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Dans les communautés scientifiques et juridiques, le système des brevets occupe bien souvent une place de choix dans les discussions. Utilisé par plusieurs, boycotté par d’autres ou alors tout simplement incompris, le brevet peut à la fois être une grande source d’enrichissement et de maux de tête. Malgré la disparité des valeurs véhiculées par les différents milieux professionnels et les petites discordes sur des aspects techniques de la loi (qui se rendre parfois jusqu’en Cours Suprême), il n’en reste pas moins que la philosophie utilitariste derrière le système est assez bien acceptée dans le monde occidental. Ce n’est incontestablement pas le cas pour la grande majorité des peuples autochtones qui sont parfois victime de biopiraterie.

Qu'est-ce que la biopiraterie? Ce terme désigne de manière générale l’appropriation, par les pays développés et leurs les entreprises multinationales, des ressources biologiques et génétiques d’un pays en voie de développement essentiellement pour des fins commerciales. Cette définition, volontairement écrite de manière très large, englobe l’ensemble des projets de recherches entrepris par les scientifiques dans les communautés autochtones.

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Utilisons donc un exemple pour illustrer le propos : en 1995, l'Université du Wisconsin dépose quatre demandes de brevets pour une molécule désignée sous le nom de « Brazzeine ». Cette protéine, qui est un puissant édulcorant, provient de la Pentadiplandra brazzeana, plante qui a été découverte suite à un projet de bioprospection dans les forêts gabonaises. Il faut dire que plusieurs villages gabonais cultivaient déjà cette plante depuis maintes générations et en connaissaient ses propriétés bien avant que l’équipe de recherche américaine ne s’y intéresse. Naturellement, suite aux demandes, les brevets ont été octroyés pour « l’invention » de la molécule et ceux-ci ont rapporté des sommes colossales à leur détenteur. La population gabonaise n’a malheureusement pas pu toucher le moindre sou de tous les bénéfices qui ont été générés à partir de leur savoir traditionnel.

Le problème c’est que tout le système des brevets a été bâti pour s’appliquer dans des sociétés foncièrement individualistes et non dans les sociétés communautaristes. Dans un contexte où le terme « richesse » rime avec celui de « droits à la propriété », le brevet trouve facilement sa place somme source de valeur. La situation devient beaucoup plus complexe lorsque l’on fait affaire avec une société où le concept fondamental de propriété est tout simplement inexistant, comme dans la plupart des communautés autochtones. Il y a donc un fossé idéologique qui sépare les peuples occidentaux des peuples autochtones.

Malheureusement, la marginalisation des peuples autochtones et les différences de leurs systèmes d’éducation contribuent à élargir ce fossé. Ne comprenant pas les règles du jeu, les autochtones se retrouvent toujours en position de faiblesse et se sentent exploitées. En fait, la situation est très similaire à une partie de Monopoly opposant un enfant à un adulte. L’enfant qui comprend très bien le concept de l’argent, mais qui ne connait pas les règles du jeu doit entièrement se fier à ce que lui dit l’adulte. Inéluctablement, il arrivera que celui-ci ait l’impression que les règles sont inventées au fur et à mesure pour le tromper, même si ce n’est pas le cas.

Dans le but de remédier à la situation, certaines négociations ont déjà été entamées à l’OMPI avec les représentants des groupes autochtones. Ces négociations ont pour but d’intégrer des règles de protection au système déjà en vigueur afin de le rendre plus juste pour les groupes autochtones. Ces mesures de protection pourraient donc permettre aux Autochtones d’obtenir des droits sur leur savoir traditionnel. Ce genre de mesures, bien qu’elles ne fassent pas l’unanimité, pourraient rétablir un certain équilibre dans le rapport de force entre les industriels et les membres des premières nations.

Ces mesures législatives constituent certes un pas dans la bonne direction, elles ne permettront pas de résoudre toutes les situations conflictuelles. C’est pourquoi les communautés autochtones et les industriels doivent s’investir dans des programmes de médiation culturelle. Ces programmes permettraient de mettre en place des programmes de coopération de recherche où les intérêts de chacun seraient tenus en considération.

Guillaume Lachance

Souce: http://www.association4d.org/IMG/pdf/Aubertin_biopiraterie.pdf

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