Les crises économiques ne sont pas perçues comme un phénomène négatif par tous les partisans du libre-marché. Pour certains, elles sont l'occasion d'éliminer sans trop de ménagement « les plus faibles » et de revoir les stratégies et processus de production en vue de se remettre en position concurrentielle au moment de la reprise. Ce qui exige évidemment de la recherche dans une économie du savoir : il faut donc s'attendre à ce que la plus grande crise depuis les années '30 ait des répercussions importantes sur les orientations de l'université.

Or, depuis les années '90, on assiste à une subordination croissante de la recherche universitaire aux intérêts de l'entreprise privée laquelle, on s'en doute bien, poursuit généralement des objectifs de rentabilité à court terme. Les administrateurs universitaires ont par ailleurs calqué leur façon de gérer sur le secteur privé avec qui de plus en plus de chercheurs n'ont plus le choix, suite au désinvestissement de l'État, de s'engager dans des formules de partenariats qui ne favorisent guère la recherche fondamentale ni l'exploration de problématiques sociales telles la pauvreté, le logement social, l'éducation, etc.

Certains ont pu espérer, suite à l'échec retentissant de l'idéologie néolibérale du laisser-faire, à un retour aux théories de Keynes et à l'interventionnisme d'État. Mais ce serait oublier que ce sont encore les grands commis du libéralisme économique qui tirent les ficelles politiques et que leurs recettes de sortie de crise (par exemple la baisse des impôts) tendent à réduire encore plus le rôle de l'État. Loin de favoriser un refinancement public de la recherche universitaire et une plus grande autonomie pour celle-ci, il se pourrait qu'on assiste à une plus forte instrumentalisation des institutions de haut savoir pour les besoins de relance des entreprises.

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

C'est du moins la crainte qu'exprime la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université (FQPPU) dans une lettre au gouvernement québécois dont le journal Le Devoir du 6 janvier a fait état. La FQPPU demande aux libéraux de Jean Charest de «résister à la tentation de cristalliser des problèmes, voire d'en générer, en négligeant d'assurer un financement adéquat pour les universités et en leur imposant des pratiques de gouvernance allant à l'encontre de leur autonomie et des conditions nécessaires à l'accomplissement de leurs missions». Elle s'oppose à la réduction du rôle des universités à celui de pourvoyeur de savoirs utilitaires et d'outils de développement économique, ainsi qu'à la place croissante donnée aux représentants « externes » provenant de plus en plus du milieu des affaires.

La position de la FQPPU s'appuie, notamment, sur un rapport de recherche préparé par Amélie Descheneau-Guay et disponible sur le site Web du regroupement sous le titre Démystifier la gouvernance universitaire dans une « économie du savoir » : les discours de légitimation de la restructuration managériale de l’université.

Je donne