Avertissement - Il ne faut pas considérer ce texte comme un discours politique, mais plutôt comme l’historique de la réflexion qui m’a amené à faire de la politique.

Cette année, je me présente aux élections. C’est un choix qui peut surprendre, car je suis un astrophysicien de formation et chercheur touche-à-tout dans l’âme. En effet, l’univers politique n’est pas très accueillant pour les scientifiques. Il n’y a qu’à regarder la constitution des parlements pour s’en convaincre. Heureusement, la politique n’est pas confinée à l’Assemblée Nationale ou, à tout le moins, à sa députation. Dans ce contexte, le scientifique peut et, dans une certaine mesure, doit se prononcer.

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Mes premières armes en politique datent de 1993, lorsque j’ai conçu la réserve de ciel étoilé du mont Mégantic. Ce projet est resté sur la glace pendant des années, jusqu’en 1998, lorsque, pour la première fois le public, a été mis au courant du problème. En 2000, dans un mémoire présenté lors des consultations sur le patrimoine culturel, j’ai présenté le détail de ce qui devait être fait pour résoudre le problème. En 2003, l’idée a été reprise par l’Astrolab du mont Mégantic et, en 2007, le projet a été complété - devenant ainsi la première réserve internationale de ciel étoilé.

Mon intérêt pour la question énergétique a débuté en mars 1998, à la suite de la lecture d’un article de Colin Campbell et Jean Laherre «The End of Cheap Oil» dans la revue Scientific American. Cet article présentait les résultats d’une analyse sur le futur de la production mondiale de pétrole. C’était le début de mon intérêt pour les questions énergétiques. Ce qui s’est traduit par mon intervention dans le dossier de la centrale au gaz du Suroît et par la présentation d’un mémoire en commission parlementaire en 2005 : «Une crise énergétique annoncée : les choix et le défi du Québec à l'horizon 2025». Cet intérêt pour la question énergétique m'a mené au poste actuel de coordonnateur scientifique pour une chaire de recherche dans le domaine de l’énergie.

Mon intérêt pour les modes de scrutin a débuté lors de l’élection espagnole de 2000, alors que j’étais chercheur postdoctoral dans ce pays. Cet intérêt a été aiguisé en 2002 par la lecture d’un article publié dans le numéro d’avril de la revue Pour la Science «Élections : l'analyse des mathématiciens». Cet article m’a fait réaliser à quel point le débat sur le mode de scrutin de l’époque était basé sur des informations fausses et une grande ignorance des travaux de recherche dans ce domaine. Ce qui m'amena à présenter des mémoires en commission parlementaire en 2002, 2006 et 2010. Ces mémoires, bien que très bien accueillis, sont malheureusement restés lettre morte. En fait, ils ont même eu un impact négatif : j’ai appris de source sûre que, suite à l’analyse approfondie de mon mémoire, le Parti québécois a renoncé au scrutin proportionnel. Dans le même ordre d’idée, j’ai organisé une expérience de scrutin expérimental en 2007. Cette expérience visait à explorer les comportements des électeurs face à de nouveaux modes de scrutin. Plusieurs résultats intéressants ont été obtenus et présentés lors du congrès de la Société canadienne de science économique de cette même année.

Mon premier contact avec la question des changements climatiques a eu lieu en février 2007 lors de ma dernière mission d’observation. Lors de celle-ci, la température du Pacifique a atteint des niveaux records. (Ce qui se traduisait par la présence de brume à 4200 m et par une qualité d’image dégradée raison de la présence de cellules de convection jusqu’à cette altitude.) Cependant, cette question ne m’a pas interpellé avant novembre 2005 - alors que je participais à un Bar des sciences à Saguenay sur la recherche de vie extraterrestre. À cette occasion, la conversation a dérivé sur la question des changements climatiques. Et les deux géologues présents ont fait part de leurs inquiétudes à ce sujet. Pour moi ce fut un choc, car c’était la première fois que je voyais d’autres scientifiques préoccupés par le sujet et, de surcroît, des géologues qui, en général, considéraient les changements climatiques comme des phénomènes normaux. Je me suis alors intéressé à ce sujet et, du même coup, découvert l’immense campagne de désinformation mise en place dans ce domaine. Pour moi qui suis un chevalier de la rationalité et de la rigueur intellectuelle, il n’en fallait pas plus pour me piquer au vif. Depuis, je ne manque pas de débattre sur le sujet chaque fois que c’est nécessaire. De plus, en 2010, j’ai présenté un mémoire en commission parlementaire, combinant mon intérêt pour les questions des changements climatiques et de l’énergie, mémoire intitulé «Cibles de réduction des gaz à effet de serre à l’horizon 2020 : Le Québec ne peut être qu’un leader!»

Depuis, mon intérêt pour le développement durable a pris en sens plus profond. En effet, j’ai abordé cette thématique dans le cadre de l'une de mes marottes : la recherche d’intelligence extraterrestre. J’ai écrit une série d’articles sur le sujet (Sustainability: A Tedious Path to Galactic Colonisation!, 2007; What a billion years civilization looks like?, 2008; The Possibility of an Interstellar Empire, 2011.) Dans le même contexte, j’ai écrit un article pour la revue Ciel et Espace du mois de juillet dernier, un article portant sur la survie à long terme de la civilisation. Pour moi, il est maintenant très clair qu’il s’agit d’un défi considérable qui ne pourra être résolu que par la mise en place de mécanismes collectifs de décisions à long terme. Tous les outils de la science et tous les éléments de notre connaissance devront être utilisés.

De plus, je suis profondément indigné de la façon dont le débat public est mené. Au lieu d’idées, on échange des slogans et des concepts vides de sens. Une longue liste de questions publiques m’enragent : elles montrent clairement l’insignifiance du discours tenu par nos "intellectualleux". Exemples: le débat sur le danger des champs électromagnétiques, des radiations à faibles doses, des éoliennes, de la réduction du nombre d’élus, de la discrimination envers les femmes dans les partis politiques, la proposition d’élire le premier ministre au suffrage universel, l’écologisme du TGV et la possibilité que les Québécois deviennent les Arabes de l’électricité. Il s’agit là d’un paquet de questions qui peuvent être résolues en quelques minutes d’analyse ou de revue de la littérature scientifique.

Bref, alors que l’on vit dans la société la plus technologique et scientifique de l’Histoire, cela n’a, au final, que très peu d’impacts dans le débat public, les opinions ayant plus de valeur que les faits. Dans mon esprit, il s’agit là d’une situation extrêmement dangereuse qu’il faut combattre à tout prix. Ce problème est au cœur de mon implication politique.

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