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L’on dit que lorsqu’elle fut informée que le peuple manquait de pain, Marie‑Antoinette rétorqua: «Qu’ils mangent de la brioche». La manchette de la dernière édition du magazine New Scientist paraphrasait cette expression avec le titre: «Qu’ils mangent des vers», en référence à un article sur la thérapie helminthique qui y était publié

Dans le cadre de cette approche controversée, des patients se font infecter avec des œufs ou des larves de vers parasites, appelés helminthes. Le but est de traiter des maladies auto-immunes allant de l’allergie courante, dont le rhume de foins, à des problèmes plus sérieux comme la colite ulcéreuse, la maladie de Crohn, voire la sclérose en plaques.

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Parmi les espèces d’helminthes les plus utilisées, mentionnons le Necator americanus (représenté ci-contre). Dans ce traitement, les larves sont appliquées sur la peau où elles pénètrent pour ensuite se loger dans l’intestin. Dans le cas du Trichuris trichiura le patient se fait infecter en avalant des œufs de l'espèce. Le Trichuris trichiura se loge également dans l’intestin, où les vers éclosent éventuellement. Très répandues aux quatre coins du monde, ces deux variétés peuvent entraîner de sérieux problèmes intestinaux. L’Organisation mondiale de la Santé estime que le Necator americanus infecte annuellement plus de 1,3 milliard d’individus et cause 65,000 décès. Le Trichuris trichiura est, quant à lui, responsable de l’infection d’un milliard de personnes et de 10,000 décès.

Si, a priori, il semble paradoxal de faire appel à des organismes aussi néfastes pour traiter des problèmes de santé aussi graves, cette façon de faire est néanmoins fondée sur des arguments scientifiques. Ceux-ci sont basés sur l'observation que dans les pays où les infections helminthiques sont endémiques, les pays tropicaux par exemple, les maladies auto-immunes sont relativement rares. Une situation que certains expliquent par la théorie de l’hygiène, proposée en 1989 par le Dr David Strachan ( British Medical Journal). Selon ce médecin britannique, la société occidentale est devenue «trop propre». Les normes d’hygiène des pays industrialisés –extrêmes par rapport à ce qu’elles étaient par le passé– ont eu pour effet de diminuer, voire d’éliminer, l’exposition des habitants à une variété de microorganismes et de parasites. Par conséquent, leur système immunitaire est devenu hypersensible, réagissant démesurément à des allergènes bénins, en attaquant les organes qu’il est censé protéger.

Pour les adeptes de la thérapie helminthique, ces vers parasites ont développé la capacité de survivre dans le corps humain, et ce, depuis des millénaires, sans être rejetés. Ils soutiennent que ces invertébrés ont acquis les moyens de freiner l’activité du système immunitaire, ce qui est, après tout, l’approche des traitements conventionnels des maladies auto-immunes. En conséquence, le but de la thérapie helminthique est d’infecter les personnes souffrant de maladies auto-immunes avec ces parasites, à une dose suffisante pour déprimer le système immunitaire, mais pas en nombre suffisant pour causer les problèmes de santé auxquels ils sont associés.

L’un des premiers chercheurs à avoir mené des travaux suggérant une validité à cet argument est le professeur Joe Weinstock . Dès 2005, ce chercheur de l’Université Tufts du Massachusetts publia une étude parue dans la revue Gastroenterolgy , à l’issue de laquelle il démontra une amélioration significative des symptômes chez les personnes souffrant de colique ulcéreuse grâce à un traitement à petites doses à l’aide d’œufs de Trichuris trichiura. Depuis, d’autres chercheurs se sont penchés, avec des résultats mitigés, sur l’utilisation de la thérapie helminthique pour le traitement d’autres maladies auto-immunes, dont la sclérose en plaques, où le système immunitaire attaque les cellules nerveuses.

Divers problèmes freinent les recherches sur la thérapie helminthique. En premier lieu, la difficulté d’obtenir l’approbation des autorités médicales pour l’utilisation d’organismes susceptibles de rendre les participants gravement malades. Il y a aussi la grande variété de maladies auto-immunes, et le fait qu’elles évoluent différemment d’un individu à l’autre. Ainsi, comment s’assurer qu’un organisme particulier, efficace pour un individu, le soit d’emblée pour d’autres?

Quoi qu’il en soit, beaucoup de patients atteints d’une maladie auto-immune ne veulent pas attendre. Et les traitements helminthiques n’étant pas disponibles en Amérique du Nord (en dehors des essais cliniques), certains patients préparent eux-mêmes des mixtures qu’ils espèrent efficaces. Certains élèvent des vers, avalent des œufs isolés de selles ou se les procurent auprès de compagnies mises sur pied pour répondre à la demande. L’une d’elles est Autoimmune Therapies, située à Tijuana, au Mexique. Elle exige des milliers de dollars, outre les frais de déplacement des patients, certains atteints de sclérose en plaques, en échange d’un traitement à l’aide de larves de Necator americanus.

Une telle situation porte à espérer que la recherche sur la thérapie helminthique progresse rapidement. Ceci permettra d'offrir d'aux patients souffrant de maladies auto-immunes des réponses fiables et valides quant à l’efficacité de cette approche.

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