image00317.jpg
S’il y a un instrument de laboratoire qui est associé avec la chimie, c’est bien le brûleur (bec) Bunsen. Que ce soit pour isoler des métaux, distiller des liquides ou purifier des mélanges, la chimie a toujours eu besoin de flammes pour ses expériences. En fait, bien que Robert Bunsen ait contribué à la popularité du brûleur qui porte son nom, il n’en est pas l’inventeur.

Jusqu’au 19e siècle, les sources de chaleur disponibles aux chimistes étaient limitées. Il y avait bien les fours et les brûleurs au charbon de bois, mais les travaux de laboratoire requéraient une flamme qui pouvait être facilement contrôlée. Les brûleurs à huile ou à base d’alcool, eux, ne chauffaient pas assez et produisaient par ailleurs beaucoup de fumée.

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

Lorsque le gaz de houille, produit à partir du charbon, fut introduit pour l’éclairage des villes, beaucoup de chimistes se tournèrent vers cette nouvelle source d’énergie pour leurs réactions. Parmi eux, il y avait en Angleterre Humphry Davy* et son assistant Michael Faraday. Ces derniers firent l’observation que la température de la flamme des brûleurs dépendait surtout de la vitesse de combustion du gaz et que celle-ci était associée à la quantité d’air présente. Une observation cruciale qui allait permettre le développement de brûleurs plus efficaces. Le brûleur conçu par Faraday en 1828 consistait en un long tube, où arrivait le gaz, avec au sommet un cône réglable. Plus ce dernier était ouvert, plus grande était la quantité d’air admise et plus chaude était la flamme. Une excellente idée, mais qui malheureusement n’alla pas plus loin à l’époque.

Ce n’est qu’en 1855 que Robert Bunsen, nouvellement nommé professeur de chimie à l’université de Heidelberg, demanda à son technicien Peter Desaga de lui construire un brûleur efficace. Peter Dasaga se basa sur les idées de Faraday, mais avec une modification de grande importance. Dans le modèle de Dasaga, au lieu de se faire au sommet du tube, l’arrivée d’air se fait à la base par une série de fentes percées dans le tube. L’entrée d’air à travers ces fentes est contrôlée par une bague, elle aussi percée de trous. Lorsque les trous de la bague coïncident avec ceux du tube, le maximum d’air est aspiré par le gaz. Le mélange intime du gaz et de l’air voyage jusqu’au sommet du tube où il brûle en totalité, donnant une flamme bleue, voire quasi invisible; une flamme dont la température peut atteindre 1500°C. À l’autre extrême, quand la bague est fermée, le gaz brûle de manière incomplète au sommet du tube quand il se trouve en contact avec l’air. L’absence de prémélange du combustible et de l’air a pour résultat une flamme jaune beaucoup moins chaude, mais plus lumineuse.

C’est toutefois d’une flamme de haute température et peu lumineuse dont avait particulièrement besoin Bunsen. Lorsque les métaux sont portés à haute température, ils émettent des couleurs qui leur sont spécifiques; pensez aux feux d’artifice –rouge pour strontium, bleu pour cuivre, blanc pour magnésium. Bunsen utilisa cette propriété pour étudier les couleurs produites par une variété d’éléments. Une flamme lumineuse lui aurait caché les couleurs émises. Bunsen découvrit ainsi l’existence de deux nouveaux éléments, le rubidium et le césium. Mais de manière plus large, on peut dire que, grâce au bruleur «Desaga», Bunsen lança les bases de la spectroscopie, l’identification de substances et de leurs propriétés, grâce à la lumière qu’elles émettent.

___

*Les travaux de Humphry Davy sur la combustion des gaz l’amenèrent à inventer une lampe de sûreté pour mineurs, connue sous le nom de lampe Davy. Avant son introduction, les mineurs utilisaient des lampes à flamme ouverte, une pratique particulièrement dangereuse en présence de grisou (nom donné au gaz, surtout du méthane, qui se dégage du charbon). Dans la lampe Davy, la flamme est entourée d’un grillage fin. Ce dernier empêche la propagation de la flamme vers l’extérieur et, en absorbant la chaleur émise par celle-ci, minimise les risques d’explosion. Aujourd’hui, les mines sont éclairées à l’électricité, mais dans son temps, la lampe Davy a sauvé des milliers de vies.

Je donne