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On connaît tous Albert Einstein, le plus grand physicien du XXe siècle et un des plus grands esprits de tous les temps. On connaît bien également, pour avoir souffert à cause de lui dans nos cours de physique de secondaire, l'illustre Isaac Newton. Mais qu'en est-il des autres grands physiciens qui ont construit, grâce à leur intelligence, leur perspicacité et leur travail, le monde que nous connaissons aujourd'hui?

Pour la plupart, ils sont ignorés. Si Marcel Proust (1871-1922), Igor Stravinski (1882-1971) et Pablo Picasso (1881-1973) font encore partie de notre culture, qui connaît le nom de Niels Bohr (1885-1962), un physicien qui a pourtant révolutionné la physique d'une manière bien plus profonde que Proust, la littérature et Picasso, la peinture?

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La vie et la carrière de Niels Bohr sont justement le sujet du dernier numéro de la série Les génies de la science, publié par la revue Pour la science, une série que je vous recommande fortement. Tout d'abord, seulement 4 numéros par année sont publiés, et puis, le dossier principal offre une perspective qu'on voit rarement sur les grands scientifiques.

Ce numéro sur Niels Bohr est fascinant, car il replace les contributions de ce physicien dans son contexte historique, ce qui nous permet de mieux comprendre la place qu'il occupe dans la physique contemporaine.

Les 15 premières années du XXe siècle représentent une époque charnière en physique : la mort de la physique classique et la naissance de la relativité et de la mécanique quantique, les deux grandes théories qui demeurent, 100 ans plus tard, les piliers sur lesquels la science moderne est construite. La richesse de ces deux théories est telle que les dizaines de milliers de physiciens qui se sont succédé depuis se sont contentés d'explorer les conséquences de celles-ci! Si Albert Einstein a jeté, presque seul, les bases de la relativité restreinte et générale, Niels Bohr a joué un rôle central dans le développement de l'autre grande théorie — la physique quantique, un rôle beaucoup plus effacé, toutefois, qui l'a gardé loin du grand public.

Puisque le sujet est vaste, je le traiterai sur deux (ou trois) billets commençant, aujourd'hui, par discuter de l'état de la physique en ce début du vingtième siècle.

En 1900, le physicien allemand Max Planck explique un phénomène physique qui avait préoccupé les physiciens depuis sa découverte en 1859 : le rayonnement du corps noir. Tout objet émet de la lumière, même placé dans le noir. Or, la nature de cette lumière — le spectre d'émission — ne change pas avec la composition chimique de l'objet, mais dépend seulement de sa température. À 20 degrés Celsius, par exemple, un objet émet dans l'infrarouge, ce qui fait qu'il est invisible, sauf avec une caméra sensible à ces rayons. Si on chauffe, le spectre s'élargit et la lumière émise devient visible, c'est le cas, par exemple, du fer chauffé à blanc ou des étoiles qui émettent aussi de la lumière dans l'ultraviolet. L'explication de ce phénomène étrange occupa de nombreux physiciens qui ne parvinrent pas à prédire le changement du spectre d'émission en fonction de la température à l'aide de la théorie classique dont un des principes de base est la continuité de l'espace. Brisant avec cette tradition, Planck introduit le concept de quantas, de discontinuité des états d'énergie : un objet n'émet pas de la lumière selon un spectre continu, mais de manière discontinue : la lumière est émise à des fréquences qui sont toutes un multiple entier d'une fréquence de base donnée par une constante universelle, appelée h ou constante de Planck. Mais Planck n'est pas un révolutionnaire. Il affirme, dès le début, que cette hypothèse discrète est un acte désespéré qu'il compte bien corriger dès qu'il le pourra.

La jeune garde pousse toutefois et en 1905, Albert Einstein utilise ce concept pour expliquer l'effet photoélectrique, posant que la lumière n'est pas qu'une onde, mais qu'elle est composée de particules discrètes, les photons. L'hypothèse de Planck, présentée initialement comme une astuce mathématique, avait acquis une signification physique, ce qui perturba de nombreux physiciens.

Ceux-ci ne s'attardèrent toutefois pas bien longtemps à l'effet photoélectrique. Ils avaient devant eux un problème bien plus important : comprendre la nature de l'atome. Car l'atome, longtemps considéré comme un objet indivisible et utile seulement aux chimistes, faisait une entrée remarquée en physique. Mais cette histoire est pour le prochain billet...

Désolé pour mon rythme ralenti sur ce blogue. Je dois dire que la publication de mon livre à un moment où le prix du pétrole explose m'a attiré des tonnes d'entrevues, ce qui me laisse beaucoup moins de temps pour rédiger mes billets. Mais je vais faire de mon mieux.

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