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Salade, salsa, salami, une facture salée, le sel de la terre, autant de mots et d'expressions qui doivent leur origine au sel.

Dans la Rome antique, les légionnaires recevaient régulièrement un salarium afin d’acheter leur ration de sel. Aujourd'hui, on reçoit un salaire. Signe de l'importance du sel, la croyance veut qu’en renverser porte malchance. Cette superstition est illustrée dans La Cène de Léonard de Vinci, où l'on voit une salière renversée devant Judas. Une autre croyance veut qu’en jetant une pincée de sel par- dessus son épaule, l’on éloigne les mauvais esprits. Les grains de sel, en se logeant dans leurs yeux, les empêchent de compléter leur basse besogne. Utilisé par les autorités comme une source de revenu, le sel a façonné l'histoire. La gabelle, une taxe honnie sur le sel, a été l’un des facteurs déclencheurs de la Révolution française. L’une des premières actions de Gandhi ayant mené à l'indépendance de l'Inde à été sa marche de 300 kilomètres vers la mer pour protester contre l’imposition par les autorités britanniques d’une taxe sur le sel.

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Les propriétés du sel – ou chlorure de sodium (NaCl) – expliquent sa popularité au fil de l'histoire. Il s’agit d’un agent de conservation hors pair. Quand les microorganismes nocifs baignent dans une solution concentrée en sel, l'eau que contiennent ces derniers en est expulsée. Ce processus d'osmose déshydrate les microorganismes et les détruit. C'est pourquoi une méthode traditionnelle de prévention de l’infection consiste à mettre du sel sur la plaie, une méthode de prévention efficace mais douloureuse.

Notre goût inné pour le sel vient probablement du fait qu'il est essentiel à la santé. Sans sel, ou surtout sans le sodium qu’il contient, les cellules de notre système nerveux ne pourraient pas transmettre les impulsions électriques et nos fluides seraient en déséquilibre. La saveur salée, avec l'amer, l'acide et le sucré, est l’une des quatre saveurs fondamentales et il est dit que « ...le sel donne mauvais goût aux aliments dont il est absent ». Le sel est aussi capable de réduire l'amertume et d'accroître le goût sucré d’un aliment. C'est pour cela que l'on retrouve du sel dans des aliments aussi divers que les céréales, les tartes et même le chocolat.

Comme le sel est relativement bon marché, il n'est pas étonnant qu'il soit l'additif le plus utilisé par l'industrie alimentaire. Sa forte présence est préoccupante lorsque l'on sait qu’une consommation excessive de sodium est associée à l'hypertension chez les personnes qui y sont sensibles; soit environ 50 pour cent de la population. La limite maximale de sodium recommandée est de 2 300 milligrammes par jour ou l'équivalent d'une cuillère à thé. Au Canada, où la consommation moyenne est de 3 100 milligrammes par habitant, 85 pour cent des hommes et 60 pour cent des femmes dépassent l’apport quotidien recommandé. Dans deux provinces, l'Ontario et le Québec, la consommation de sodium est particulièrement élevée; avec 3 300 milligrammes par jour, soit près de 50 % au-delà de la limite maximale.

Il est intéressant de noter qu'il peut exister des différences énormes dans le contenu en sel pour les mêmes marques de produits, dépendamment du pays où on les achète. Le groupe World Action on Salt and Health (WASH), dont l’objectif est de réduire la consommation de sel, a étudié plus de 260 produits provenant de compagnies allant de Kellogg à Nestlé en passant par KFC et McDonald. Les résultats (http://www.worldactiononsalt.com/) sont fascinants. Par exemple, au Canada, les céréales All Bran de Kellogg contiennent trois fois plus de sodium (0,86 grammes par 100 grammes) qu’aux États-Unis (0,26 g par 100 grammes).

Un consommateur qui recherche le goût sucré sans les calories a de nombreux produits de substitution à sa disposition. Par contre, dans le cas du sel, malgré les problèmes de santé qu'il entraîne, la science n'est pas encore arrivée à trouver un produit comparable. Cependant, beaucoup d'efforts sont déployés en ce sens. Le chlorure de potassium, le succédané du sel le plus utilisé, a un arrière-goût amer qui repousse beaucoup de consommateurs. C'est pourquoi certains laboratoires développent des additifs qui, lorsqu’on les ajoute au chlorure de potassium, bloqueraient les récepteurs des saveurs amères. Une autre approche est de réduire la consommation de sel en augmentant le pouvoir salant de ce dernier. D'après les chercheurs du Monell Chemical Senses Center, à Philadelphie, l'arginine, un acide aminé, semble offrir des possibilités intéressantes. Pour sa part, la compagnie Givaudan, la plus grande entreprise au monde de parfums et d'arômes, travaille avec un nucléotide, la guanosine acétyle monophosphate. Ce dernier est naturellement présent dans le Katsuobushi un poisson fermenté à partir duquel les Japonais préparent le dashi, un bouillon qui est la base de beaucoup de soupes. Leather Food International, un centre de recherche alimentaire, de son côté, cherche à augmenter le pouvoir salant en modifiant la taille des grains de sel. D'après eux, les petits grains de sel, produits par lyophilisation (comme le café instantané) sont plus rapidement perçus par les récepteurs spécialisés de la langue, augmentant ainsi la perception du goût salé.

Évidemment, toutes ces recherches ne sont qu’à un stade précoce et sont à prendre cum grano salis (avec un grain de sel)!

_______________________________________________________________________________________________________ LES MANCHETTES SCIENTIFIQUES d’Ariel Fenster L’Organisation pour la science et la société de l’Université McGill présente des capsules sur des sujets défrayant l’actualité scientifique. Plus de renseignements sur ces sujets, ou d’autres d’intérêt général, sont disponibles en communiquant avec Ariel Fenster.

Professeur Ariel Fenster Organisation pour la science et la société de l’Université McGill 514 398-2618

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