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Au printemps de chaque année, des amateurs de Coca-Cola Classique prêtent une attention particulière à l’apparence de la bouteille: ils vérifient que celle-ci est fermée avec une capsule jaune au lieu de la capsule rouge habituelle.

Ceci indique que le soda est kasher pour la Pâque juive. C’est-à-dire qu’il respecte les règles alimentaires de «cacherout» suivies par les juifs pratiquants pour qui la consommation de certains grains, y compris ceux de maïs, est interdite durant cette période. C'est pourquoi les fabricants de soda remplacent dans leur formulation le sirop de maïs par du sucre, pourtant plus cher, rendant ainsi la boisson kasher.

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Lorsque le code alimentaire de cacherout fut mis en place, il y a des millénaires, la nourriture était préparée à la maison ou localement. Les règles de cacherout étaient relativement faciles à observer. Mais aujourd'hui, les juifs religieux, comme la population en général, consomment des aliments préparés industriellement et qui contiennent de nombreux additifs. Pour les juifs religieux, ces derniers doivent répondre à des critères stricts pour que le produit soit déclaré kasher.

Coca-Cola fut probablement le premier produit de grande consommation à obtenir le label «kasher», non seulement pour la Pâque, mais à longueur d'année. L'histoire remonte aux années 1930, quand Coca-Cola demanda l'aide du rabbin d'Atlanta Tobias Geffen (1870-1970) pour faire en sorte que le soda devienne kasher. Ce qui a nécessité pour le rabbin de connaître exactement la nature, et l'origine, des différents ingrédients entrant dans sa préparation. Cela comprenait même ceux présents dans la «formule secrète». Après avoir hésité, Coca-Cola accéda finalement à sa demande, après lui avoir fait promettre le secret. Un secret qu'il conserva jusqu'à sa mort.

Au cours du processus de certification, le rabbin eut à faire face au problème du glycérol, une molécule utilisée comme stabilisant d'arôme dans la préparation du soda. Le glycérol peut être produit à partir de graisse animale, comme celle de porc ou de bœuf, traitée avec de la soude caustique*. Le porc, bien sûr, est non-kasher, mais dans le cas d'autres animaux, comme le bœuf, l'animal est seulement kasher s'il a été abattu selon le rite prescrit. Tobias Geffen eut à répondre à la question –s'il s'agit d'une molécule qui ne ressemble plus à l'animal dont elle a été extraite, peut-elle être kasher? Le rabbin décréta que l'origine compte, donc qu'une molécule dérivée d'un animal qui n'est pas kasher devient impropre à la consommation; on dit alors que l’aliment est «treif». Cette décision amena la compagnie, avec l'aide de Geffen, à trouver une autre source de glycérol. Aujourd'hui, le glycérol du Coke est préparé à partir d'huile de graines de coton.

On estime qu'entre quarante et cinquante pour cent des aliments en vente au supermarché sont certifiés kasher. Une pratique qui supporte toute une industrie, dont l'existence repose sur l'analyse détaillée de milliers de produits. La compagnie «OK Kosher Certification» de New York certifie plus 100 000 produits différents, y compris 10 000 arômes. Dans le cas de ces derniers, certains contiennent jusqu'à plus de cent ingrédients différents. Chacun doit être reconnu individuellement comme kasher pour que le produit lui-même soit certifié kasher.

L'éthanol, le solvant souvent utilisé dans les arômes, peut présenter un défi quant à sa certification. Il peut provenir de nombreuses sources comme le vin, des céréales ou même du lait. S'il s'agit de vin, il est nécessaire de vérifier que ce dernier est kasher, c'est-à-dire qu'il a été préparé exclusivement par des juifs. Ceci s'applique aussi à l'acide tartrique. Ce dernier, utilisé comme additif alimentaire –principalement comme antioxydant–, peut lui aussi provenir de vin et, là aussi, il est impératif que le vin dont il est tiré soit kasher. Les règles de cacherout s'appliquent également aux colorants. Par exemple, pour qu'un colorant soit certifié kasher, il ne peut pas contenir de rouge cochenille. Ce colorant produit, comme son nom l'indique, à partir de cochenilles est «treif», car la consommation d'insectes est interdite par la religion juive.

«Tu ne feras point cuire un agneau dans le lait de sa mère.» C’est de ce commandement de la bible qu’est dérivée une des règles les plus importantes de la cacherout. C’est-à-dire l’interdiction de manger au cours d’un même repas des produits laitiers et les aliments d’origine animale. Un défi lorsqu’il s’agit de la fabrication de fromages. Jusqu’à récemment, la plupart des fromages étaient préparés à partir de présure, un coagulant d’origine animale normalement extrait de l’estomac de veaux non sevrés. Ces fromages devenaient non-kasher en raison de la prohibition de mélanger des produits laitiers et carnés. Certains rabbins permettaient quand même ces fromages. Leurs arguments étaient que l’enzyme, la chymosine, présente dans la présure est si puissante que les quantités extraites nécessaires à la coagulation sont minuscules et donc sans conséquence. Cela dans la mesure où la production de présure a été supervisée par les autorités rabbiniques. Cet argument n’était pas accepté par les pratiquants les plus orthodoxes. Mais aujourd’hui, grâce à la biotechnologie, il est possible de fabriquer de la chymosine microbienne qui n’est pas d’origine animale. En 1990, les scientifiques ont isolé le gène responsable de la production de l’enzyme. Le gène a été ensuite introduit dans l’ADN de bactéries spécialisées qui deviennent ainsi des «usines» à chymosine. Il est à noter que l’utilisation d’enzymes microbiennes permet aux stricts végétariens de manger ces fromages qui ne contiennent pas de présure d’origine animale.

Quant au sel dit kasher, il diffère essentiellement du sel normal dans la forme des grains. Ceux-ci sont plus larges et de forme plate. Pour qu’une viande soit kasher, non seulement l’animal doit être abattu de manière rituelle, mais le maximum de sang doit en être éliminé. Lorsque le sel kasher est appliqué en surface, ses larges grains en contact avec la viande lui permettent de «purger» la viande de son sang, grâce au phénomène d’osmose.

Aussi étrange que cela puisse paraître pour certains, les certifications de cacherout s'appliquent également aux produits de laboratoire. La compagnie Aldrich Chemicals a toute une ligne de composés chimiques certifiés kasher. Cela va du 3-acétyl-2-5-méthylfuran au 2,3,5,6-tetraméthylpyrazine en passant par l’hydroxy-2,5-dimethyl-3(2H)-furanone. Tous examinés et certifiés par le Rabbin Gershon Segal du Massachusetts. Il en avait beaucoup sur la planche. Il y a près de mille composés sur sa liste.

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* La même réaction est utilisée pour faire du savon. Regardez la liste d'ingrédients. Si vous voyez «tallowate de sodium», vous saurez qu'il a été préparé à partir de graisse animale, généralement de bœuf.

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