Il y a environ 12000 ans, le retrait du glacier qui recouvrait l'Amérique du Nord a entraîné la formation d'un énorme lac glaciaire, le lac Agassiz-Ojibway, un lac imposant contenant 15 fois le volume actuel du lac Supérieur, qui s'étendait alors du Québec au Saskatchewan. Sa vidange il y a 8470 ans dans le système de la Baie d'Hudson aurait eu une incidence climatique majeure sur la déglaciation du continent américain ainsi que sur le refroidissement du continent européen. Les climatologues appellent ceci "l'événement froid à 8 200 ans", événement ayant inspiré les réalisateurs du film "Le jour d'après".
Deux chercheurs québécois, Patrick Lajeunesse, professeur au Département de géographie de l'Université Laval et Guillaume St-Onge, professeur à l'Institut des sciences de la mer de Rimouski, viennent de lever le voile sur les circonstances de cette catastrophique vidange.

Bien que d'autres chercheurs avant eux aient confirmé l'existence de ce lac et défini sa date de vidange, les raisons exactes et le déroulement de cette débâcle restaient jusqu'alors hypothétiques. L'une des hypothèses les plus courantes voulait qu'une brèche se soit formée dans le barrage de glace, suite à un réchauffement climatique, et ait permis à l’eau du lac Agassiz-Ojibway de se déverser progressivement dans la baie d’Hudson sur plusieurs centaines d'années.

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Après l'analyse de plusieurs carottes de sédiments et 10 500 kilomètres de données géophysiques recueillies à bord du NGCC Amundsen dans le cadre du projet ArcticNet, cette hypothèse vient tout juste d'être invalidée par les travaux des professeurs Patrick Lajeunesse et Guillaume St-Onge, dans un article intitulé The subglacial origin of the Lake Agassiz-Ojibway final outburst flood publié dans la revue Nature Geoscience du 24 février 2008. Les images des fond marins, recueillies à l'aide d'un sondeur multifaisceaux, ont permis de mettre en évidence des formes sous-marines spectaculaires sur le fond de la baie et du détroit d’Hudson, des cicatrices témoignant du passage d'icebergs et des dunes sédimentaires, de plus de 3m de hauteur pour certaines. L'orientation des ces cicatrices témoigne de l'existence passée d'une très fort courant directionnel (estimé à 5 millions de m³/s), suggérant non pas une vidange progressive mais une vidange catastrophique du lac.

De plus, l'observation de deux couches de sédiments rouges (red-beds) rapprochées (typique de grandes crues) dans les carottes sédimentaires analysés laisse à penser que le lac Agassiz-Ojibway se serait vidé en une année ou en quelques années tout au plus. La gigantesque masse d’eau douce glaciale ainsi libérée aurait fortement ralenti la circulation océanique qui tempère les climats en évacuant la chaleur de la zone intertropicale vers le nord de l'Europe, d'où cette mini-glaciation dans l'Atlantique nord qui aurait contribué à une baisse de température d’environ cinq degrés observée dans le nord de l’Europe lors de "l'événement froid à 8 200 ans".

Cette étude nous démontre clairement qu'un fort apport d'eau douce dans les milieux océaniques, aussi local soit-il, peut avoir des effets climatiques sur l'ensemble du globe. Que penser alors des effets du réchauffement actuel et de la fonte des glaces sur notre futur climat ?

sites complémentaires : carottier à piston

Conséquences du réchauffement climatique sur la circulation océanique

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