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Or donc, AOL paiera 315 millions$ pour devenir propriétaire du Huffington Post. Une consécration pour les défenseurs des « nouveaux médias » : après toutes ces années, diront-ils, ceux-ci sont enfin reconnus à leur juste valeur. Malheureusement, si c’est là le modèle d’affaires du futur, l’obscurité nous attend.

Le problème réside dans le contenu offert par le Huffington Post. Depuis sa naissance en 2005, il a ouvert ses portes maintes et maintes fois à des auteurs anti-vaccination, sans se préoccuper des erreurs factuelles. Il a été le théâtre d’articles faisant l’éloge du créationnisme (saviez-vous que le succès d’Hitler était de la faute à Darwin?), d’essais affirmant que les antibiotiques causent le cancer, vantant la guérison par imposition des mains (par téléphone), en passant par les inévitables éloges de la naturopathie ou de l’homéopathie. Parfois, ces articles sont écrits par des vedettes —Jim Carrey, Jenny McCarthy, Robert Kennedy Jr— et leur statut de vedette a beaucoup plus d’importance aux yeux du Huffington Post que la véracité des faits. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est leur ligne éditoriale.

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Ne nous voilons pas les yeux, ça marche. Comme le résume ce blogueur indigné, à propos de la fondatrice :

Elle a peut-être des croyances idiotes à propos de la science, mais cela ne l’empêche pas d’avoir le chic pour donner aux gens ce qu’ils veulent et attirer des visiteurs.

C’est même le secret du succès d’Arianna Huffington, consacrée cette semaine, grâce à cette acquisition par AOL, « la Oprah Winfrey des nouveaux médias ». Son secret tient en trois ingrédients : des vedettes, des auteurs qui ont une cause... et tout contenu gratuit est bon à prendre.

Oubliez les journalistes qui font de l’enquête rigoureuse pendant des semaines, ça coûterait trop cher. On veut du « contenu », peu importe sa qualité —le nombre d’erreurs factuelles relevées dans les articles mentionnés ci-haut est effarant. L'important est qu’il attire un maximum d’attention pour le moins cher possible.

En tête de liste : le contenu que le HP ramasse dans les autres médias (gratuitement). Et les militants d’une cause (bénévoles). Ces derniers sont présentés par Tim Rutten, du Los Angeles Times :

L’essentiel du contenu du site est fourni par des commentateurs qui travaillent pour rien, sinon l’opportunité de mettre en valeur les causes ou les idées auxquelles ils sont dévoués.

Auxquels s’ajoute des journalistes pigistes qui, eux, sont payés, mais moins cher qu’ailleurs (où ils ne sont déjà pas payés cher).

C’est une évolution qui est certainement malsaine pour la profession journalistique : car à présent, d’autres entrepreneurs pourront dire si ça marche avec Arianna Huffington, pourquoi pas moi? En fait, AOL s’y est reconnu, parce que la formule qu’il emploie dans son réseau de nouvelles hyper-locales ( Patch ) est la même, aurait reconnu candidement le PDG d’AOL, Tim Armstrong : toutes les histoires doivent être évaluées en fonction de leur potentiel de rentabilité. Et les journalistes d’AOL doivent produire « cinq à 10 nouvelles par jour ».

Je ne suis pas sûr que ce soit une évolution très saine pour les blogueurs non plus. Parce que pour ceux d'entre eux (pas tous) qui espèrent être payés un jour pour leur boulot, ce n’est apparemment pas de ce « modèle d’affaires » que ça va venir.

Mais une chose est sûre, ce n’est pas une évolution saine pour l’information scientifique. Parce qu’à ce petit jeu, il sera toujours plus facile de trouver comme blogueur un militant férocement anti-vaccination qui a beaucoup de temps à sa disposition, qu’un chercheur en santé publique.

Je donne