international sous la responsabilité de l’ISMER et de l’Université du Québec à Rimouski en collaboration avec l’Instituto Antártico Argentino (IAA, Argentina) et l’Université de Victoria (Colombie-Britannique, Canada) a vu le jour en 2006. Le soutien financier pour ce programme de recherche a été octroyé par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), Développement économique Canada (DEC), le ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation du Québec (MDEIE) et la Dirección nacional del Antártico (DNA, ministerio de Relaciones exteriores, Comercio internacional y Culto, República Argentina).

Les autres étapes de ce projet vous seront présentées dans des billets à venir …

Ce travail de recherche qui implique de nombreux chercheurs, techniciens et étudiants, nous permettra d’obtenir des données factuelles sur les conséquences des changements climatiques au niveau des premiers maillons de la chaîne alimentaire marine. Outre un intérêt purement scientifique, elles serviront à informer les instances politiques ainsi que le grand public des modifications en cours de notre environnement et à soutenir d'éventuelles décisions à grande échelle…telle l'implantation d'une bourse du Carbone….

Je donne