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Après l'année internationale de la forêt, voilà que l'ONU a déclaré 2012 comme l'année internationale de l'énergie durable pour tous.

Par Diane Bastien, membre du cercle scientifique de la Fondation David Suzuki.

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L'énergie étant l'élément central ayant permis l'amélioration de notre qualité de vie au cours des deux derniers siècles, elle constitue un pilier fondateur de notre société moderne. Néanmoins, elle est aussi une importante source de pollution affectant la qualité de notre environnement et notre santé. Le triste épisode du grand smog de Londres, qui aurait terrassé jusqu'à 12 000 personnes en 1952, nous rappelle les risques associés à la combustion en milieu urbain.

Soixante ans plus tard, les combustibles fossiles fournissent toujours la majorité de l'énergie de la planète*. Les épisodes de smog, moins virulents, continuent malgré tout de tuer à petit feu dans les grands centres urbains de la planète. Comme les réserves mondiales de charbon, de pétrole, de gaz naturel et d'uranium pourront répondre aux besoins énergétiques de l'humanité pour encore un demi à deux siècles au maximum, il faudra inévitablement recourir à des formes d'énergie durables tôt ou tard.

Comme la construction d'infrastructures d'énergies renouvelables, que ce soit un barrage hydroélectrique, des éoliennes ou des panneaux solaires, nécessite de l'énergie, il serait judicieux de s'assurer d'avoir les infrastructures renouvelables nécessaires pour combler la demande énergétique mondiale avant l'épuisement des combustibles non renouvelables.

Sur quelle énergie renouvelable la planète devrait-elle miser? Sur chacune d'entre elles! Selon les régions, elles sont plus ou moins bien nanties en ressources hydriques, solaires et éoliennes. La ressource à prioriser dépend donc beaucoup des ressources locales. Combiner l'exploitation de différentes sources renouvelables permet d'améliorer la stabilité de l'approvisionnement. L'hydroélectricité, grâce à sa capacité à stocker l'énergie par ses barrages, facilite l'intégration de l'énergie solaire et éolienne, ayant une plus grande variabilité quotidienne.

Néanmoins, selon moi, l'énergie solaire est destinée à devenir la reine des énergies renouvelables. Premièrement, bien que la radiation solaire ne soit pas uniforme à l'échelle de la planète, toutes les régions du monde en reçoivent abondamment, des pôles à l'Équateur. Deuxièmement, elle est celle avec le plus grand potentiel : elle pourrait assouvir 2850 fois les besoins mondiaux actuels en énergie, contrairement à 200 fois pour l'éolien et seulement une fois pour l'hydroélectricité. Troisièmement, elle est la seule énergie renouvelable qui peut s'exploiter facilement de façon décentralisée, c'est-à-dire intégrée aux bâtiments. Produire de l'énergie là où elle est consommée, dans les bâtiments, rend ceux-ci plus sécuritaires et résilients en cas de panne du réseau.

C'est l'énergie la plus « démocratique », la plus facile à capter : avec quelques connaissances de base, un propriétaire peu facilement concevoir sa maison de sorte à capter les rayons du soleil pour le chauffage et l'éclairage naturel de sa maison. De plus, de nombreux patenteux ont construits des collecteurs solaires thermiques « faits maisons » en réutilisant des matériaux. Construire sa propre éolienne ou turbine hydroélectrique est beaucoup plus laborieux...

Mais qu'en est-il de la réalité économique? Avons-nous les moyens de capter l'énergie du soleil? Je poserais la question autrement... Avons-nous les moyens de nous en passer?

Sous l'ère des combustibles à bon marché, oui, il était possible d'assouvir nos besoins énergétiques sans l'astre céleste. Toutefois, cette ère est clairement révolue.

Une maison solaire passive coûte environ 5% plus cher qu'une maison conventionnelle et ne coûte que 400$ à chauffer avec des plinthes électriques (Propos tenus par l'architecte Luc Muyldermans, dans le documentaire Chercher le courant). En comparaison avec une maison neuve conventionnelle à 250 000$ qui coûte 2 000$ de chauffage par année, on réalise une économie de 20 000 $ après vingt ans. En tenant compte de l'inflation du prix de l'énergie, cette économie est en réalité encore plus substantielle.

Mais qu'en est-il du prix des panneaux photovoltaïques? Au Québec, la production d'électricité à partir de panneaux photovoltaïques revient actuellement à 18-27 ₵/kWh (Le potentiel des énergies solaires au Québec, p22). En comparaison au tarif d'Hydro-Québec, qui se situe entre 5 et 7 ₵/kWh, c'est effectivement plus élevé. Sachez toutefois que même en étant plus dispendieuse que l'hydroélectricité, utiliser l'énergie photovoltaïque pour alimenter des voitures électriques est, dès maintenant, moins cher que le pétrole (Le potentiel des énergies solaires au Québec, p46).

L'association canadienne des industries solaires (CanSIA) prévoit que, d'ici 2025, l'énergie solaire photovoltaïque aura atteint la parité économique avec les autres sources d'énergie. 2025, c'est dans 13 ans! Pas demain, mais disons après-demain... Si nous voulons profiter de la croissance de cette industrie, il faut s'y lancer dès maintenant.

Malheureusement, c'est le contraire qui se passe actuellement au Québec... Nous perdons actuellement nos entreprises solaires. Elles mettent la clé sous la porte et déménagent en Ontario, afin de profiter du boum solaire chez nos voisins, comme Centenniel Solar, qui a fermé son usine de St-Laurent pour s'installer à Kingston.

Le Québec est en position enviable : 97% de son électricité est renouvelable, et bon marché de surcroit. Il y a là une opportunité afin d'attirer des entreprises solaires pour qu'elles manufacturent leurs panneaux solaires ici même. Nous pourrions développer un label : énergie renouvelable produite à partir d'énergie renouvelable. Voilà un cycle vraiment durable.

Pour l'industrie photovoltaïque, deux choix s'offrent à nous : être proactif et développer une industrie locale, ou acheter les panneaux chinois (ou Ontarien) en 2025 lorsque la parité économique sera atteinte.

Négliger l'énergie solaire passive et photovoltaïque, c'est perdre de l'argent et des emplois. Il est grand temps de sauter dans le train et commencer à exploiter l'énergie solaire sérieusement. Plusieurs propositions concrètes se trouvent dans le rapport "Le potentiel des énergies solaires au Québec".

Nous devons développer une vision à long terme sur le développement de nos ressources énergétiques, basée sur la planification intégrée des ressources. Celle-ci se définie par l'adoption de la solution la moins dispendieuse et la plus souhaitable au plan économique, social et environnemental. En conciliant ces trois critères, il sera alors possible de continuer la transition mondiale, déjà amorcée, vers des énergies durables pour tous.

*En 2008, le pétrole, le gaz naturel et le charbon a fourni 81,2% de la consommation énergétique mondiale (World Energy Outlook 2010, IEA, Tableau 2.1 page 80.)

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