capture_decran_2011-04-04_a_2.19.06_.png
Les techniques analytiques sont telles qu’il est désormais possible de détecter et d’identifier des quantités infimes d’une substance. Malgré cela, le résultat d’une investigation demeure à la merci du facteur humain. L’Affaire Stallings démontre que cela peut avoir des conséquences tragiques.

Le 7 juillet 1989, la vie de Patricia Stallings prend un tournant tragique. Après avoir donné le biberon à son bébé de trois mois, Ryan, ce dernier en vomit immédiatement le contenu. Pendant deux jours, il est incapable de garder toute nourriture. Léthargique, le bambin respire difficilement. Admis d’urgence à l’hôpital, il est soumis à des tests à l’issue desquels on dénote la présence sanguine de glycol d’éthylène, principale composante de l’antigel. Incapable d’expliquer l’origine du poison, Patricia Stallings est alors soupçonnée de souffrir du syndrome de Munchausen et d’avoir empoisonné son fils. Ce dernier lui est alors retiré et confié à une famille d’accueil. La mère est autorisée à nourrir son fils, sous supervision.

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

Huit semaines plus tard, après que Patricia Stallings ait donné le biberon à son fils, l’état de ce dernier, qui s’était jusqu’alors amélioré, se dégrade de nouveau. Ryan est amené d’urgence à l’hôpital, mais, en dépit de tous les efforts déployés pour le sauver, il meurt. Les tests de deux laboratoires révèlent la présence de glycol d’éthylène dans le sang du bambin et dans le biberon ayant servi à le nourrir. Patricia Stallings est arrêtée et accusée du meurtre de son fils.

Enceinte au moment de son arrestation, Patricia Stallings donne naissance à un deuxième fils, David. Alors emprisonnée, elle est forcée de confier l’enfant à une famille d’accueil. Très rapidement, ce dernier développe les mêmes symptômes que ceux affligeant son frère. David est alors soumis à des examens plus approfondis. Au lieu d’empoisonnement au glycol d’éthylène, les tests démontrent que David souffre d’une rare maladie génétique, l’acidémie méthylmalonique (AMM).

Touchant environ un nouveau-né sur 50 000, l’AMM découle d’une carence au niveau de l’enzyme qui dégrade l’acide méthylmalonique, un métabolite de différents acides aminés. L’accumulation d’acide qui en résulte donne lieu à une variété de symptômes similaires à ceux de l’empoisonnement au glycol d’éthylène. Malgré cela, le juge au procès de Patricia Stallings refuse que son avocat justifie le décès de Ryan par l’AMM. Selon lui, même s’il est possible que l’enfant ait été atteint de maladie, les tests ont néanmoins détecté la présence d’antigel. En janvier 1991, Patricia Stallings est condamnée à la prison à vie pour le meurtre de son enfant.

La série télévisée américaine Unsolved Mysteries en fait le sujet de l’une de ses émissions, que visionnent deux chercheurs du Département de génétique de l’Université de St Louis, les professeurs Shoemaker et Sky. Ces derniers s’étonnent que Patricia Stallings donne naissance à un deuxième enfant présentant les mêmes symptômes. Après avoir communiqué avec les autorités, on leur accorde la permission d’offrir une contre-expertise sur un échantillon du sang de Ryan.

Coup de théâtre! Les analystes ayant mené les tests sanguins permettant de croire à la « culpabilité » de Patricia Stallings avaient commis une erreur impardonnable en n’utilisant pour seule technique celle de la séparation de chromatographie en phase gazeuse, et assignant au glycol d’éthylène les pics observés sur les graphes obtenus. En fait, ceux-ci étaient causés par l’acide propionique, un des produits de dégradation de l’acide méthylmalonique. Les professeurs Shoemaker et Sly ont quant à eux utilisé la technique recommandée, soit la spectrométrie de masse. À l’issue de ce test, qui précise la composition exacte d’un mélange, on confirma l’absence d’éthylène glycol et, du même coup, la présence d’acide propionique.

Le 20 septembre 1991, les accusations portées contre Patricia Stallings sont retirées dans leur totalité. Le calvaire de la jeune femme aura donc duré plus de deux ans. Bien que son séjour en prison ait indiscutablement été une véritable injustice, la plus grande tragédie que cette femme ait dû endurer est le décès de son fils, lequel aurait pu être évité si les laboratoires n’avaient pas commis cette erreur impardonnable. Diagnostiquée à temps, l’AMM peut être contrôlée grâce à un régime alimentaire qui limite l’apport de certains acides aminés. Dès sa sortie de prison, Patricia Stallings a poursuivi les deux laboratoires ainsi que l’hôpital. L’on rapporte que l’entente à l’amiable lui donna droit à une compensation de six millions de dollars. S’il est vrai que la justice a triomphé, la chance et le hasard, dans ce cas, ont tous deux joué un rôle important. Patricia Stallings donna naissance à un deuxième enfant à son tour atteint d’AMM; au sein d’une même famille, les probabilités que deux enfants soient atteints de la maladie s’élèvent à une sur quatre. Et deux experts en dépistage génétique ont regardé la télévision au bon moment. _______________________________________________________________________________________________________ LES MANCHETTES SCIENTIFIQUES d’Ariel Fenster L’Organisation pour la science et la société de l’Université McGill présente des capsules sur des sujets défrayant l’actualité scientifique. Plus de renseignements sur ces sujets, ou d’autres d’intérêt général, sont disponibles en communiquant avec Ariel Fenster.

Professeur Ariel Fenster Organisation pour la science et la société de l’Université McGill 514 398-2618

Je donne